Publié le 30 avr 2024Lecture 4 min
Nævus et mélanome chez l’enfant
Catherine FABER, d’après la communication de O. Boccara, Paris
La fréquence des demandes de consultation dermatologique des parents, du médecin généraliste ou du pédiatre pour un suivi de nævus chez l’enfant, particulièrement en cas de modification du nævus ou dans certaines topographies anxiogènes, justifie cette mise au point.
Chez l’adulte, « surveiller » les nævi consiste en fait à dépister le mélanome. Selon les recommandations de la HAS, ce dépistage s’adresse à une population identifiée et considérée comme étant plus à risque. La forte ressemblance entre le mélanome à extension superficielle (SSM : Superficial Spreading Melanoma) – le mélanome le plus fréquent chez l’adulte – et le nævus est une source de difficulté diagnostique. Les UV sont le principal facteur de risque, en particulier chez les sujets qui y ont été exposés avant l’âge de 35 ans. Les critères cliniques de suspicion de malignité incluent l’apparition récente de la lésion, sa croissance rapide, son hétérogénéité en taille et en couleur. Contrairement à l’adulte, l’enfant a peu d’expositions cumulées et est de plus en plus protégé contre les UV. Pendant l’enfance, les nævi apparaissent de manière physiologique. Les nævi acquis sont par définition en croissance avec l’enfant. Par nature plus gros et plus hétérogènes, les nævi congénitaux (1 % des nouveau-nés) sont aussi plus inquiétants. Les critères diagnostiques histologiques diffèrent également de ceux de l’adulte. L’enfant n’est à l’évidence pas un adulte en miniature.
Une étude néerlando-australienne sur les caractéristiques des mélanomes pédiatriques ne retrouve que quelques cas jusqu’à l’âge de 11 ans(1). Leur fréquence commence à augmenter à partir de 12 ans et atteint son maximum à 19 ans. Chez ces adolescents, l’âge médian au moment du diagnostic est de 17 ans. Il est intéressant de noter que des Breslow très épais sont observés chez les enfants (≤ 11 ans) dont la majorité présente pourtant un mélanome conventionnel (58,1 %) surtout de type SSM (24 cas sur 36). Chez les adolescents, les mélanomes conventionnels sont également nombreux (86,7 % ; 327 SSM sur 392 cas), mais ils ont des Breslow un peu moins épais. L’association avec les nævi congénitaux, considérés classiquement comme un facteur de risque important de mélanome, est marginale, surtout chez les adolescents (0,9 %; 6,5 % ≤ 11 ans). Des auteurs britanniques ont fait un constat similaire et notent que la problématique est celle des mélanomes d’origine neurologique(2).
Aux Pays-Bas comme en Australie, il n’y a pas eu de décès chez les moins de 11 ans, et 3 seulement ont présenté des récidives ganglionnaires. Ces résultats conduisent à s’interroger sur la nature précise du « mélanome » de l’enfant, qui semble différent et moins agressif que celui de l’adulte. Enfin, le ratio mélanome de l’enfant/mélanome de l’adolescent est plus élevé dans la cohorte néerlandaise que dans la cohorte australienne, probablement parce que les anatomopathologistes australiens sont plus expérimentés dans le diagnostic de cette pathologie et plus restrictifs dans leurs critères de diagnostic histologique que leurs homologues des Pays-Bas. Une étude française plus ancienne a donné des résultats allant dans le même sens en termes de fréquence selon l’âge, de type histologique, d’épaisseur du Breslow et d’évolution pronostique et qui soulèvent la même question. Elle a répertorié 52 cas de mélanome de l’enfant et de l’adolescent entre 2000 et 2011, soit environ 5 cas par an(3). L’âge médian au diagnostic était de 15 ans, près de la moitié des patients avaient plus de 15 ans, les lésions avaient une épaisseur de Breslow supérieure à 2 mm et aucun enfant de moins de 10 ans n’est décédé.
En ce qui concerne le suivi des mélanomes (qui n’est pas indispensable), une étude menée par une équipe française à partir d’une cohorte prospective internationale a fourni des données sur les caractéristiques des nævi unguéaux congénitaux (69 cas) ou de type congénital (< 5 ans; 161 cas) en comparaison à l’adulte, et sur leur évolution(4). Elle montre que leurs caractéristiques cliniques et dermoscopiques sont comparables à celles du mélanome unguéal de l’adulte et n’a pas observé de cas de mélanome au cours des 10 ans de suivi de la cohorte.
En pratique, le mélanome est une pathologie rare chez l’enfant. En France, on estime que le nombre de cas de mélanome pédiatrique n’excède pas 10 par an. Avant l’âge de 10 ans, les «mélanomes » sont de très bon pronostic, et le mélanome n’est pas un SSM et ne ressemble pas à un nævus. L’association au nævus congénital est très minoritaire. Les critères diagnostiques de mélanome de l’adulte ne s’appliquent pas à l’enfant. Le nævus de Spitz est cliniquement inquiétant, en particulier du fait de sa croissance rapide, et justifie une exérèse complète de la lésion. L’examen anatomopathologique confirmera sa bénignité. Enfin, la situation de l’adolescent se rapproche de celle de l’adulte.
D’après la communication de O. Boccara, Paris.
Flashs pour la pratique - pédiatrie, JDP 2023.
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