publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

Rosacée

Publié le 15 juil 2012Lecture 8 min

Prise en charge de la rosacée

R. MESSIKH, Service de dermatologie, CH de Lons-le-Saunier

La rosacée est une dermatose inflammatoire faciale chronique relativement fréquente. Elle est caractérisée par des récurrences d’épisodes de flush, d’érythème, de papules, de pustules et de télangiectasies. Cette affection touche tous les types de peau, mais plus particulièrement la peau claire. Autrefois, on parlait de « malédiction de Celtes ».

La rosacée survient après l’âge de 30 ans, avec un pic vers 50 ans. Sa prévalence varie de 0,09 à 10 %. Elle prédomine chez les femmes, mais les formes les plus sévères (les phymas) sont l’apanage des hommes. Des antécédents familiaux sont présents dans 30 à 40 % des cas. Cliniquement, on distingue quatre sous-types, selon la classification du NRS de 2002 (1) : – la rosacée érythémato-télangiectasique (couperose) (figure 1) ; – la rosacée papulo-granulomateuse ou papulo-pustuleuse (figures 2 et 3) ; – les « phymas » (figure 4) : hypertrophie des glandes sébacées associée à de la fibrose ; – l’atteinte oculaire, retrouvée dans plus de 50 % des cas avec une sécheresse, une irritation, une blépharite (figure 5), une conjonctivite et plus rarement une kératite.   Options thérapeutiques La diversité des formes cliniques de la rosacée est liée à la diversité des facteurs étiopathogéniques (exposition aux UV, aliments épicés ou chauds, températures extrêmes, demodex, etc.). L’approche thérapeutique globale de la rosacée repose sur la combinaison de trois points essentiels : l’éducation thérapeutique, les médicaments topiques et per os et les soins cutanés adjuvants. Le groupe international de consensus sur la rosacée « R.O.S.I. » s’accorde sur le fait qu’il n’y a pas de traitement curatif de la rosacée et que le traitement reste symptomatique. Figure 1. Rosacée érythémato-télangiectasique. Les principaux objectifs sont d’atténuer les symptômes et les signes cliniques tels que la rougeur ou l’irritation, de réduire les papules et les pustules, de retarder ou de prévenir l’évolutivité de l’affection, d’éviter les exacerbations et d’améliorer la qualité de vie des patients. Les techniques de bio-ingénierie cutanée telles que la spectro-colorimétrie, la mesure de la température cutanée et la photographie numérique permettent de mieux caractériser les signes et les symptômes de la rosacée et, ainsi, d’aider à l’évaluation de l’efficacité du traitement (figure 6).   Médicaments topiques Il existe de nombreuses molécules topiques utilisées dans le traitement de la rosacée. Trois topiques ont prouvé leur efficacité : le métronidazole, l’acide azélaïque et le sodium-soufre sulfacétamide (non commercialisé en France) (2).  Le métronidazole topique est autorisé par la FDA (Federation Drug Administration). Il est disponible à 0,75 % et à 1 % (disponible aux États-Unis), sous formes gel, lotion et crème. Figure 2. Rosacée papulo-granulomateuse ou papulo-pustuleuse. C’est le traitement de choix des formes papulo-pustuleuses. Cependant, il n’a aucune action sur les télangiectasies. La durée d’utilisation varie de 6 à 12 semaines. Le mécanisme d’action de cette molécule n’est pas clairement établi. L’action anti-inflammatoire reste la plus probable. Différentes études ont prouvé son efficacité dans les formes papulo-pustuleuses. Dans une étude multicentrique ouverte menée sur 582 patients, présentant une rosacée légère à modérée, le métronidazole gel 0,75 % a prouvé son efficacité et sa bonne tolérance (3). Dans la revue Cochrane collaboration regroupant les données de 174 patients, l’efficacité du métronidazole topique versus placebo est 6 fois plus élevée (4). Une autre métaanalyse du taux d’efficacité des différentes concentrations et formes galéniques du métronidazole (crème, gel, lotion à 0,75 % et à 1 %) conclut qu’il n’y a pas de différence significative entre ces formulations, ni entre le nombre d’applications (une à deux fois/jour) et que les préparations contenant de l’alcool peuvent être irritantes (5). Une autre étude montre toutefois que l’absorption percutanée du métronidazole serait meilleure sous forme crème que les formes lotion et gel (6). Le métronidazole topique est le traitement de choix des formes papulo-pustuleuses, mais il n’a aucune action sur les télangiectasies.  