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Dermatologie pédiatrique

Publié le 01 mar 2015Lecture 10 min

Les urticaires de l’enfant

P. MOLKHOU, ancien consultant à l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul

Si le diagnostic d’une urticaire est habituellement facile par l’aspect des lésions typiques et leur caractère fugace, il n’en est pas de même du diagnostic étiologique…

L’urticaire est une maladie fréquente de la peau qui touche aussi bien les nourrissons et les enfants que les adultes. C’est une éruption cutanée localisée ou généralisée qui est constituée d’une ou plusieurs plaques de taille variable comparables à celles que procurent les piqûres d’orties. Ces plaques sont de couleur rouge ou rosée, arrondies, bien limitées et en relief. Les lésions d’urticaire ont également pour propriétés de démanger et de changer de place au fil des heures ; une plaque d’urticaire évolue sur quelques heures en dessinant des cercles. L’urticaire peut également toucher le visage, les mains, les pieds, les organes génitaux ou encore les muqueuses (lèvres, langue, luette, pharynx). Les lésions prennent alors un aspect différent devenant plus boursouflées ou œdémateuses et les rougeurs sont estompées. On parle alors d’angio-œdème. L’urticaire est dite « aiguë » quand sa durée n’excède pas 6 semaines, et « chronique » au-delà de cette période.   Physiopathologie Dans l’activation immunologique, la cellule clé de l’urticaire est le mastocyte ; il possède différents récepteurs à sa surface, dont la stimulation déclenche la dégranulation mastocytaire et la libération de nombreux médiateurs : histamine, héparine, sérotonine, leucotriène, prostaglandine, ainsi que des chimiokines responsables d’une vasodilatation immédiate entraînant des tableaux cliniques généralement sévères, pouvant s’associer à des œdèmes laryngés, troubles digestifs, bronchospasmes, chutes tensionnelles allant jusqu’au choc anaphylactique, de survenue rapide et brutale après l’exposition à l’allergène ;   soit non immunologique, par histaminolibération non spécifique ou par apport exogène d’histamine ou de tyramine. Le tableau clinique est alors généralement moins sévère, comprenant une atteinte cutanée ± muqueuse, sans signes systémiques associés.   Particularités des urticaires de l’enfant Papules érythémateuses, prurigineuses et fugaces (24 h). Superficielles ou profondes.   Classification – Urticaire aiguë. – Urticaire chronique. – Urticaire physique. – Urticaire systémique (urticaire systémique, signes extracutanés, biopsie en faveur d’une vasculite). – Urticaire de contact. – Anaphylaxie liée à l’effort.   Particularités de l’enfant – Plus d’urticaire aiguë. – Moins d’urticaire chronique. – Urticaire physique rare sauf dermographisme. – Urticaire systémique très rare. – Anaphylaxie à l’effort en voie d’augmentation. – Chez le petit enfant, sur le plan clinique, importance de l’œdème des extrémités. – Avec évolution ecchymotique fréquente... purpura en cocarde à différencier de l’œdème aigu hémorragique. – Chez l’enfant, les urticaires sont plus souvent aiguës que chroniques.   Les urticaires aiguës (UA)(1)   Les étiologies sont multiples (figure 1).   Figure 1. Urticaire aiguë.   Les infections Chez le nourrisson et le jeune enfant, les étiologies les plus fréquentes, et souvent indissociables, sont infectieuses d’origine virale respiratoire. Cette relation de causalité a récemment été démontrée en corrélant l’incidence fluctuante de l’urticaire aiguë aux variations saisonnières des infections virales respiratoires(2). D’autres virus comme l’hépatite A et B, le virus d’Epstein Barr et l’HIV sont également responsables d’urticaire aiguë, ainsi que le cytomégalovirus, l’herpès simplex type 1, l’influenza A, le parvovirus B19, et les entérovirus. Des infections bactériennes comme streptococcus A β-hémolytique, Mycoplasma pneumoniae ou Chlamydia pneumoniae peuvent également se manifester par une UA. L’UA peut aussi apparaître au cours d’otites, sinusites, d’infections dentaires, urinaires ou digestives (Helicobacter pylori). Ce type d’urticaire peut être sévère et être associée à des épisodes d’angio-œdème qui habituellement disparaissent au bout de quelques semaines. Les infections parasitaires (Toxacara, Anisakis) sont responsables de poussées d’urticaire avec présence d’une forte éosinophilie sanguine.   