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Cas cliniques

Publié le 09 oct 2016Lecture 9 min

Syndrome de Birt-Hogg-Dubé : à propos d'un cas

P. BERBIS, Hôpital Nord, CHU de Marseille

Une patiente âgée de 41 ans s’est présentée en consultation dermatologique pour la prise en charge de papules achromiques du nez et des pommettes…

Observation   Une patiente âgée de 41 ans s’est présentée en consultation dermatologique pour la prise en charge de papules achromiques du nez et des pommettes (figures 1 et 2). Elles se sont développées progressivement depuis l’adolescence, de manière totalement asymptomatique. Le reste de l’examen clinique était sans particularité. Ses antécédents familiaux étaient marqués par les mêmes lésions cutanées chez sa mère (décédée dans les suites d’un cancer du rein), son frère, son grand-père et une tante. Devant ces lésions fortement évocatrices de fibrofolliculomes et l’histoire familiale, le syndrome de Birt-Hogg-Dubé (SBHD) a été évoqué. Les analyses de génétique moléculaire ont permis de confirmer le diagnostic en mettant en évidence une mutation hétérozygote du gène BHD, située au niveau de l’exon 11, à type de délétion avec décalage du cadre de lecture (c.1285del). Le bilan à la recherche d’anomalies rénales ou pulmonaires est négatif et la patiente va faire l’objet d’une surveillance régulière. Le dépistage génétique a permis de mettre en évidence la mutation chez son fils de 17 ans, pour l’instant asymptomatique.   Figures 1 et 2. Papules achromiques du nez et des pommettes.   Discussion   Le syndrome de Birt-Hogg-Dubé (SBHD) est une génodermatose rare (probablement sous-diagnostiquée) de transmission autosomique dominante, décrite pour la première fois en 1977 par 3 dermatologues canadiens, Birt, Hogg et Dubé à propos de 15 patients issus d’une famille de 70 personnes(1). L’analyse microscopique des papules faciales mettait en évidence des follicules pileux d’où partaient des faisceaux de cellules épithéliales, l’ensemble étant entouré par un stroma riche en mucine et en fibres de collagène lâches. Le terme de fibrofolliculome identifiait cet aspect. Par la suite, l’association de fibrofolliculomes à des trichodiscomes et acrochordons a été plusieurs fois rapportée. En 1999, Toro et coll.(2) ont rapporté 3 familles présentant l’association de fibrofolliculomes multiples, de kystes pulmonaires, de pneumothorax spontanés et de tumeurs rénales, élargissant le spectre pathologique du SHBD. Ce n’est qu’en 2001 que le gène BHD ou gène FLCN, codant pour une protéine nommée folliculine (FLCN), fut localisé permettant ainsi d’établir un diagnostic définitif en cas de phénotype incomplet. À l’heure actuelle, le gène BHD reste le seul gène incriminé dans le syndrome de BHD. À ce jour, plus de 400 familles touchées par le syndrome de BHD ont été rapportées à travers le monde. Le diagnostic de SBHD est retenu en cas de présence d’un critère majeur ou de 2 critères mineurs(3).   Critères majeurs    • Au moins 5 fibrofolliculomes ou trichodiscomes, avec au moins une confirmation microscopique, à l’âge adulte. • Présence d’une mutation du gène de la FLCN.   Critères mineurs   • Multiples kystes pulmonaires basaux bilatéraux, sans autre cause apparente, avec ou sans pneumothorax spontané. • Cancer rénal : < 50 ans, ou multifocal ou bilatéral, ou cancer mixte avec composante histologique chromophobe et oncocytaire. • Un parent au 1er degré avec syndrome de BHD. L’intérêt de la confirmation génétique, même en cas de diagnostic clinique certain, est de permettre le dépistage du syndrome de BHD chez les parents asymptomatiques, permettant ainsi un suivi plus précoce (dès 20 ans, voire plus tôt dans les familles avec atteinte pulmonaire ou rénale précoce)(4).   Atteinte cutanée   La plupart des manifestations cutanées apparaissent en règle vers l’âge de 20 ans, mais des débuts plus précoces sont possibles. • Fibrofolliculomes, trichodiscomes et fibromes périfolliculaires Ils sont indistinguables cliniquement et se présentent sous forme de papules millimétriques, en dôme, fermes, de couleur chair ou ivoire, à surface lisse mais pouvant parfois être pédiculées ou ombiliquées. Elles touchent préférentiellement le visage (nez, joues, pavillons des oreilles), les faces latérales du cou et le haut du thorax. Leur nombre varie d’une dizaine à une centaine, pouvant confluer en plaques segmentaires. Une atteinte orale est possible à type de petites papules fibromateuses, prédominant sur le versant muqueux des lèvres et les faces antérieures des gencives(5). Seuls les fibrofolliculomes sont spécifiques du SBHD. • Acrochordons Ces lésions sont observées dans le syndrome de BHD, sans spécificité aucune. • Autres manifestations cutanées Des angiofibromes, caractéristiques de la sclérose tubéreuse de Bourneville (STB) peuvent rarement se rencontrer. Des mélanomes ont été observés, justifiant une surveillance étroite orientée. • Aspects microscopiques(4) Le fibrofolliculome est une structure verticale rappelant un infundibulum autour duquel de fins prolongements épithéliaux basophiles s’agencent en réseau. L’ensemble est situé au sein d’un stroma riche en mucine et en fibroblastes. Il a récemment été évoqué que les