Psoriasis
Publié le 30 mar 2022Lecture 7 min
Éducation thérapeutique du patient dans le psoriasis
Nathalie QUILES-TSIMARATOS, hôpital Saint-Joseph, Marseille
Le psoriasis est une affection inflammatoire chronique affectant la peau et les articulations, dont les progrès thérapeutiques ont été patents durant ces dernières années. La prise en charge de cette maladie rencontre encore de nombreux écueils alors qu’il est possible de proposer un schéma thérapeutique à la majorité des patients. En dehors des traitements médicamenteux, une décision médicale partagée avec le patient est un objectif pour améliorer l’adhésion et l’observance de celui-ci. Pour cela, le patient doit acquérir les connaissances nécessaires à la discussion. Ceci passe par une éducation des patients, qui permet d’améliorer le contrat de soin et l’adaptation thérapeutique.
Altération de la qualité de vie
La prise en compte de l’altération de la qualité de vie du patient avec stigmatisation, isolement, anxiété et diminution de l’estime de soi n’a pas toujours été validée(1,3). Les patients atteints de psoriasis modéré à sévère ont une altération cumulative des projets de vie les empêchant d’atteindre les objectifs de vie attendus(3). Le fardeau social et économique du psoriasis est un fait important, avec un effet néfaste sur les interactions sociales entraînant un isolement des patients, une incidence élevée des addictions et une diminution de la productivité au travail(1,4).
De nombreuses études menées dans différents pays ont montré qu’il y a, en plus d’un parcours de soins complexe, un retard dans l’introduction du traitement systémique du psoriasis modéré à sévère et que de nombreux patients restent non traités(5,9). Parfois, l’inertie médicale est mise en cause. Parfois, cette insuffisance est due aux patients qui ne consultent plus ou qui pratiquent le nomadisme médical. Le déficit de plainte des patients psoriasiques est aggravé par le repli sur soi et par l’alexithymie (difficulté d’expression des sentiments), associés à cette pathologie(10).
Place de l'éducation thérapeutique des patients (ETP)
Il a été démontré que les ETP dans les maladies chroniques améliorent la qualité des soins et permettent aux patients de mieux contrôler leur pathologie, comme le diabète(11) par exemple.
En dermatologie, des programmes d’éducation des patients ont été mis en place depuis longtemps, et leur évaluation par des études multicentriques a montré un réel bénéfice, notamment dans la prise en charge de la dermatite atopique(12,13). Dans cette indication, des programmes ont pu de ce fait se développer en France. Depuis plus de 30 ans(14), des interventions éducatives pour les patients atteints de psoriasis ont été mises en place. Peu ont été évaluées.
Cette prise en charge éducative représente un vrai défi pour les structures médicales. Les ateliers organisés à l’hôpital demandent ainsi une implication forte des soignants, et un aval des instances directrices. Face à la pénurie de moyens humains, au coût et au manque de temps, il faut souvent être créatif. En Allemagne, l’ETP est prise en charge par les caisses d’assurance-maladie. Ce n’est pas encore systématiquement le cas en France, et le financement de certains programmes par les ARS reste faible.
Concrètement, du personnel soignant dédié et formé doit être disponible pour animer les séances où les malades sont invités à se rendre. Au départ, il peut y avoir une méconnaissance des bénéfices à atteindre par certains patients. Une manière différente de faire du soin qui peut rebuter ; les malades et leur médecin traitant sont parfois dubitatifs sur le gain. Il s’agit de permettre au patient de devenir acteur de sa prise en charge. De plus, il faudra selon le public produire un discours différent, des messages de prévention et de traitement adaptés, des techniques de soin spécifiques ciblées pour une meilleure autoprise en charge. Au-delà des effets thérapeutiques et éducatifs, l’ETP a probablement un impact psychologique favorable : une écoute différente ; la rencontre d’autres patients ; un nouveau lieu de partage. L’amélioration du patient est alors globale, et son évaluation doit se poursuivre dans des études de bonne qualité méthodologique.
Évaluation de l'ETP
L’évaluation des programmes d’ETP dans le psoriasis, peu nombreux et encore non uniformisés, reste difficile.
Une revue a évalué 16 études dans cette thématique(15). Deux essais cliniques randomisés (ECR) ont évalué les interventions individuelles patient-praticien ou patient-infirmière ; un ECR a évalué une intervention en ligne ; trois ECR se sont intéressés à des interventions de groupe répétées et un ECR à des séances de groupe ponctuelles. Seules trois ECR ont trouvé un effet positif sur l’évaluation des patients malgré des similitudes dans le mode de prestation entre les interventions, les patients éligibles et les contextes dans lesquels les interventions ont été effectuées. Les interventions qui comprenaient une séance individuelle (en tête à tête) semblaient les plus performantes. Plus spécifiquement, les résultats de l’étude de Bostoen et coll. sont intéressants(16). Ce programme représentait un total de 48 heures de formation, dispensées en 2 sessions de 2 heures par semaine. Cette étude monocentrique ne portait que sur 29 patients, mais elle montrait une amélioration de la gravité de la maladie et de la qualité de vie pour le groupe ayant bénéficié du programme.