Les médicaments Ils représentent la seconde cause d’urticaire aiguë chez l’enfant (13 % des cas) avec les antibiotiques et les anti-inflammatoires non stéroïdiens(3). Les enfants font moins de réactions d’hypersensibilité immédiate (HSI) au médicament que les adultes (exposition moindre), mais au sein de ces réactions, les enfants présentent autant d’HSI allergiques (IgE-médiées)(4).   Les urticaires allergiques Ces réactions cutanées chez l’enfant peuvent êtres immédiates ou retardées. Ces différentes formes sont le plus souvent IgE-dépendantes et peuvent s’accompagner de réactions systémiques. Un interrogatoire minutieux recherchera les circonstances et lieux d’apparition de l’urticaire, ainsi que son caractère récidivant. Les étiologies sont multiples. • Après l’ingestion d’un aliment (lait de vache [observation n° 1 figure 2], œuf, arachide, soja, lupin, moutarde, crustacés, poisson observation n° 2, figure 3), mais aussi poissons crus ou peu cuits contenant un parasite, l’anisakis. Ces formes peuvent évoluer vers une anaphylaxie sévère, en particulier chez des sujets atopiques asthmatiques. Cependant, l’antigène alimentaire risque d’être difficilement identifié s’il s’agit d’un contaminant comme une moisissure ou un acarien de stockage ou s’il existe un ingrédient dans l’aliment non répertorié dans la liste des ingrédients. • Après la prise de certains médicaments (β -lactamines) • En cas d’inhalation d’aéroallergènes (pollens, acariens) ou d’allergènes alimentaires (arachide) ou d’allergènes aéroportés (observation n° 2).   • Une urticaire aiguë IgE-médiée peut faire suite à l’injection de médicaments ou à l’inoculation de substances étrangères comme, par exemple, les venins d’hyménoptères ou par morsure de diptère (salive de certains insectes comme les moustiques). • Certains sujets allergiques au latex peuvent réagir à de nombreux aliments (avocat, banane, kiwi, etc.) • Par contact avec certains aliments (poisson, crevette, viande, œuf, farine et pomme de terre), des insectes (chenilles processionnaires) des animaux, léchage par un chien, etc.), des éléments végétaux (orties, primevères...), des substances chimiques ou biologiques (acide benzoïque, acide sorbique, etc.). La grande majorité des urticaires aiguës dure quelques jours, puis régresse sans séquelle : 5,4 % des enfants sont encore affectés après 15 jours d’évolution(2). Seuls 0,1-0,3 % évoluent vers une urticaire chronique au-delà de 6 semaines d’évolution sur un mode permanent ou récidivant(5).   Figure 2. Urticaire aiguë après ingestion de lait de vache.   Figure 3. Urticaire aiguë au poisson.   Diagnostics différentiels Devant une urticaire chez l’enfant, éliminer : – un érythème polymorphe ; – une pemphygoïde stade prébulleux ; – un eczéma, une mastocytose.   Les urticaires chroniques (UC) Elles sont rares chez l’enfant, souvent « communes », mais pouvant révéler dans certains cas l’existence d’une maladie d’origine génétique (syndromes auto-inflammatoires) comme « la maladie périodique » ou fièvre méditerranéenne familiale (FMF) ou d’autres formes syndromiques (syndrome CINCA, syndrome hyper-IgD, syndrome de Mückle-Wells, maladie de Still). Les UC sont, comme chez l’adulte, séparées en UC spontanée (UCS) et induite (UCIND)(6). • Les UCS de cause connue se rencontrent dans l’auto-immunité, l’infection, avec les aliments, la fatigue et le stress. • L’UCIND comprend les urticaires physiques comme : – le dermographisme : urticaire créée par une friction cutanée (figure 4) ; – l’urticaire cholinergique s’observe surtout chez l’adulte jeune, plus rarement chez l’enfant. Elle est caractérisée par de nombreuses petites papules localisées sur la moitié supérieure du tronc et survenant après un effort, une exposition à la chaleur ou une émotion ; – l’urticaire retardée à la pression apparaît 6 à 8 heures après la pression