Publié le 22 jan 2018Lecture 3 min
Ulcération chronique sur cicatrice de zona ? Le diagnostic n'est pas celui auquel vous pensez !
Laila DAOUI et coll.*, service de dermatologie-vénéréologie, CHU-Ibn Rochd, Casablanca, Maroc
Observation : un homme de 31 ans, sans antécédents pathologiques particuliers a consulté pour une lésion ulcéro-croûteuse du cuir chevelu, augmentant progressivement de taille. Cette lésion était apparue 3 mois auparavant sur des cicatrices cutanées de zona ophtalmique survenu il y a 6 mois…
… L’état général était excellent. L’examen a montré une lésion ulcéro-croûteuse siégeant au niveau fronto-pariétal gauche, mesurant 5 × 4 cm de diamètre, indolore à la palpation (figure 1). Cette lésion était entourée d’alopécie cicatricielle et de cicatrices atrophiques et achromiques de zona. Les aires ganglionnaires étaient libres.
Les diagnostics de carcinome épidermoïde (sur cicatrice de zona), mais également d’ulcération neurotrophique et de leishmaniose cutanée, ont été évoqués.
Une biopsie de la lésion a été pratiquée, dont l’examen histologique a révélé un épiderme hyperplasique réactionnel, un derme contenant un infiltrat inflammatoire chronique avec des granulomes faits de plasmocytes, d’histiocytes et de cellules géantes macrophagiques de type résorptif contenant, dans leur cytoplasme, des corps étrangers biréfringents à la lumière polarisée (figures 2 et 3). Devant cette image histologique, l’interrogatoire a été repris avec le patient qui a avoué l’application quotidienne pendant 2 semaines de terre sur les lésions évolutives de zona suite au conseil d’un charlatan de la santé. Le diagnostic d’un granulome cutané à corps étranger (GCE) exogène a été retenu devant les données histologiques et anamnestiques. Le traitement par dermocorticoïdes de classe forte a été commencé, associé à 3 séances de laser colorant pulsé. Une régression de la lésion ulcéro-croûteuse avec cicatrisation était obtenue dès le premier mois (figure 4).
1. 2.
Figure 1. Lésion ulcéro-croûteuse alopéciante du cuir chevelu.
Figure 2. Coloration HE, grossissement x 20 : granulome à cellules géantes de type corps étranger.
3. 4.
Figure 3. Coloration HE en lumière polarisée : mise en évidence d'un corps étranger biréfringent sous forme de cristaux dans le cytoplasme des cellules géantes.
Figure 4. Régression de la lésion ulcéro-croûteuse.
Commentaires
La particularité de notre observation réside dans l’aspect clinique déroutant, mimant une néoplasie, et dans la survenue du GCE sur cicatrice de zona. Le GCE cutané est une lésion inflammatoire chronique constituée de manière prépondérante par des cellules de la lignée des monocytes et des macrophages. Cette réaction est due à la présence, au niveau du derme, de particules xénobiotiques inorganiques ou organiques ou de matériel endogène(1). L’aspect clinique est variable : il peut s’agir de papules, de nodules ou de plaques érythémateuses violines. Les lésions deviennent fréquemment plus dures au cours du temps en raison d’une fibrose(1). La présentation clinique à type de lésion ulcérocroûteuse reste exceptionnelle. Le délai d’apparition des lésions cutanées varie de 20 jours à plusieurs années ; il dépend de la réponse tissulaire au corps étranger, de la composition et de la quantité du matériel en cause(2). Histologiquement, le GCE est constitué de macrophages, de cellules épithélioïdes et de cellules géantes plurinucléées qui s’accumulent autour du corps étranger qui forme le centre histopathogénique du granulome(1,2). L’identification de la nature chimique du corps étranger peut comporter des techniques particulières, comme l’examen en lumière polarisée, les colorations histochimiques par le PAS, ou les colorations argentiques (de Grocott)(2).
Le traitement de choix est l’excision chirurgicale complète du corps étranger, mais en cas de microparticules multiples, comme c’était le cas chez notre patient, un corticoïde puissant topique ou intralésionnel est fréquemment administré, avec pour but de réduire l’inflammation. L’efficacité du laser colorant pulsé a été également rapportée, il réduit l’angiogenèse au niveau de la lésion(4).
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