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Dermatite atopique, Eczéma

Publié le 29 juin 2024Lecture 8 min

AAD 2024 | Le « tsunami » des thérapies ciblées des maladies inflammatoires chroniques cutanées

Marius-Anton IONESCU, Polyclinique de dermatologie, hôpital Saint-Louis, Paris

La réunion annuelle de l’Académie américaine de dermatologie (AAD) s’est déroulée à San Diego du 8 au 12 mars 2024 avec un nombre record de participants à cette édition (plus de 19800 dermatologues inscrits). Il serait évidemment impossible ici de faire un compte rendu de toutes les sessions de l’AAD qui couvrent tous les domaines de la dermatologie. Dans cet article, nous nous focaliserons donc uniquement sur les thérapies ciblées systémiques et topiques d’une partie des maladies inflammatoires chroniques cutanées, notamment sur les nouvelles thérapies ciblées systémiques et topiques du psoriasis en plaques modéré à sévère et de l’eczéma atopique modéré à sévère.

THÉRAPIES CIBLÉES DANS LE PSORIASIS EN PLAQUES MODÉRÉ À SÉVÈRE   Le traitement du psoriasis en plaques modéré à sévère en échec thérapeutique ou ayant unecontre-indication à une thérapie conventionnelle dispose actuellement en France d’un grand arsenal de biothérapies (figure 1). En dehors des biothérapies approuvées pour le traitement du psoriasis en plaques modéré à sévère, une thérapie orale ciblée est aussi disponible : l’antiphosphodèsthérase-4 (PDE-4) aprémilast (Otezla®). Figure 1. Biothérapies et biosimilaires avec AMM en France pour le traitement du psoriasis en plaques modéré à sévère et du psoriasis pustuleux généralisé (à fin-mai 2024).   Dans cette première partie de l’article, nous vous présenterons brièvement les résultats d’études de phase II et III communiqués à l’AAD sur les nouvelles biothérapies et les thérapies ciblées systémiques et topiques en cours de développement et/ou en cours d’obtention d’AMM ou ayant déjà obtenu récemment une autorisation de mise sur le marché aux États-Unis et/ou en Europe. Dans la session AAD SYM S018(1) ont été présentés les résultats partiels de l’étude PSORT (étude initiée au Royaume-Uni en 2014) concernant les biomarqueurs validés «les plus prometteurs » sur la gravité et la progression du psoriasis en plaques modéré à sévère : – marqueurs génomiques : LCE3D, IL-23R, IL-23A, NFKBIL1, HLA-C*06:02 ; – marqueurs protéomiques : IL-17A, IgG aHDL, GlycA, I-FABP, kallicréine-8 ; – marqueur métabolique : tyramine. Ont été présentés aussi des résultats de la même étude PSORT concernant les marqueurs liés au risque de développement du rhumatisme psoriasique : – marqueurs génomiques HLAC*06:02, HLA-B*27, HLA-B*38, HLA-B*08, IL-23R, IL-13; –marqueurs protéomiques :IL-17A, CXCL10, protéine de liaison Mac2, intégrine b5, MMP-3, M-CSF; – marqueurs métaboliques : la tyramine et l’acide mucique(2,3). La plus importante approche en vue d’une future prise en charge personnalisée du psoriasis en plaques a été la mise en évidence dans la même étude PSORT des marqueurs de l’efficacité du traitement systémique : – marqueurs génomiques de la bonne réponse aux antiTNF-alpha : CARTE14, CDKAL1, IL-1B, IL-12B, et IL-17RA (le marqueur spécifique pour la bonne réponse à adalimumab a été la phosphorylation LPS-induite du facteur NFkB dans les cellules dendritiques de type 2); – marqueurs génomiques d’une bonne réponse à l’ustékinumab ont été le HLA-C*06-02 et l’IL-1B(3).   Biothérapies du psoriasis en plaques modéré à sévère en cours de développement • L’anti-IL-17 sonélokimab (M-1095) L’anti-IL-17 sonélokimab fait l’objet d’études de phase III pour le traitement du psoriasis en plaques modéré à sévère, du rhumatisme psoriasique, de la pustulose palmoplantaire, de la spondylarthrite ankylosante, de la polyarthrite rhumatoïde et de l’hidradénite suppurée. Sonélokimab est un anticorps monoclonal nano («nanobody») anti-interleukines IL-17A, IL-17F et IL-17A/F. Dans une étude de phase III randomisée en double aveugle contre placebo, le sonélokimab a montré un bénéfice clinique significatif par rapport au placebo, avec un effet thérapeutique rapide chez les patients ayant un psoriasis en plaques modéré à sévère, avec l’amélioration significative du score Investigator’s Global Assessment (IGA) durable et aussi un profil de sécurité qui permet de continuer les études cliniques à long terme(4). • L’imsidolimab Pour le traitement du psoriasis pustuleux généralisé, l’imsidolimab, une nouvelle biothérapie anti-récepteur de l’IL-36, a montré une efficacité rapide, une bonne tolérance et un profil de sécurité acceptable(4).   