Publié le 25 avr 2019Lecture 6 min
Comment prendre en charge un hirsutisme
Anne BACHELOT, Hôpitaux Universitaires Pitié-Salpêtrière - Charles Foix, Paris
L’hirsutisme est un motif fréquent de consultation en endocrinologie et en gynécologie. L’évaluation clinique est importante et doit conduire à des explorations hormonales. Le traitement de l’hirsutisme repose sur l’utilisation de plusieurs types de médicaments visant, soit à bloquer la production des androgènes ovariens, soit à bloquer leurs actions périphériques, associés à des traitements locaux.
L’hirsutisme ne doit jamais être négligé ou banalisé et mérite une enquête étiologique rigoureuse, à la recherche de l’affection responsable. Il peut toucher jusqu’à 6 à 8 % des femmes en âge de procréer.
Exploration hormonale
L’évaluation hormonale est toujours indispensable. Les recommandations portant sur l’évaluation hormonale à réaliser devant un hirsutisme font l’objet d’un consensus :
– Dosage de la testostérone totale
Il est recommandé en première intention. Il s’agit en effet du principal androgène actif circulant, dont les taux varient peu au cours du cycle. Il existe par ailleurs un contrôle de qualité en France (Pro.Bio.Qual). La méthode de dosage recommandée chez ces femmes est la méthode de dosage radio-immunologique après traitement préalable de l’échantillon (extraction ou extraction + chromatographie), en attendant l’utilisation plus large de la spectrographie de masse. Néanmoins, la grande majorité des laboratoires utilisent des méthodes directes (RIA) sans extraction préalable. Il existe alors un chevauchement important des valeurs retrouvées chez les femmes présentant une hyperandrogénie et les femmes normales. Le dosage de la testostérone libre ne doit pas être utilisé du fait de son manque de précision.
En cas de surpoids ou d’hyperinsulinisme, le dosage de la testostérone totale peut être pris en défaut. En effet, ces facteurs vont entraîner une diminution de la protéine porteuse des stéroïdes sexuels, la SHBG (Sex Hormone Binding Globulin), ce qui se traduira par une testostérone totale non augmentée, malgré une augmentation de la production de ce stéroïde sexuel. La mesure de la SHBG plasmatique permet de calculer un index de testostérone libre (FAI) très utilisé (T/SHBG x 100).
– Dosage de la ∆4-androstènedione
Son intérêt par rapport à la mesure de la testostérone est mal évalué pour déterminer l’étiologie de l’hirsutisme.
– Dosage de la 17 hydroxyprogestérone (17OHP)
Le diagnostic de forme non classique de déficit en 21-hydroxylase est biologique et repose sur les dosages plasmatiques de la 17OHP de base et, si besoin, après stimulation par 0,25 mg IVD de Synacthène®. Le dosage doit être réalisé à 8 h, à jeun, en première partie de cycle, à distance de la prise de corticoïdes. Le dosage de base de la 17OHP ne semble pas être suffisant pour dépister 100 % des patients, rendant le test au Synacthène® nécessaire. L’augmentation de la 17OHP audelà de 10 ng/ml après Synacthène® doit conduire à une analyse moléculaire du gène CYP21A2.
– Dosage du sulfate de déhydroépiandrostènedione (SDHEA), cortisol libre urinaire, freinage minute à la dexaméthasone.
Lorsque les taux de testostérone totale sont retrouvés très élevés, dépassant 2 fois la normale, la présence d’un syndrome de Cushing, d’une tumeur surrénalienne ou ovarienne doit être évoquée.
Diagnostic étiologique
Les principales causes sont résumées dans le tableau.
Traitement
Le traitement de l’hirsutisme repose sur l’utilisation de plusieurs types de médicaments visant, soit à bloquer la production des androgènes ovariens, soit à bloquer leurs actions périphériques, associés à des traitements locaux. Ce traitement fait actuellement l’objet d’un consensus publié par la Société Française d’Endocrinologie.
Contraception estroprogestative
Son action antiandrogènes passe par l’effet antigonadotrope, l’élévation de la SHBG, qui réduit la fraction libre des androgènes circulants, et la propriété du progestatif. Les études disponibles n’ont jamais montré que les progestatifs à faible activité androgénique étaient plus efficaces dans le traitement de l’hirsutisme. En pratique, les estroprogestatifs sont le traitement de première intention de l’hirsutisme modéré de la femme non ménopausée, en débutant comme pour toute contraception par une contraception estroprogestative de 2e génération.