L’acide azélaïque à 15 % est aussi autorisé par la FDA dans le traitement de la rosacée. Il agit sur les papules, les pustules et l’érythème. Il possède des propriétés anti-inflammatoires, antimicrobiennes et antikératinisantes. Deux études contrôlées, en double aveugle, portant sur 664 patients ont confirmé son efficacité et sa bonne tolérance sur les lésions papulo-pustuleuses et sur l’érythème (4,7). Une étude comparant l’acide azélaïque à 15 % et le métronidazole à 0,75 % conclut à une efficacité supérieure de l’acide azélaïque en termes de réduction des lésions inflammatoires et de l’érythème (8). Toutefois, le métronidazole à 1 % semble d’efficacité comparable à celle de l’acide azélaïque à 15 % (9). L’acide azélaïque possède des propriétés anti-inflammatoires, antimicrobiennes et antikératinisantes.  Le sulfacétamide de sodium 10 % et de sulfure 5 % sous formes crème, lotion, gel et nettoyant est utilisé dans le traitement de la rosacée et de la dermite séborrhéique. Figure 3. Rosacée papulo-granulomateuse. Aspect à la vitropression. Ce traitement est intéressant dans les formes inflammatoires. Plusieurs études ont montré son efficacité supérieure versus placebo ou versus métronidazole gel à 0,75 % (10-12). Son mécanisme d’action n’est pas encore clarifié.   Son efficacité serait liée, d’une part, aux propriétés antibactériennes du sulfacétamide et, d’autre part, aux propriétés antifongiques, antidémodéciques et kératolytiques des dérivés soufrés. Son utilisation était limitée par l’odeur désagréable du soufre, actuellement améliorée.  Les rétinoïdes topiques tels que la trétinoïne, l’adapalène et le tazarotène peuvent être utilisés chez certains patients. L’amélioration est souvent tardive (après plusieurs mois) et leur efficacité est souvent limitée à cause des effets secondaires locaux (irritation). Les rétinoïdes topiques n’ont aucune action sur l’érythème et les télangiectasies.  Les autres topiques antibiotiques ou anti-inflammatoires, essentiellement le peroxyde de benzoyl, l’érythromycine et la clindamycine (solution, lotion et gel à 1 %) sont d’utilisation hors AMM. Ils semblent efficaces, mais il n’y a pas de grandes études cliniques contrôlées de bonne qualité permettant de le confirmer. J.K. Wilkin et S. DeWitt, dans une étude portant sur 43 patients, ont montré que la clindamycine 1 % était d’efficacité comparable à celle de la tétracycline per os à la dose de 1 000 mg/j pendant 3 semaines, puis 500 mg/j sur l’ensemble des lésions. Figure 4. Rhinophyma. Cette efficacité était supérieure pour la réduction des pustules (13). Une étude comparant une combinaison de clindamycine 1 % et de peroxyde de benzoyl 5 % versus peroxyde de benzoyl seul et clindamycine seule, montre une efficacité plus grande chez les patients ayant reçu le traitement combiné (14).  Le tacrolimus et le pimécrolimus topiques sont utilisés de façon anecdotique. Toutefois, dans une étude récente, une crème de pimécrolimus 1 % ne s’est pas révélée aussi efficace qu’une crème de métronidazole 1 %(15).  La terbinafine utilisée en crème à 1 % paraît intéressante. En effet, son efficacité est comparable à celle du métronidazole gel à 0,75 % dans le traitement de la rosacée papulo-pustuleuse (16). Cette option thérapeutique pourrait être intéressante chez les patients qui ne tolèrent pas le métronidazole topique.   Les traitements généraux  Les cyclines sont largement utilisées depuis les années 50 et restent très largement prescrites dans les formes papulo-pustuleuses. Leur efficacité est constatée en 3 à 4 semaines de traitement, durée pouvant aller jusqu’à 6 à 12 semaines.   