Mélanome acral lentigineux de stade I à II : ne pas faire l’impasse de la biopsie du ganglion sentinelle ?

Le mélanome acral lentigineux (ALM pour Acral Lentiginous Melanoma) est une forme rare de mélanome majoritairement localisé sur les paumes et les plantes, touchant avec prédilection les personnes à peau foncée. Il est souvent diagnostiqué et traité avec retard, ce qui pourrait expliquer que les tumeurs sont , au moment de leur découverte, plus épaisses, à un stade plus avancé, avec un moins bon pronostic que les autres mélanomes. Cependant, il semble de plus que le ALM soit un soustype de mélanome plus agressif associé à des modifications génétiques non liées à l’exposition aux UV. Par ailleurs, des études antérieures ont montré un taux de positivité du ganglion sentinelle élevé pour les ALM, de 25,7 % tous stades confondus, selon une analyse récente du SEER (Surveillance Epidemiology and End Results). Afin de préciser les particularités éventuelles du statut ganglionnaire des ALM, une équipe de l’université de Yale a entrepris une étude à partir de la National Cancer Database des USA qui recueille approximativement la moitié des nouveaux cas de mélanomes diagnostiqués aux États-Unis. Il s’agit d’une étude rétrospective sur les mélanomes de stade I à II diagnostiqués entre 2012 et 2015. Les cas de mélanomes in situ ont été exclus ainsi que ceux pour lesquels manquaient des informations sur l’épaisseur de Breslow, la présence d’ulcération, l’index mitotique, la survie ainsi que sur le fait qu’avait été réalisée ou non une biopsie du ganglion sentinelle et ses résultats éventuels. Au total, 60 148 patients (42,5 % de femmes) âgés en moyenne de 64 ans (DS : 16) ont été retenus dont 959 (1,6 %) avaient un ALM. Le sous-type histologique le plus représenté était le SSM (Superficial Spreading Melanoma ; 37,8 %). Les patients noirs et hispaniques avaient un pourcentage d’ALM plus élevé que les patients blancs pourtant largement majoritaires (9,1 et 6 % respectivement contre 1,1 %). Les Breslow médians les plus élevés concernaient les mélanomes nodulaires (3 mm DS 2,6) et les ALM (2 mm DS 2,2). La présence d’une ulcération en histopathologie était plus fréquente dans les cas de mélanomes nodulaires (Nodular Melanoma  [NM] ; 49,5 % des cas) et d’ALM (42,8 %) par rapport à la cohorte dans son ensemble. Le taux de mitoses était en médiane de 2/mm2 pour les SSM, 1/mm2 pour les lentigos malins (ou Lentiginous Malignant Melanoma LMM), 5/mm2 pour les NM, 2/mm2  pour les ALM et 2/mm2  pour les autres sous-types de mélanome. Une biopsie du ganglion sentinelle a été faite pour 22 521 patients (37,4 % des cas) dont 1 980 avec un NM (23,5 % des NM) et 265 avec un ALM (27,6 % des ALM). Après ajustement sur les facteurs de risque histopathologiques que sont l’indice de Breslow, la présence d’ulcération et l’index mitotique, le type ALM est apparu associé avec la probabilité la plus élevée de positivité de la biopsie du ganglion sentinelle pour les tumeurs de stade IB (vs SSM de stade IB : Odds ratio OR 2,01, intervalle de confiance IC à 95 % : 1,41-2,86 p <0,001) et de stade II (vs SSM : 0R : 1,59 ; IC : 1,28-1,97 ; p < 0,001). Le taux de positivité du ganglion sentinelle est pour les ALM également plus élevé que celui des mélanomes nodulaires aux stades IB (18,39 % vs 14,54 %) et II (39,53 % vs 28,13 %). Les analyses de survie montrent un meilleur taux de survie en cas de biopsie du ganglion sentinelle négative et un taux de survie similaire entre ceux qui n’ont pas eu de biopsie du ganglion sentinelle et ceux pour lesquels celle-ci était positive. Les résultats de cette étude montrent que le mélanome acral lentigineux est indépendamment associé à la positivité de la biopsie du ganglion sentinelle (deux fois plus fréquente que pour un SSM à stade égal), ce qui suggère une agressivité plus marquée et conduit à recommander plus largement cette exploration pour ce type de mélanome afin d’adapter les décisions thérapeutiques.