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Cancérologie

Publié le 26 fév 2025Lecture 4 min

Mélasma

Raphaël ANDRÉ, dermatologue, Genève, Suisse, Centre hospitalier Annecy-Genevoix, Saint-Julien-en-Genevois

Le mélasma (ou chloasma), appelé communément « masque de grossesse », est une dermatose faciale fréquente qui touche environ 30 % des femmes en âge de procréer. Il faut noter que seulement 20 % des mélasma surviennent au cours d’une grossesse et que celui-ci ne touche donc que très rarement les hommes. Le mélasma se manifeste par une pigmentation brun clair, irrégulière, de répartition symétrique du front, des joues et parfois de la lèvre supérieure, sans prurit. Les tâches peuvent s’aggraver avec le temps et sont renforcées par l’exposition solaire. Il semblerait que le mélasma soit plus fréquent en Asie de l’Est, chez les Afro-Méditerranéens et les Hispano-Américains(1).

Le mélasma est un motif fréquent de consultation en dermatologie. Il est important de savoir le diagnostiquer à la fois pour le prendre en charge correctement et pour le différencier d’autres pigmentations faciales telles que les lentigines, le lichen plan pigmentogène, le nævus de Hori, la mélanose de Riehl, etc. La pigmentation du mélasma est mixte : épidermique et dermique. Sa pathogenèse reste aujourd’hui encore mal comprise. Plusieurs facteurs déclencheurs sont décrits : – les hormones (œstrogènes) ; – une vascularisation excessive au sein du derme qui pourrait stimuler la mélanogénèse via la sécrétion endothéliale d’endothéline 1 ; – l’exposition aux UV ainsi qu’à la lumière bleue, qui participent également aux récidives fréquentes après traitements(2).   Cas clinique   Une femme de 34 ans consulte initialement pour un mélasma (figure 1). Elle est en bonne santé et ne prend aucun médicament ou méthode contraceptive. Après 5 mois de traitement local par Pigmanorm® (dexaméthasone, hydroquinone et trétinoïne), il n’y a pas d’amélioration et la patiente développe un hirsutisme. Il est alors décidé d’arrêter la crème et d’effectuer un relais par l’acide tranexamique per os, en association à l’isobutylamido-thiazolylresorcinol (Thiamidol) sous la forme d’un sérum matin et soir et d’une crème de jour avec filtre solaire inclus (Eucerin antipigment®). Après 6 mois, la patiente est revue en consultation durant l’été (figure 2). On peut alors observer une amélioration franche de son mélasma. Elle avoue ne pas avoir pris l’acide tranexamique mais appliqué uniquement les crèmes à base de Thiamidol. Le résultat est très intéressant et permet de conclure à un effet « traitant » en plus de l’effet « préventif » de cette gamme de topiques. Figure 1. Mélasma chez une femme de 34 ans avant traitement. Figure 2. Mélasma après traitement de 6 mois, à base d'acide tranexamique per os, en association à l’isobutylamido-thiazolyl-resorcinol matin et soir et crème de jour avec filtre solaire.   Traitements possibles   Ce cas permet d’aborder ici les différents traitements possibles dans le mélasma. La figure 3 résume les différents modes d’action des molécules connues, utilisées dans la diminution de la mélanogénèse(3). Figure 3. Différents modes d’action des traitement du mélasma (d’après González-Molina et coll., J Clin Aesthet Dermatol[3]).   Classiquement, voici les traitements médicaux les plus utilisés. • Le trio de Kligman (0,1 % trétinoïne, 0,1 % dexaméthasone, 5,0 % hydroquinone) reste la formulation la plus connue. Deux à trois applications par semaine sont conseillées, sur une peau non immédiatement lavée pour éviter les irritations. On préconise une réévaluation à 3 mois avec éventuellement une poursuite du traitement encore 3 mois (6 mois au total) en cas d’efficacité. Au-delà de 6 mois, il n’est pas recommandé de poursuivre le traitement en raison du risque d’ochronose exogène. • La cystéamine semble aussi efficace que le trio de Kligman, sans avoir d’effet irritant ou de risque d’ochronose. Son coût plus élevé la rend moins accessible. • Le Thiamidol® commercialisé par Eucerin est une nouvelle molécule intéressante. En 2018, il a été testé efficacement pour la première fois par Mann et coll. pour les lentigines après la découverte de sa forte inhibition de la tyrosinase(4). En 2019, son efficacité dans le mélasma est démontrée en le comparant à l’hydroquinone(5,6) puis au trio de Kligman(7). • L’acide azélaïque à 20 % (Skinoren®) est peu efficace. Il est surtout utilisé dans le traitement de l’acné légère ou de la rosacée. Il peut être irritant. • L’acide kojique ou encore l’acide ascorbique sont peu efficaces. • L’acide tranexamique à 4mg/mL en injections intradermiques peut être essayé(9). La forme orale est connue depuis quelques années dans le traitement du mélasma(10). Il est utilisé à la dose de 500-1000 mg/j, soit une dose inférieure au traitement des ménorragies, raison pour laquelle le risque de thrombose est quasi nul. Il a démontré son efficacité sur le traitement du mélasma via son rôle sur la vascularisation mais aussi sur la mélanogénèse. Il faut indiquer au patient que le traitement agit lentement avec des résultats qui seront visibles dès 4-6 mois. La tolérance est bonne, même si des douleurs abdominales sont parfois possibles. Il est contre-indiqué en cas d’antécédent de thrombose ou en cas de grossesse, même s’il n’y a pas de risque réel d’après le Centre de référence sur les agents tératogènes (CRAT). • Les peelings superficiels à base d’acide trichloracétique (TCA) inférieur à 30 % ou d’acides de fruit comme l’acide glycolique à 50-70 % permettent une amélioration après environ six séances espacées de 10 jours. Ils sont à réserver aux phototypes clairs en raison du risque d’hyperpigmentation post-inflammatoire (HPPI). Une préparation de la peau par une crème blanchissante 2 semaines avant est possible afin de limiter ce phénomène d’HPPI. • Les lasers pico ou Q-Switch habituellement utilisés dans le détatouage peuvent améliorer le mélasma, notamment avec une pièce à main fractionnée et après plusieurs séances. Ils sont intéressants en cas de risque d’HPPI sur des phototypes III-IV. Enfin, il est à noter que tous ces traitements doivent être accompagnés d’une prévention par un produit inhibant la mélanogénèse et une bonne photoprotection, car les récidives sont fréquentes. L’arrêt d’une contraception estroprogestative est à préconiser en l’absence de véritable indication. L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt en rapport avec cet article.

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