Figure 5. Blépharite. Elles modulent la réponse inflammatoire par la régulation de la production des cytokines pro-inflammatoires telles que l’interleukine 1 et le TNFα. Plusieurs études ont démontré leur efficacité versus placebo. La doxycycline est habituellement utilisée à la dose de 100 à 200 mg/j. Toutefois, à la dose de 40 mg/j (sous forme de préparation contenant 30 mg de doxycycline à libération immédiate et 10 mg de doxycycline à libération prolongée), elle possède déjà une action anti-inflammatoire. Deux études randomisées en double aveugle confirment l’efficacité de la doxycycline avec une réduction significative des lésions inflammatoires (17). Les cyclines modulent la réponse inflammatoire, même à faible dose (40 mg/j).  Les macrolides tels que l’érythromycine, l’azithromycine et la clarithromycine sont parfois utilisés. Mais peu d’études de bonne qualité illustrent l’intérêt de leur utilisation dans le traitement de la rosacée.  Le métronidazole per os à la dose de 200 mg deux fois/jour est intéressant dans la rosacée papulo-pustuleuse. Les effets indésirables, principalement gastrointestinaux, limitent parfois son utilisation.  L’isotrétinoïne est utilisée dans les différents stades de la rosacée avec succès. Elle constitue une bonne alternative thérapeutique aux antibiotiques per os, mais sa prescription est hors AMM. Dans une étude multicentrique randomisée et comparative, en double aveugle, utilisant de l’isotrétinoïne à la dose de 0,1 mg, 0,3 mg et 0,5 mg/kg versus doxycycline et placebo, 0,3 mg/kg semble constituer la dose optimale en termes d’efficacité et de tolérance. Figure 6. Techniques de bio-ingénierie pour mieux caractériser les signes et les symptômes de la rosacée ; aider à l’évaluation de l’efficacité thérapeutique. Cette efficacité est supérieure à celle de la doxycycline (18).    Autres traitements. D’autres médicaments sont utilisés de façon anecdotique dans le traitement des bouffées vasomotrices : le propranolol, la clonidine, l’aspirine et certains inhibiteurs sérotoninergiques.   Place des traitements physiques Les traitements physiques tels que les lasers à colorant pulsé sont utilisés dans le traitement de la forme érythémateuse et télangiectasique de la maladie. Le recours à la chirurgie ou aux lasers CO2 est intéressant dans le traitement du rhinophyma.   Prise en charge globale Le choix et la durée du traitement varient au cas par cas. Le traitement est habituellement de longue durée, sachant que la combinaison des traitements topiques et oraux permet d’avoir de bons résultats(19). L’éducation du patient est très importante dans l’approche globale de la rosacée. L’information du patient doit être orale et écrite, portant sur la nécessité des soins cutanés adaptés, sur l’évitement de certains facteurs aggravants bien connus et sur les aspects psychologiques de la maladie. Les instructions concernant les soins cutanés influencent positivement la qualité de vie des patients. Le maquillage correcteur est de plus en plus utilisé pour camoufler des lésions affichantes, notamment des rougeurs cutanées. Son principe repose sur la correction par la couleur, en superposant deux couleurs qui vont se neutraliser selon le principe du cercle chromatique. Enfin, l’utilisation des crèmes solaires non irritantes, notamment à base d’oxyde de zinc et de titanium permet d’éviter la photo-aggravation de la rosacée.   Conclusion La rosacée est une affection chronique nécessitant une prise en charge au long cours. Cette prise en charge doit être adaptée au type clinique de l’affection, tout en tenant compte des facteurs d’aggravation (démodécidose, par exemple). Le choix du traitement doit tenir compte de la balance efficacité, risque et surtout de l’impact de la rosacée sur la qualité de vie (intérêt parfois, d’associer une psychothérapie au traitement médical).

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème