Publié le 03 fév 2015Lecture 4 min
Un érythème pigmenté des jambes
S. ABIL, A. EL OUAZZANI, K. SENOUCI, B. HASSAM, Service de dermatologie-vénéréologie, CHU Ibn Sina, Faculté de médecine et de pharmacie, Université Mohamed V, Rabat, Maroc
Une femme âgée de 30 ans consultait pour un érythème pigmenté des jambes…
Observation Une femme âgée de 30 ans consultait pour un érythème pigmenté des jambes. Elle ne présentait pas d’antécédent particulier, l’examen dermatologique mettait en évidence une pigmentation réticulée et livédoïde, non infiltrée de la face antérieure des jambes prédominant discrètement à gauche (figure). Le reste de l’examen physique était sans particularité. À l’interrogatoire, la patiente reconnaissait s’exposer régulièrement à une source de chaleur à type de chauffage électrique contre ses jambes pour se réchauffer. Ainsi, le diagnostic de dermite des chaufferettes ou erythema ab igne des jambes par exposition répétée d’une source de chaleur est fait cliniquement, aucune histologie n’était pratiquée sur les lésions pigmentées. Pigmentation réticulée de la face antérieure des deux jambes. Commentaires La dermite des chaufferettes ou l’erythema ab igne est une éruption réticulée, érythémateuse puis secondairement pigmentée, asymptomatique, due à une exposition répétée et prolongée à des rayons infrarouges émis par diverses sources de chaleur à une température modérée(1). De nombreux cas ont été rapportés au début du XXe siècle dans les régions froides d’Asie (Cachemire, Chine, Japon, etc.) où les individus utilisaient divers dispositifs appliqués à même la peau pour se réchauffer(1,2). En Europe, cette condition a longtemps été considérée comme l’apanage des femmes, s’exposant de façon répétée à diverses sources de chaleur (feu de camp, feu de cheminée, etc.) avec une atteinte caractéristique des cuisses et des membres inférieurs(1,2). L’apparition du chauffage central a permis une réduction notable de ces observations. Cependant, n’importe quelle source de chaleur, pourvu que l’exposition soit longue et répétée, peut être responsable d’un erythema ab igne, et ce, quel que soit l’endroit de la peau. La clinique peut ainsi être plus ou moins typique en fonction du site d’exposition, de l’incidence de la radiation (atteinte asymétrique des membres inférieurs, si le sujet est sur le côté de la source), des contours de la peau et de la présence ou non de vêtements(3). La chaleur est connue pour ses vertus antalgiques dans le traitement de douleurs chroniques bénignes (ulcère, pancréatite, etc.) ou malignes (néoplasies primitives ou métastatiques) d’où certaines localisations d’erythema ab igne suspendues au niveau lombaire(3,4). Plus récemment, plusieurs cas ont été rapportés chez des individus travaillant avec un ordinateur portable posé sur les jambes(5). L’erythema ab igne est le diagnostic différentiel principal des livédos, mais l’interrogatoire et l’examen clinique éliminent rapidement ce diagnostic(6). La biopsie cutanée n’est pas indispensable. Les modifications histologiques comprennent une atrophie de l’épiderme, une dermatite d’interface avec nécrose kératinocytaire, un amincissement du derme avec une fragmentation des faisceaux de collagène, des dépôts de mélanine et d’hémosidérine (responsable de la pigmentation permanente) et une accumulation de tissu élastique(1,3). Le pronostic de l’erythema ab igne est excellent si l’exposition est récente et interrompue rapidement. En revanche, si l’exposition persiste, les lésions prennent l’aspect d’un placard atrophique pigmenté diffus, dont seules les berges sont encore caractéristiques. Par ailleurs, il existe au long cours un risque, certes faible, mais clairement défini de dégénérescence locale en carcinome épidermoïde. La survenue de lésions verruqueuses ou d’ulcération chronique indolore d’aggravation progressive justifie alors une histologie cutanée(1,2). L’erythema ab igne est une lésion induite par une exposition chronique à la chaleur dont le diagnostic est posé par la clinique et l’interrogatoire. L’évolution est favorable si l’éruption est récente et la source d’exposition retirée précocement. Un erythema ab igne de topographie inhabituelle (dos, abdomen), chez un sujet jeune, dû à l’application répétée d’une source de chaleur à but antalgique doit faire systématiquement rechercher un processus néoplasique locorégional(3,4).
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