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Psoriasis

Publié le 01 juin 2021Lecture 8 min

Traitement du rhumatisme psoriasique

Frank VERHOEVEN, Clément PRATI, Daniel WENDLING, Service de rhumatologie, CHRU de Besançon
Traitement du rhumatisme psoriasique

Le rhumatisme psoriasique (PsA) est un rhumatisme inflammatoire complexe tant sur le plan physiopathologique que sur le plan diagnostique et thérapeutique. Ce rhumatisme polymorphe présente une grande palette d’expressions cliniques allant de la forme axiale à la forme polyarticulaire en passant par les formes mono- ou oligoarticulaires et enthésitiques pures(1). Pour complexifier les choses un peu plus, l’activité de la maladie est évaluée par différents marqueurs ne mesurant pas tous les mêmes aspects de la maladie, ce qui rend l’appréciation de la cible thérapeutique difficile dans la stratégie thérapeutique du «Treat to Target »(2).

Cette dernière décennie a été le témoin de grandes avancées thérapeutiques et de la multiplication des traitements disponibles. Ainsi, paradoxalement, le rhumatologue peut se retrouver un peu perdu devant un rhumatisme à l’expression clinique variable et pour lequel il dispose de nombreuses options thérapeutiques différentes. Outre les traitements symptomatiques et non médicamenteux, le rhumatologue dispose de nombreux traitements de fond ou « Disease-modifying antirheumatic drugs (DMARD) ». Nous présenterons ici les différents DMARD disponibles en 2021 ainsi que les différentes recommandations sur lesquelles le clinicien peut s’appuyer. TRAITEMENTS SYMPTOMATIQUES Comme dans la prise en charge de tous les rhumatismes inflammatoires, on distinguera les traitements de fond, qui diminuent l’activité du rhumatisme et le nombre de poussées, des traitements de la crise. Les AINS Les AINS représentent le traitement de première intention dans la prise en charge des spondyloarthrites au sens général et du PsA en particulier. Ils sont réputés efficaces et sont recommandés en première ligne par le Group for Research and Assessment of Psoriasis and Psoriatic Arthritis (GRAPPA)(3). En pratique, les AINS sont recommandés en traitement isolé dans les formes peu symptomatiques ne nécessitant pas un traitement de fond. Il faut tout de même garder à l’esprit que ces traitements ne sont pas dénués d’effets secondaires cardiovasculaires et intestinaux(4) dans une population « métabolique » à risque cardiovasculaire non négligeable(5). Les glucocorticoïdes Les glucocorticoïdes ont une place minime dans la prise en charge du PsA. Les injections intra-articulaires permettent de prendre en charge les synovites isolées. La corticothérapie par voie orale reste souvent utilisée avec le risque d’un effet rebond du psoriasis lors de l’arrêt de cette dernière. Néanmoins, l’étude TICOPA a été plutôt rassurante sur ce point(6). Sur les 206 patients inclus, la moitié avait reçu des corticoïdes sans que le PASI soit statistiquement augmenté. TRAITEMENTS DE FOND Traitement de fond conventionnel synthétique (csDMARD) Cette classe thérapeutique comporte deux molécules, le méthotrexate et le léflunomide (tableau 1). La salazopyrine utilisée de manière empirique dans les formes périphériques de spondyloarthrite ne possède pas d’AMM dans la prise en charge du PsA. Le méthotrexate représente la pierre angulaire de la prise en charge des principaux rhumatismes inflammatoires chroniques. Son utilisation dans le rhumatisme psoriasique remonte aux années 1960(7). Étonnamment, bien que cette molécule soit utilisée dans le PsA depuis plus d’un demi-siècle, les preuves de son efficacité dans la prise en charge du PsA sont minces. Ainsi, une revue systématique de la littérature de 2020 a repris les données des 5 seules études contrôlées évaluant l’efficacité du méthotrexate(8). Dans ce travail, aucun réel bénéfice du méthotrexate au niveau articulaire n’avait été mis en évidence. Par contre, il existe une efficacité de ce traitement au niveau dermatologique. Néanmoins, ce traitement reste le csDMARD de référence et est indiqué en première intention dans la prise