Publié le 09 jan 2023Lecture 3 min
Faut-il encore craindre les effets psychiatriques de l’isotrétinoïne ?
Marie-Line BARBET
La survenue de manifestations neuropsychiatriques plus ou moins sévères lors des traitements par isotrétinoïne pour l’acné a été rapportée sans que l’on puisse de manière définitive la qualifier d’effet secondaire. Cette constatation émane de petites cohortes de patients avec un risque de manque de précision quant à l’estimation des effets secondaires déclarés.
Une récente métaanalyse de 31 études sur le sujet n’est parvenue qu’à inclure 1 411 patients qui avaient été évalués sur le plan psychiatrique à la recherche de symptômes dépressifs avant l’initiation du traitement. Par ailleurs, la plus grande sévérité de l’acné chez ceux qui sont exposés à l’isotrétinoïne par rapport à l’acné des sujets du groupe contrôle crée un biais de confusion par indication.
C’est ce dernier argument qui a conduit à entreprendre une étude rétrospective avec appariement à l’aide d’un score de propension, afin de comparer l’incidence des troubles neuropsychiatriques chez les patients exposés à l’isotrétinoïne et chez les patients recevant d’autres traitements anti-acnéiques, en utilisant les données numérisées de 56 organismes de santé (91 % aux États-Unis., 9 % en Europe) sur plus de 12 millions de personnes âgées de 12 à 27 ans entre 2013 et 2019.
Après exclusion des malades avec des antécédents de cancer et ceux qui sont décédés pendant la période d’étude, il reste 382 340 patients pour lesquels une acné a été diagnostiquée (acné vulgaire dans 78 % des cas). Parmi eux, 30 866 ont eu au moins une prescription d’isotrétinoïne. Trois sous-groupes ont été distingués pour la population contrôle n’ayant pas reçu d’isotrétinoïne : groupe de ceux qui ont été traités par antibiotiques (érythromycine ou tétracycline ; n = 44 748), groupe ayant eu seulement un traitement topique (n = 108 367) et groupe n’ayant eu aucun traitement anti-acnéique (n = 78 666).
Davantage de troubles psychiatriques avec une acné
Sans ajustement sur la sévérité de l’acné, il est apparu que le diagnostic d’acné était associé avec une augmentation du risque de manifestations psychiatriques incidentes (odds ratio OR : 1,46 ; intervalle de confiance à 95 % IC : 1,43 -1,50) par rapport à une population de même sexe, âge et ethnie n’ayant pas fait l’objet d’un diagnostic d’acné.
Après appariement par la méthode du score de propension (sur le type d’acné, les comorbidités, les antécédents de pathologie mentale, l’âge au moment de la première prescription, le sexe, l’ethnie...) afin d’éliminer (au mieux) les facteurs de confusion, le risque (OR) de présenter une manifestation neuropsychiatrique incidente chez les patients exposés à l’isotrétinoïne a été calculé à 0,80 (IC : 0,74 à 0,87) par comparaison avec ceux sous antibiotiques oraux, à 0,94 (IC : 0,87-1,02) par comparaison avec le groupe sous topiques anti-acnéiques et enfin à 1,06 (IC : 0,97-1,16) par comparaison avec les personnes n’ayant pas reçu de traitement anti-acnéique. Pour autant, les patients sous anti-acnéiques topiques et sous anti-biotiques oraux avaient aussi un risque accru de manifestations psychiatriques comparé aux per- sonnes n’ayant reçu aucun traitement (OR : 1,16 et 1,19 respectivement).
Ainsi est-il observé une association constante entre la gravité de l’acné (telle que reflétée par les options de traitement choisies) et les manifestations psychiatriques, mais l’exposition à l’isotrétinoïne n’augmente pas le risque de survenue de ces dernières qui est d’ailleurs en deçà de celui constaté sous antibiotiques.
En effet, il a été noté une moindre incidence de l’anxiété, de la dépression, des troubles du sommeil, des automutilations et des prescriptions de psychotropes chez les patients traités par isotrétinoïne appariés par score de propension aux patients sous anti- biotiques. En tout état de cause, l’isotrétinoïne, grâce à son efficacité thérapeutique sur le plan cutané, semble capable d’atténuer les conséquences psychiatriques d’une acné sévère rebelle.
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