Les thérapies ciblées par voie orale • L’anti-TYK2 deucravacitinib (Sotyktu®) est une thérapie ciblée orale (déjà approuvée aux États-Unis) qui sera bientôt disponible en France. Les études cliniques de phase III ont montré l’atteinte du PASI 75 par 75 % des patients à 12 semaines (dose orale de 12 mg par jour) (6) , avec un très bon profil de tolérance, sans modification du bilan sanguin à 52 semaines(7) . Les études POETYK-PSO-1 et PSO-2 «face-à-face» avec l’antiTYK2 deucravacitinib versus l’anti-PDE-4 aprémilast (Otezla®) ont montré une supériorité de l’anti-TYK2 dans la réponse clinique évaluée parle score static Physician’s Global Assessment (sPGA) de 0/1 à 24 semaines de 58,7 % dans le groupe deucravacitinib versus 31 % dans le groupe aprémilast pour l’étude POETYK-PSO-1, respectivement un score sPGA 0/1 atteint par 49,8 % des patients du groupe deucravacitinib versus 29,5 % dans le groupe aprémilast dans l’étude POETYK-PSO-2(8). • L’inhibiteur des récepteurs TYK2/JAK1 (TAK-279) a été testé versus placebo avec des résultats significatifs à la semaine 12 : le PASI 75 a été atteint par 67,9 % des patients traités avec la dose de 15 mg par jour et par 67,3 % dans le groupe 30 mg par jour, avec un bon profil de sécurité(9). • Un autre traitement oral anti-TYK2/JAK1 brépocitinib (PF-06700841) a montré des résultats significatifs versus placebo avec l’obtention d’un PASI 75 à 12 semaines de 86,2 % avec la dose quotidienne de 30 mg(10). • L’inhibiteur de la phosphodiestérase 4 PDE-4 orismilast a montré, dans une étude de phase IIa (en double aveugle versus placebo), une amélioration significative du PASI 75 à semaine 16 par rapport au groupe placebo (dose de 30 mg par jour)(11). • Le peptide oral anti-IL-23 récepteur JNJ-77242113 a montré, dans une étude de phase IIa en double aveugle versus placebo dans une série de 255 adultes, une amélioration significative à 16 semaines du score PASI 75 qui a été atteint par 79 % des patients. Le score PASI 90 a été atteint par 59,5 % de patients – résultats obtenus avec la dose de 100 mg, 2 fois par jour. Les effets adverses ont été comparables au placebo(12).   Les thérapies ciblées topiques • L’inhibiteur de phosphodiestérase-4 PDE-4 roflumilast crème à 0,3 % (Zoryve® approuvé aux États-Unis) a montré dans les études DERMIS-1 et DERMIS-2 une bonne efficacité, avec un score IGA de 0/1 et une diminution de plus de 2 points à 8 semaines (par rapport au score à J0) chez les patients enfants (de plus de 2 ans) et chez les adultes ayant une forme légère, modérée ou sévère de psoriasis (avec une surface cutanée atteinte Body Surface Area [BSA] entre 2 et 20 %). La crème roflumilast a été efficace aussi sur le psoriasis des plis(13,14). Roflumilast en mousse à 0,3 % a montré à 8 semaines (études ARRECTOR) une bonne efficacité sur les lésions du cuir chevelu et du corps avec un score S-IGA atteint par 66,4 % des patients(15) • L’agoniste du récepteur d’aryl hydrocarbone (AhR) tapinarof crème à 1 % a été évalué dans les études PSOARING-1 et 2 avec des résultats significatifs à 12 semaines par rapport aux groupes placebo (PASI 75 de 36,1 % dans l’étude PSOARING-1 et respectivement de 47,6 % dans l’étude PSOARING-2). Comme effets adverses ont été notées des dermites de contact chez 3,8 % des patients et des folliculites chez 1,8 % des cas dans l’étude PSOARING-1, et respectivement 4,7 % de dermites de contact et 0,9 % de folliculites chez les patients de l’étude PSOARING-2(16,17,18).   LES THÉRAPIES CIBLÉES DANS L’ECZÉMA ATOPIQUE MODÉRÉ À SÉVÈRE   L’eczéma atopique modéré à sévère en échec ou ayant une contre-indication à la ciclosporine bénéfice à ce jour de 2 biothérapies et de 3 inhibiteurs des récepteurs JAK approuvés en France (figure 2). Figure 2. Biothérapies et thérapies ciblées anti-JAK - AMM en France pour le traitement de l’eczéma atopique modéré-à-sévère (à fin-mai 2024).   