Une étude EDUPSO (9 centres, 142 patients)(17) multicentrique française vient d’être publiée et a permis d’évaluer les effets d’un programme multidisciplinaire standardisé d’éducation des patients atteints de psoriasis sur la santé et la qualité de vie associée (HRQoL). Les objectifs secondaires étaient de déterminer l’effet du programme sur la sévérité du psoriasis, le stress perçu par le patient, les connaissances des patients sur la maladie et leur niveau de satisfaction vis-à-vis de la gestion de la maladie.
Les résultats à 3 mois étaient ceux d’une amélioration de la sévérité et de la qualité de vie dans le groupe ETP et le groupe témoin, avec une plus grande satisfaction de la prise en charge du traitement par le groupe ETP. Les patients avaient tous un long passé de psoriasis, et les auteurs suggèrent que l’ETP serait probablement plus efficiente au début de la maladie(17).
L'expérience de Saint-Joseph à Marseille
Forts des résultats de ces premières études, nous avons mis en place à l’hôpital Saint-Joseph à Marseille, en 2013, un programme afin de renforcer la capacité de la personne ayant un psoriasis sévère ou un rhumatisme inflammatoire chronique (et son entourage) à prendre en charge sa maladie et à avoir une qualité de vie acceptable.
Les objectifs du programme validé par l’ARS PACA étaient de comprendre les différents mécanismes du psoriasis, d’entendre la représentation de la maladie de chaque participant et la manière dont il le vit, d’expliquer l’importance de l’observance des traitements parfois complexes et longs, de montrer les comorbidités associées et l’importance des règles hygiéno-diététiques dans la prise en charge, de pratiquer les gestes techniques de soins (injection, topiques).
Nous avons choisi d’inclure dans le programme toute personne volontaire porteuse d’un psoriasis, quelle que soit sa sévérité. Le programme dure 3 mois, à raison de 3 séances collectives d’une heure, et 10 personnes maximum par atelier.
L’équipe éducative comporte une infirmière spécialisée en ETP, un dermatologue, une diététicienne, une psychologue, un pharmacien clinicien, un patient expert et un kinésithérapeute. Un jeu éducatif KaliPso a été créé par l’équipe sous forme de cartes avec des affirmations sur le psoriasis à commenter (figure 1). Un entretien individuel ouvre et clôture le programme. L’évaluation de ce programme a fait l’objet du mémoire de DES en dermatologie du Dr Paola Berniolles. Cette évaluation montre que 88,1 % des patients (37 patients) ont répondu qu’ils se sentaient bien traités pour leur maladie ; malgré le traitement, le poids de la maladie restait lourd pour 57,1 % (24) des patients, et 40,5 % (17) se sont dits handicapés par leur maladie.
Les objectifs des patients intégrant le programme étaient de mieux comprendre la maladie, le traitement et le suivi, de discuter de leur situation avec des soignants spécialisés mais aussi de rencontrer des personnes qui ont le même vécu pour échanger. 64,3 % avaient atteint ces objectifs en totalité, 35,7 % partiellement. Les inconvénients étaient les contraintes de lieu et d’horaire.
Encore plus intéressant, 28,6 % ont répondu que leur relation avec leur dermatologue avait changé depuis ces ateliers, 76,2 % (32 patients) que leur vision de la maladie avait changé depuis les ateliers, et 52,4 % (22 patients) considéraient que leur maladie était mieux contrôlée depuis leur participation à ces ateliers. De plus, 100 % des intervenants étaient satisfaits de leur participation et ont maintenu leur implication. Bien évidemment, cette évaluation monocentrique menée sur un faible effectif reste peu représentative, mais elle permet d’envisager des études plus adaptées.
Une des difficultés reste le recrutement, sur des horaires parfois incompatibles avec la vie professionnelle ou sociale de nos patients. Nous avons donc mis en place un format hybride de nos ateliers durant les confinements avec l’impression de ne pas couper le lien.
De plus, depuis décembre 2021, une démarche éducative est proposée dans la salle d’attente de la consultation dédiée au psoriasis avec la projection de films éducatifs à l’aide de casques virtuels. Les patients ont le choix parmi plusieurs productions que nous avons montées sur les mêmes thématiques que les ateliers (figure 2). Ceci permet également d’optimiser l’attente. L’infirmière d’ETP présente, améliore l’interface et permet d’approfondir les questions secondaires au visionnage. La consultation psoriasis, qui suit, est immédiatement profitable, quel que soit l’ancienneté du suivi, et permet d’éclaircir certaines interrogations du patient. Cette démarche éducative reçoit un excellent accueil des patients et fera l’objet d’une évaluation.
L’éducation thérapeutique est complémentaire à la stratégie thérapeutique des maladies chroniques.
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