Cheveux, Poils, Ongles
Publié le 01 mar 2016Lecture 8 min
Les alopécies cicatricielles
M. KOURDA, Hôpital La Manouba, Tunis
Les alopécies représentent un motif fréquent de consultation en dermatologie. On distingue les alopécies diffuses (aiguës ou chroniques) et les alopécies localisées (cicatricielles ou non cicatricielles). Au sein des alopécies cicatricielles, on distingue les alopécies primaires et les alopécies secondaires (sclérodermie et au cours des génodermatoses). La classification des alopécies cicatricielles est histologique basée sur le type de l’infiltrat du follicule pilaire (tableau)(1). Nous nous limiterons ici aux alopécies localisées cicatricielles primaires.
Les principales étiologies Le lichen pilaire ou folliculaire On distingue 3 formes cliniques : • Lichen folliculaire classique(1) Il touche l’adulte, surtout la femme. L’atteinte du cuir chevelu est présente dans 17 à 28 % des cas, et peut atteindre 50 %. Cliniquement, il s’agit d’une hyperkératose folliculaire avec érythème rouge violine péripilaire. L’atteinte du cuir chevelu est de topographie médiane d’extension centrifuge avec confluence des plaques. Les récidives se font en bordure, ainsi des cheveux persistent au sein des plaques (figure 1). Le diagnostic différentiel se pose difficilement avec le lupus érythémateux chronique (LEC) et la pseudo-pelade. L’examen anatomopathologique et l’immunofluorescence directe (IFD) permettent de confirmer le diagnostic au stade de début ; une fois la fibrose avancée, l’aspect devient peu typique. Le traitement du lichen pilaire est basé sur les dermocorticoïdes (DC) en gel, les corticoïdes en injection intralésionnelle (IL), l’étrétinate associé ou pas aux antipaludéens de synthèse (APS). Dans les cas résistants, la corticothérapie per os à la dose de 1 mg/kg pendant 15 jours puis diminuée sur 4 à 6 mois ou la ciclosporine à la dose de 4 à 5 mg/kg pendant 4 mois sont préconisées. Figure 1. Lichen pilaire. • Syndrome de Graham-Little-Lassueur(1) Il associe une alopécie cicatricielle du cuir chevelu à une alopécie non cicatricielle des régions axillaires et pubiennes, des papules folliculaires spinulosiques du tronc et des extrémités. Une alopécie des sourcils peut s’y associer. • Alopécie frontale fibrosante(2) Elle est aussi appelée alopécie frontale fibrosante postménopausée (AFFPM). Elle est considérée comme une variante topographique du lichen pilaire touchant les femmes ménopausées autour de 60 ans. Néanmoins, des femmes plus jeunes ou des hommes peuvent être atteints. Des cas familiaux ont été récemment décrits. Cliniquement, on observe un recul de la ligne antérieure frontotemporo-pariétale avec la formation d’une bande alopécique cicatricielle en couronne dont la largeur varie de 3 à 8 cm. La peau de la zone alopécique est pâle avec absence des orifices pilaires (figure 2). En période d’activité, on retrouve un érythème périfolliculaire et une hyperkératose folliculaire. Une alopécie plus ou moins complète des sourcils d’allure non cicatricielle et non inflammatoire est observée dans 80 à 100 % des cas. Une alopécie androgénétique peut être associée aggravant ainsi l’alopécie. L’évolution est lentement progressive sur plusieurs années avant la stabilisation spontanée. Le traitement de l’AFFPM comporte les DC, les corticoïdes en IL, les cyclines ; les inhibiteurs de la 5-alpha-réductase (finastéride, dutastéride) semblent les plus efficaces. Le traitement hormonal substitutif n’est pas efficace. L’indication chirurgicale doit être soigneusement posée. Figure 2. Alopécie fibrosante frontale postménopausique. Le lupus érythémateux chronique (LEC)(1) L’atteinte du cuir chevelu au cours du LEC est estimée entre 34 et 56 % des cas. Les plaques alopéciques de nombre variable sont bien limitées. Elles sont érythémateuses avec hyperkératose sous forme de squames sèches ou de type folliculaire avec atrophie et dilatation des ostiums folliculaires (figure 3). Quand l’atteinte du cuir chevelu s’associe à une atteinte cutanée, le diagnostic de LEC est aisé. La biopsie du cuir chevelu et l’IFD sont caractéristiques. À un stade évolué, l’aspect clinique ressemble à une pseudo-pelade et les examens paracliniques deviennent peu contributifs. L’évolution est chronique et la possibilité de dégénérescence en carcinome épidermoïde est possible, d’où l’intérêt de la surveillance. Figure 3. Lupus érythémateux chronique. Pseudo-pelade de Brocq(3) Elle est appelée ainsi car elle diffère de la pelade qui n’est pas cicatricielle. En effet, il s’agit d’une alopécie cicatricielle lymphocytaire lentement progressive dont la physiopathologie est inconnue. Pour certains auteurs, elle serait une maladie authentique, pour d’autres elle serait due à un stade avancé de LEC ou de lichen pilaire. Elle représente 10 à 40 % de l’ensemble des alopécies cicatricielles lymphocytaires. Elle touche surtout la femme de 20 à 45 ans. Il s’agit d’une alopécie peu ou pas inflammatoire comportant de petites plaques