Acétate de cyprotérone (CPA)
Son action antiandrogènes passe par l’effet antigonadotrope. Il bloque également les effets périphériques des androgènes en inhibant leur liaison au récepteur. Il est largement utilisé en France et en Europe dans le cadre d’une AMM pour le traitement de l’hirsutisme chez la femme. Le CPA ne modifie pas les paramètres métaboliques ni les facteurs de la coagulation, mais il expose à des signes désagréables de carence estrogénique, rendant indispensable la prescription concomitante d’un estrogène. Il représente le traitement de 1re intention de l’hirsutisme modéré à sévère.
Ce traitement est généralement bien toléré ; toutefois, la survenue possible d’une aménorrhée secondaire doit être expliquée aux patientes. Par ailleurs, des saignements irréguliers et de faible abondance (spotting), des métrorragies, une dyspareunie, une baisse de la libido peuvent être observés. Une prise de poids peut s’observer.
Spironolactone
D’autres traitements, hors AMM, peuvent parfois être utilisés, comme la spironolactone. Cette molécule possède des propriétés antiandrogéniques et est beaucoup utilisée dans cette indication aux États-Unis. La dose initiale habituellement utilisée est de 100 mg par jour. Ce traitement, sous couvert d’une contraception, est donc efficace et pourra être proposé en 2e intention en cas d’effets secondaires ou de contre-indication du CPA dans l’hirsutisme modéré à sévère.
Traitements locaux
La croissance du poil est un phénomène cyclique lent, nécessitant d’évaluer l’efficacité des traitements sur plusieurs mois, et d’utiliser en parallèle des traitements symptomatiques. L’épilation électrique ou laser est efficace, surtout en cas de peau claire et de poils foncés. Plusieurs séances sont habituellement nécessaires, habituellement de plus en plus espacées.
L’eflornithine (Vaniqa®) est un topique ralentissant la croissance du poil. Ce traitement n’enlève pas les poils existants mais ralentit et prévient la repousse. L’effet est observable après 2 mois d’utilisation, mais est réversible à l’arrêt du traitement. Son intérêt, au vu de son coût et de son efficacité réversible à l’arrêt, reste discuté.
Traitements spécifiques
En cas de SOPK, il faut garder en tête le rôle de l’insulinorésistance et du poids dans ce syndrome, et agir sur ces facteurs : en effet, l’efficacité de la perte de poids et de l’activité physique chez les patientes en surpoids obèses a été montrée dans plusieurs études. Au cours d’études prospectives, une perte de poids, même modérée (5-10 %) est associée à une amélioration du profil hormonal (hyperandrogénie) et surtout à l’amélioration de la cyclicité menstruelle et l’augmentation du taux d’ovulation chez des femmes obèses présentant un SOPK. Nous disposons actuellement des résultats de la chirurgie bariatrique sur la fertilité des femmes avec SOPK. Il existe une récupération de cycles ovulatoires et de la fertilité spontanée dès la perte de 5-7 % du poids initial. Il est estimé que l’incidence du SOPK passe de 45 % à 6,8 % après chirurgie bariatrique.
En cas de forme non classique d’hyperplasie congénitale des surrénales (HCS), théoriquement, pour lutter contre les signes d’hyperandrogénie, deux possibilités existent : freiner la production excessive d’androgènes par la surrénale par des glucocorticoïdes, ou bien empêcher l’action de ces androgènes au niveau de leur récepteur par des antiandrogènes.
Seules 2 études contrôlées randomisées sur des effectifs modestes ont évalué comparativement l’efficacité du CPA, associé à un estrogène, et d’un glucocorticoïde. Dans ces 2 études, le CPA associé à un estrogène avait une efficacité supérieure au traitement par glucocorticoïde sur l’hirsutisme. C’est donc le traitement de première intention, en l’absence de contre-indications.
Conclusion
L’hirsutisme est une pathologie fréquente, chronique et parfois invalidante, dont la prise en charge s’est améliorée avec l’utilisation conjointe de traitements médicamenteux et locaux. Le bilan étiologique est indispensable, afin de ne pas méconnaître une pathologie tumorale ou génétique.
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