en charge du PsA sur avis d’experts. Le léflunomide est un inhibiteur de la synthèse de pyrimidine utilisé dans la polyarthrite rhumatoïde et qui a montré une bonne efficacité sur le PsARC à la 24e semaine(9). Ce traitement a également montré une certaine efficacité sur l’atteinte dermatologique. DMARD : Disease modifying anti-rheumatic drugs. Traitements de fond ciblé synthétique (tsDMARD) L’aprémilast, un inhibiteur de PDE4, est bien connu et utilisé par la communauté dermatologique. Les études pivots(10) ont mis en évidence une efficacité intéressante de ce traitement sur les atteintes articulaires des formes polyarticulaires. Il a obtenu une AMM en association avec le méthotrexate dans la prise en charge du PsA en cas d’inefficacité de ce dernier. Néanmoins, son efficacité reste d’une moindre amplitude, et, de ce fait, sa place dans la stratégie thérapeutique reste difficile à définir. De plus, aucun effet structural articulaire n’a été mis en évidence. Les facteurs prédictifs de bonne réponse sont représentés par une faible activité du rhumatisme et par les formes mono ou oligoarticulaires, ce qui permet de mieux cibler les patients à qui proposer ce traitement. Parmi les tsDMARD, on note également les inhibiteurs des Janus Kinase. Pour le moment, une seule molécule, le tofacitinib, a l’AMM en France dans cette indication, mais d’autres inhibiteurs de JAK devraient arriver prochainement. Comme pour la plupart des molécules de cette classe, l’effet le plus important se situe au niveau articulaire avec une bonne efficacité rhumatologique, une réponse ACR 20 à 70 % (équivalente à l’adalimumab) dans les formes polyarticulaires. Néanmoins, son efficacité dermatologique reste modeste avec un PASI 90 à 40 %(11). Des événements thromboemboliques et cardiovasculaires ont été mis en évidence avec le dosage de 10 mg deux fois par jour(12). Ce traitement est indiqué en cas de réponse inadéquate à un csDMARD en association avec le méthotrexate. Dans la grande famille des JAK inhibiteurs, de nouvelles molécules sont en cours d’étude. L’upadacitinib vient d’obtenir une AMM européenne et devrait obtenir une AMM française cette année. Traitements de fond biologiques (bDMARD) Les bDMARD sont indiqués en cas d’intolérance ou d’inefficacité du méthotrexate. On compte de nombreuses molécules dans cette classe thérapeutique avec des modes d’action différents. Les anti-TNF Ils sont au nombre de 5 : l’infliximab, l’étanercept, le certolizumab, l’adalimumab et le golimumab. On distingue les molécules princeps et les biosimilaires de l’étanercept, de l’adalimumab et de l’infliximab. Leur efficacité est reconnue sur l’ensemble des domaines du PsA(13) : – l’atteinte axiale ; – l’atteinte périphérique ; – l’atteinte dermatologique ; – les dactylites ; – les enthésites ; – les atteintes extra-articulaires. Les traitements par anti-TNF représentent aujourd’hui le gold standard dans la prise en charge du PsA. De ce fait, les études actuelles utilisent un comparateur actif qui est constitué par l’adalimumab.   Les anti-IL17 À l’heure actuelle, deux molécules ont l’AMM dans le PsA. Il s’agit de l’ixékizumab et du sécukinumab. Le brodalumab, lui, n’a qu’une seule AMM dans le psoriasis en plaque modérée à sévère. Il n’a pas d’AMM dans le PsA. Les traitements par anti-IL17 montrent une efficacité supérieure sur l’atteinte dermatologique que les anti-TNF(14-15). Ces traitements ont une AMM en association avec le méthotrexate et à la même dose que pour le psoriasis. Nous disposons actuellement de deux études face/face comparant ces deux molécules à l’adalimumab. La première a comparé l’ixékizumab à l’adalimumab avec comme critère primaire un critère composite associant une réponse articulaire (ACR 50) et une réponse dermatologique (PASI 100)(14). Cette étude a mis en évidence une supériorité de l’ixékizumab. Par contre, en matière de réponse articulaire, il n’y avait pas de supériorité de l’ixékizumab. Une deuxième étude évalue le sécukinumab à l’adalimumab avec cette fois comme critère primaire la réponse articulaire (ACR20)(15). Cette étude n’a pas mis en évidence de supériorité du sécukinumab à la 52e semaine (P = 0,06). Enfin, le sécukinumab a montré une efficacité sur l’atteinte axiale du PsA(16).   