Nouvelles biothérapies dans le traitement de l’eczéma atopique modéré à sévère • L’anti-IL-13 lébrikizumab (Ebglyss®) a reçu l’approbation de la Commission européenne pour le traitement de la dermatite atopique modérée à sévère (pas encore disponible en France à la date de la publication de cet article). Dans les études ADVOCATE-1 et 2, lébrikizumab versus placebo a montré une réponse rapide et un score Ezema Area and Severity Score (EASI) 75 maintenu à 52 semaines chez 79 % des patients dans l’étude ADVOCATE-1 et respectivement 85 % des patients dans l’étude ADVOCATE-2, avec 14 % de conjonctivites dans la 1re étude et respectivement 15 % dans la seconde étude(19). • L’anti-IL-22RA1 temtokibart versus placebo dans une étude de phase IIa (450 mg SC toutes les 2 semaines) a montré à 16 semaines une diminution du score moyen EASI chez 65,4 % des patients (versus 19,7 % dans le groupe placebo), avec un profil de sécurité comparable au placebo(20). • L’anti-chemokine Receptor 4 (CCR4) RPT193 a modifié le profile transcriptomique de la dermatite atopique à 43 jours de traitement dans une étude de phase I (série de 30 patients, avec un bon profil de sécurité)(21). • Rocatinlimab est un anticorps monoclonal anti-OX40 (KHK483) qui a montré dans une étude en double aveugle versus placebo l’atteinte du score EASI 75 à 16 chez 53 ,8 % des patients (à la dose de 300 mg en SC toutes les 2 semaines)(22) et un maintien du EASI 75 à 26 semaines après l’arrêt du traitement(23). • L’anti-OX40L amlitelimab dans une étude de phase IIb STREAM a amélioré à 24 semaines le score EASI et a changé les biomarqueurs du profile Th2, Th1 et Th17(24,25).   Nouvelles thérapies orales dans le traitement de l’eczéma modéré à sévère • L’anti-JAK1 ivarmacitinib à la dose de 8 mg par jour a permis l’obtention d’un score EASI 75 chez 66 % des patients à 16 semaines(26). • La difélikéfaline est un agoniste du récepteur opioïde les récepteurs kératinocytaires opiacés kappa opioid receptors (KORs) et indirectement diminue l’expression de l’IL-31. Dans une étude clinique de phase II la difélikéfaline à 0,25 mg et 0,5 mg/jour a réduit significativement le prurit avec un profil de sécurité meilleur qu’à la dose de 1 mg(27).   Nouvelles thérapies topiques dans le traitement de l’eczéma atopique • L’anti-PDE-4 topique rofumilast crème à 0,3 % versus son excipient a montré dans les études cliniques de phase III chez des adultes et des enfants de plus de 6 ans porteurs d’eczéma atopique l’obtention d’un score EASI 75 à 4 semaines chez 43 % des patients dans l’étude INTEGUMENT-1 et respectivement chez 42 % des patients dans l’étude INTEGUMENT-2, avec un bon profil de sécurité et une bonne tolérance locale(28). • Tapinarof, un agonistedu récepteur d’aryl d’hydrocarbone (AhR), en application topique (crème à 1 %), a montré à 8 semaines chez des enfants avec de l’eczéma topique de plus de 2 ans l’atteinte du score EASI 75 chez 56 % des cas dans l’étude ADORING-1 et respectivement chez 59 % des cas dans l’étude ADORING-2, avec des lésions de type folliculite chez 10 % des cas dans la 1re étude et chez 8,9 % dans la seconde étude, sans l’interruption du traitement(29,30). • L’anti-JAK1/2 ruxolitinib crème à 1,5 % (études TRuEAD1 et TRuE-AD2 adultes) a obtenu un score moyen EASI 75 chez 62 % des patients à 8 semaines d’application topique, avec un profil de sécurité comparable au placebo(31,32). L’étude TRUE-AD-3 chez des enfants entre 2 et 11 ans a permis l’obtention du score EASI 75 chez 67,2 % des patients(33,34). • L’anti-pan-JAK delgocitinib onguent à 05 % (Corectim®, approuvé au Japon) dans une étude chez des enfants de plus de 6 mois a montré une amélioration significative du score EASI 75 dès la 4e semaine d’applications, avec un maintien du score à 52 semaines et avec une bonne tolérance cutanée(35). • L’anti-JAK1/2 brepocitinib crème à 1 % a montré une diminution significative du score EASI 75 à 6 semaines d’application biquotidienne, avec un profil de sécurité comparable à l’excipient(36).   EN CONCLUSION   On a assisté ces dernières années à une réelle vague de nouvelles thérapies ciblées du psoriasis en plaques modéré à sévère et de l’eczéma atopique modéré à sévère, en échec thérapeutique ou ayant des effets adverses ou présentant une contre-indication à une thérapie conventionnelle. Cette réelle révolution des traitements ciblés continue, avec des nouvelles biothérapies, des thérapies orales et topiques qui ont montré des bons résultats thérapeutiques et un profil de tolérance satisfaisant. Avec le support institutionnel des laboratoires dermatologiques Uriage®.

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