et se manifeste par une infiltration œdémateuse profonde sous-cutanée ; – l’urticaire au chaud existe sous deux formes : . l’urticaire réflexe généralisée au chaud (correspondant à l’urticaire cholinergique décrite plus haut), . l’urticaire de contact au chaud, plus rare, et qui est localisée au point d’application d’une source de chaleur ; – l’urticaire au froid peut être secondaire aux cryopathies, acquise ou primitive. Elle est soit réflexe généralisée au froid, soit de contact au froid (test au glaçon) ; – l’urticaire solaire est rare. Elle survient dans les régions exposées au soleil, 5 à 20 minutes après l’exposition. Sa mise en évidence repose sur l’exploration photobiologique ; – l’urticaire aquagénique. Il s’agit d’une forme rare d’urticaire qui apparaît lors du contact avec l’eau.   Figure 4. Dermographisme.   La présence d’une auto-immunité sous-jacente est aussi fréquente chez l’adulte que chez l’enfant. Au sein des UC induites chez l’enfant, les urticaires physiques représentent 38 % des cas et les urticaires « cholinergiques » 19 % des cas(7). Même si l’urticaire au froid reste rare, Alangari et coll. rapportent qu’un tiers des enfants porteurs de ce type d’UC ont déjà présenté une réaction anaphylactoïde, nécessitant la prescription d’adrénaline injectable et une éducation à sa manipulation en cas de besoin(8). Le pronostic des urticaires chroniques pédiatriques est jugé bon avec 50 % des enfants en rémission après 5 ans d’évolution. Le pronostic est d’autant meilleur en l’absence d’UC physique, qu’il s’agit d’un garçon et si l’enfant a moins de 10 ans(9).   L’anaphylaxie induite par l’effort (AIE) Cette forme est caractérisée par la survenue d’un prurit généralisé puis d’une urticaire diffuse, avec ou sans angio-œdème, au cours ou au décours immédiat d’un effort physique, souvent intense chez le grand enfant et l’adolescent. Parfois, c’est l’ingestion de certains aliments (céréales, farine de blé, fruits frais, secs, arachide) 2 à 5 heures avant l’effort qui favorise l’apparition des manifestations ; l’effort sans ces prises alimentaires, et inversement ces prises alimentaires sans effort, n’entraînant habituellement aucun trouble. Le diagnostic se fait essentiellement sur l’interrogatoire et la recherche des différents aliments responsables (tests cutanés et IgE spécifiques souvent positifs).   Les moyens du diagnostic Le diagnostic des urticaires allergiques chez l’enfant repose d’abord sur un interrogatoire précis. Cette étape essentielle permet de rechercher une série d’éléments passés souvent inaperçus comme la prise de médicaments, (antibiotiques, aspirine), la cause la plus fréquente des urticaires chroniques. Les examens complémentaires tels que les tests cutanés aux trophallergènes, aux aéroallergènes, le dosage des IgE spécifiques avec l’utilisation des recombinants. Dans tous les cas difficiles, les tests de provocation orale sont proposés pour établir un diagnostic, sans faire courir de risque au patient.   Prise en charge thérapeutique chez l’enfant   Identifier l’agent responsable afin de l’éliminer Les antihistaminiques de 2e génération en première intention, les anti-H1 de 1re génération ne seront utilisés qu’en cas d’urticaire cholinergique. La desloratadine en sirop n’est autorisée qu’à partir de l’âge de 1 an. En cas de résistance aux anti-H1 de 2e génération, il est recommandé d’augmenter les doses associées ou non aux antileucotriènes. Pas de corticoïdes systémiques dans le traitement de l’urticaire (aiguë et chronique) même si un œdème du visage est associé. Le risque d’induire une corticodépendance est élevé. La ciclosporine (3 mg/kg/j) et l’omalizumab sont deux alternatives thérapeutiques intéressantes pour lesquelles des données chez l’enfant sont désormais accessibles(10,11). Remerciements à l’équipe du service d’Allergologie et d’Immunologie clinique du Pr Jean-François Nicolas, Centre Hospitalier LyonSud, 69495 Pierre-Bénite cedex, France ; INSERM Unité 851 pour leur article (16es JDPA 20 septembre 2012 – ENS Lyon) dont je me suis inspiré.

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