Les anti-IL23 Le ciblage de l’IL23 est une option thérapeutique très intéressante avec une bonne efficacité au nveau cutané. À l’heure actuelle, nous disposons de deux molécules ayant l’AMM dans le PsA. L’ustékinumab va cibler la sous-unité p40 commune à l’IL12 et l’IL23. Cette molécule a montré des effets intéressants au niveau articulaire périphérique(17) mais que peu d’efficacité dans les atteintes axiales(18), notamment des spondyloarthrites(19). Une autre molécule est disponible à l’heure actuelle, un inhibiteur de la sous-unité p19, le guselkumab(20). Cette molécule a montré une réponse ACR20 à 64 % et un PASI 100 à 45 % à la 24e semaine. Il n’y a pas de données à l’heure actuelle sur l’efficacité de ce mode d’action sur les autres domaines du PsA.   L’abatacept L’abatacept est un modulateur sélectif du signal de costimulation des lymphocytes T, essentiel pour leur activation et leur différenciation. Cette molécule a une AMM ancienne dans la polyarthrite rhumatoïde et possède une AMM dans le PsA, mais pas le remboursement. L’étude ayant permis l’obtention de l’AMM a été menée sur des formes polyarticulaires avec une efficacité articulaire (réponse ACR20 à 39,4 %) modeste et une efficacité cutanée peu concluante (PASI 50 à 30%)(21).  RECOMMANDATIONS Il existe un grand nombre de traitements disponibles dans le PsA, et le clinicien peut se retrouver un peu perdu lorsque le choix du traitement se pose. Ainsi, nous disposons de plusieurs recommandations de prise en charge du PsA. Dans les recommandations françaises (figure 1), il est conseillé d’utiliser en première intention le méthotrexate(22), même si les preuves de son efficacité dans cette indication sont minces. En cas de pathologie peu active, l’aprémilast trouve sa place alors que dans les formes actives, les bDMARD et les tsDMARD sont indiqués sans préférence pour un traitement. Figure 1. Recommandations de prise en charge des spondyloarthrites de la SFR(22). Les recommandations européennes(23) proposent de différencier les formes périphériques des formes avec une composante axiale. Ces recommandations prennent en considération le phénotype de la maladie ce qui n’est pas tout à fait le cas de recommandations américaines(24). Enfin, les recommandations les plus pragmatiques et les plus cliniques sont celles formulées par le GRAPPA(3) (figure 2). En effet, bien qu’émises en 2016, ces recommandations proposent de privilégier certains types de bDMARD en fonction de la présentation phénotypique (atteinte périphérique, axiale, enthésitique, dermatologique, mono-oligoarticulaire...). Figure 2. Recommandations de prise en charge du PsA du GRAPPA(3). AIDES À LA PRESCRIPTION Comme nous venons de le voir, il existe de nombreux traitements disponibles dans le PsA avec peu d’orientations pour aider au choix de la prescription. Afin d’aider les cliniciens, une revue récente a tenté de regrouper tous les facteurs prédictifs de bonne réponse aux différents traitements(25) (tableau 2). Associé aux études face/face, ces éléments permettent de proposer les traitements suivants : – forme mono ou oligoarticulaire peu active : aprémilast; – forme avec une atteinte axiale : anti-TNF ou anti-IL17; – formes très actives : anti-IL7; – forme avec une atteinte dermatologique prépondérante : anti-IL 23 ou anti-IL17; – forme polysynovitique : anti- TNF, anti-IL17. CONCLUSION Le PsA est probablement le rhumatisme inflammatoire chronique qui a connu le plus d’avancées thérapeutiques ces dernières années. Pour traiter nos patients avec un PsA, nous avons l’embarras du choix (ce qui est une bonne nouvelle) en matière de traitements de fond. L’évaluation de l’ensemble de l’expression phénotypique du PsA est primordiale afin de mieux cerner la cytokine clé à cibler. Ainsi, la collaboration entre rhumatologue et dermatologue est importante afin de mieux traiter ces patients.

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