multiples, atrophiques, blanches, lisses, parfois rosées, disséminées sur le cuir chevelu réalisant l’aspect « d’empreintes de pas dans la neige ». Les localisations préférentielles sont le vertex et l’occiput. L’extension des lésions se fait de façon centrifuge et les plaques peuvent confluer en lésions de grande taille, à bordure polycyclique au sein desquelles peuvent subsister des îlots de cuir chevelu normal (figure 4). L’évolution est lente et progressive sur plusieurs années avec des périodes de rémission et d’aggravation. Figure 4. Pseudo-pelade de Brocq. Les folliculites(4,5) Quatre entités sont décrites. Le rôle direct ou indirect des germes (staphylocoque aureus et autres) est plus au moins incriminé dans la genèse des lésions. Ces folliculites sont surtout de type lymphocytaire. Elles touchent surtout les hommes de phototype foncé, d’âge adulte et elles se localisent préférentiellement à l’occiput et au vertex. • Folliculite dépilante ou épilante de Quinquaud (FEQ) La FEQ est une folliculite purulente chronique rare qui réalise des plaques alopéciques uniques ou multiples dont la bordure comporte des pustules folliculaires, des croûtes avec émission de pus et du sang lors des poussées (figure 5). La sclérose est importante, elle va engainer les cheveux et le cuir chevelu qui est plus scléreux qu’atrophique. Figure 5. Folliculite décalvante avec cheveux en touffes. • Folliculite en touffes Elle est considérée par certains auteurs comme une variante de la FEQ, pour d’autres comme une entité à part. Elle est secondaire à la sclérose du cuir chevelu et les cheveux (5 à 20) émergent à travers un seul orifice pilaire « cheveux de poupée » (figure 6). Figure 6. Folliculite en touffes. • Folliculite ou cellulite disséquante du cuir chevelu Elle survient chez des patients atteints d’acné conglobata, d’hidroadénite et de kystes pilonidaux. Cliniquement, il s’agit de nombreux nodules fermes, parsemés de cheveux facilement arrachés et d’orifice pilaire d’où s’écoule du pus. La confluence des nodules forme de grands abcès communiquants qui dissèquent le cuir chevelu entraînant une alopécie cicatricielle (figure 7). Le traitement de la cellulite disséquante du cuir chevelu comporte l’isotrétinoïne à la dose de 0,75 mg/kg durant 9 mois et l’alternative thérapeutique par la biothérapie anti-TNFα (adalumab, infliximab). Figure 7. Cellulite disséquante. • Folliculite fibrosante (chéloïdienne) Elle fait partie des alopécies cicatricielles de type mixte à la différence des autres folliculites qui sont lymphocytaires. Elle évolue en deux phases souvent intriquées : – une phase inflammatoire avec des papulo-pustules folliculaires ; – une phase cicatricielle avec des cicatrices chéloïdiennes périfolliculaires plus confluentes en placard de grande taille (figure 8). Des poussées inflammatoires papulo-pustuleuses peuvent se voir en périphérie des placards cicatriciels. L’évolution est chronique et peut toucher toute la nuque. Figure 8. Folliculite fibrosante. Pustulose érosive du cuir chevelu(1) Elle est rare et touche les femmes âgées de plus de 70 ans. Cliniquement, il s’agit de pustules folliculaires confluentes en plaques croûteuses puis érosives. Des facteurs favorisants à type de traumatismes locaux ou de photoexposition sont rapportés. L’évolution est lente et progressive. Des dégénérescences en carcinomes épidermoïdes ont été décrites. Le traitement des folliculites comporte : – l’antibiothérapie locale/générale à but anti-inflammatoire ou antistaphylococcique : doxycycline 100 mg ou 200 mg/jour ; – sulfate de zinc 300 à 400 mg/jour ; – isotrétinoïne 0,5 mg à 1 mg/ kg/jour ; – DC ou corticoïde IL ou par voie générale dans les cas de cellulite disséquante, de folliculite fibrosante et de pustulose érosive du cuir chevelu. Alopécie centrale centrifuge cicatricielle du vertex (ACCCV)(1) Elle touche 10 % des femmes de phototype foncé, rarement les hommes d’âge moyen. L’ACCCV se localise au vertex avec extension centrifuge, d’où son appellation. Les facteurs favorisants sont la chaleur, la traction et le défrisage. Une folliculite secondaire à l’utilisation de préparations grasses peut la favoriser. Elle réalise une alopécie cicatricielle sévère non inflammatoire d’évolution centrifuge du vertex. Le traitement de l’ACCCV consiste à éviter la chaleur excessive, le défrisage, la coloration, les traumatismes, les tresses et l’extension des cheveux ainsi que les préparations grasses. Les traitements comprennent le minoxidil, les cyclines en présence de folliculite, les DC en cas d’inflammation ou les corticoïdes IL et à des stades avancés, une perruque ou un postiche. Conclusion Il est indispensable de porter rapidement le diagnostic clinique et étiologique des alopécies cicatricielles dans le but de bloquer le processus cicatriciel destructeur. Les traitements sont peu efficaces même au stade de début. La chirurgie est indiquée après stabilisation des lésions. L’information du patient s’impose.
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