fibrofolliculomes pourraient être issus non pas du follicule pilaire, mais des glandes sébacées. En effet, les lésions cutanées se situent principalement sur des zones où la densité en glandes sébacées est importante, et les prolongements épithéliaux sont fréquemment en continuité avec les glandes sébacées. Le trichodiscome se présente sous forme de papule au sein de laquelle se trouvent plusieurs structures nerveuses et vasculaires, l’ensemble s’intégrant dans un stroma riche en mucine. L’acrochordon est constitué d’un épiderme acanthosique, avec un derme papillaire congestif, ne comportant pas d’annexes. Le fibrome périfolliculaire est formé d’un follicule pileux entouré d’un stroma cellulaire fibreux et plus ou moins riche en mucine. • Traitement Il répond à une demande esthétique fréquente des patients : laser YAG ou CO2 fractionné(6), cautérisation, excision en cas de fibrofolliculomes pédiculés ou d’acrochordons. La rapamycine topique, à la différence de la STB, est inefficace sur les lésions cutanées du SBHD(7). • Diagnostic différentiel La maladie des fibromes discoïdes multiples familiaux (anciennement trichodiscomes multiples familiaux) est une génodermatose rare qui se différencie cliniquement du syndrome de BHD par l’apparition des lésions précocement dans l’enfance, leur prédominance au niveau des pavillons des oreilles, l’absence d’atteinte rénale et pulmonaire, l’absence de mutation du gène FLCN. Les angiofibromes multiples de la face sont principalement retrouvés au cours de la STB et la neuro-endocrinopathie multiple de type I. Ces deux génodermatoses sont également associées à un risque plus élevé de néoplasie (respectivement cancers rénaux et cancers pancréatiques). Le syndrome de Cowden au cours duquel des trichilemmomes sont décrits, présente un risque plus élevé de néoplasies mammaire et thyroïdienne. La trichoépithéliomatose multiple familiale, dermatose à transmission autosomique dominante, peut s’associer à des cylindromes multiples, faisant alors porter le diagnostic de syndrome de Brooke-Spiegler. La transformation maligne en carcinome basocellulaire est rare.   Atteinte pulmonaire   Elle se caractérise par des kystes pulmonaires, de taille variable (quelques millimètres à 2 cm) et de forme irrégulière. Ces kystes sont observés chez plus de 80 % des patients atteints du SBHD. Les mutations localisées sur l’exon 9 sont associées à un nombre élevé de kystes de grande taille(8). La fonction pulmonaire est en général conservée, même en cas de kystes multiples. Ces kystes se compliquent de pneumothorax, souvent récidivants. Ils peuvent être la seule manifestation clinique du SBHD.   Atteinte rénale   Elle apparaît vers la 4edécennie, mais des atteintes plus précoces ont été rapportées. Les lésions sont en règle bilatérales et/ou multifocales(9) et correspondent, dans la moitié des cas, à des tumeurs mixtes associant oncocytomes et carcinomes à cellules chromophobes. Des angiomyolipomes rénaux ont également été rapportés, suggérant à nouveau un lien entre syndrome de SBHD et STB. Les patients présentant un SBHD ont un risque de développer un cancer rénal 7 fois plus important que dans la population générale(10). L’importance du dépistage par IRM rénale annuelle est capital pour tout patient, symptomatique ou non, porteur de la mutation.   Autres atteintes   Elles sont beaucoup plus rares : oncocytome parotidien, kystes et cancers thyroïdiens, carcinomes colo-rectaux, carcinome neuro-endocrine, cancers de l’utérus, du sein, sarcomes. • Le gène BHD, ou gène de la folliculine, situé sur le chromosome 17p11.2 77, 78 est composé de 14 exons. Il est considéré comme un gène suppresseur de tumeur. Plusieurs mutations de ce gène ont été identifiées avec, notamment, un point chaud hypermutable au niveau de l’exon 11, regroupant plus de la moitié des mutations 17, 63, 79 et correspondant soit à une délétion (c.1285delC), soit à une duplication (c.1285dupC). La base de données de Lim(11) comprend actuellement 149 mutations, 111 mutations germinales et 38 mutations non pathogéniques. Pour les enfants d’un patient atteint du SBHD, le risque d’être porteur d’une mutation pathogène est de 50 %. Des mutations de novo du gène BHD ont été décrites. Le diagnostic de SBHD doit donc être évoqué même en l’absence d’antécédents familiaux, en présence de signes cliniques évocateurs. La folliculine est une protéine de 64 kD, composée de 579 acides aminés, hautement conservée à travers les espèces et qui n’a pas d’homologie majeure avec toute autre protéine humaine. Sa fonction exacte est encore mal connue. La folliculine est exprimée par la peau et ses annexes, le poumon, le rein, le pancréas, les glandes prostatique, mammaire et parotide, le cerveau et le cervelet, les macrophages et lymphocytes au sein de la rate et des amygdales.   Au total   Le diagnostic de SBHD doit être évoqué systématiquement face à des papules multiples du visage, au même titre que la STB. Un diagnostic précoce et un suivi orienté permettront de dépister au plus tôt des manifestations viscérales telles que des kystes pulmonaires, sources de pneumothorax récidivants et surtout de cancers du rein.

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