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Psoriasis

Publié le 05 nov 2021Lecture 4 min

Douleurs cutanées dans le psoriasis

Laurent MISERY, CHU de Brest

Si la présence d’un prurit au cours du psoriasis est désormais une donnée acquise par tous, celle de douleurs cutanées est rarement évoquée. Elle n’en est pas moins bien réelle. L’étude internationale MAPP a montré que la préoccupation principale des patients souffrant de psoriasis était de loin le prurit (pour 43 % d’entre eux), alors que celle des patients présentant un rhumatisme psoriasique concernait des douleurs articulaires (de loin aussi).

Les dermatologues et les rhumatologues sous-estiment vraiment ces aspects de la maladie mais s’y intéressent de plus en plus. Quant à la présence de douleurs cutanées, elle reste très méconnue. Elle est la préoccupation principale de 5 % des patients d’après cette même étude. Des douleurs peu étudiées La présence de douleurs cutanées au cours du psoriasis a été très peu étudiée. Les études qui montrent que les patients atteints de psoriasis peuvent ressentir des douleurs cutanées(1-4) ne datent que de la dernière décennie. Une enquête, menée en comparaison avec des individus sains, a été récemment réalisée(5) auprès d’un large échantillon représentatif de la population française pour évaluer la présence, la fréquence et les caractéristiques des douleurs cutanées chez les patients atteints de psoriasis. Parmi les 5 000 personnes interrogées, 244 ont déclaré présenter un psoriasis (129 hommes, 53 % ; 115 femmes, 47 % ; âge moyen, 47,96 ± 15 ans), soit une prévalence de 4,8 % (intervalle de confiance [IC] 95 % : 4,2-5,4). 3247 personnes n’ont déclaré aucune maladie cutanée (hommes, 49,6 % ; femmes, 50,4 % ; âge moyen, 47,25 ± 16,4 ans) et ont été considérées comme des individus témoins. La douleur cutanée (33,2 vs 6 %, p < 0,001), le prurit (95,1 vs 53,3 %, p < 0,00001) et les picotements (71,9 vs 54,9 %, p < 0,005) étaient plus fréquemment signalés par les patients que par les témoins. Mesurée par une échelle visuelle analogique, l’intensité moyenne des douleurs cutanées des patients atteints de psoriasis était de 5,83 sur 10. Les patients qui ont mentionné des douleurs cutanées étaient plus jeunes que ceux qui n’en avaient pas signalé (43,69 ± 4,43 ans vs 49,9 ± 14,82 ans, respectivement ; p < 0,05). La proportion de femmes souffrant de douleurs cutanées était plus élevée que celle des hommes (39,45 % vs 28,35 %, respectivement ; p < 0,05). Les patients souffrant de psoriasis douloureux au niveau cutané étaient plus susceptibles d’avoir consulté un dermatologue au cours des trois mois précédents que ceux qui n’en souffraient pas (67,1 % vs 34,6 %, respectivement; p < 0,001). Des différences significatives dans les scores MCS-12 (39,18 vs 42,97, respectivement ; p < 0,05) et du Dermatology Life Quality Index (DLQI) (13,62 vs 7,66, respectivement ; p < 0,000001) ont été notées, ce qui prouve bien que les douleurs cutanées jouent un rôle non négligeable dans l’altération de la qualité de vie. L’analyse univariée a montré que les patients déclarant des douleurs cutanées étaient plus souvent âgés de plus de 50 ans (odds ratio [OR] : 0,48 ; IC 95 % : 0,28-0,83 ; p < 0,01), consultaient plus fréquemment un dermatologue (OR, 3. 86 ; IC : 95 %, 2,20-6,67 ; p < 0,001) et avaient davantage d’altérations de la qualité de vie mesurée par le DLQI (OR, 4,70; IC : 95 %, 2,65-8,34 ; p < 0,001) et le MCS- 12 (OR, 0,43; IC : 95 %, 0,21- 0,88 ; p < 0,05). L’analyse multivariée a montré des différences uniquement pour le DLQI et les consultations avec un dermatologue. On peut donc retenir qu’un tiers des patients atteints de psoriasis a signalé des douleurs cutanées, que la moitié a mentionné des picotements et que presque tous ont signifié un prurit. Chez les patients souffrant de douleurs cutanées, et pour une majorité d’entre eux, une composante neuropathique a été suggérée à l’aide du questionnaire DN4. Les patients souffrant de douleurs cutanées consultaient plus fréquemment des dermatologues, et leur qualité de vie était plus altérée. Pourquoi des douleurs cutanées ? Les études sur le sujet sont très peu nombreuses mais particulièrement intéressantes. La présence d’une part neuropathiquedans ces douleurs(5) suggère que les terminaisons nerveuses cutanées sont hyperactivées et produisent de la substance P, médiateur impliqué dans la douleur mais aussi dans l’inflammation ou la prolifération des kératinocytes, événements majeurs de la physiopathologie du psoriasis(6) . D’autre part, l’expression de l’interleukine 33 est particulièrement augmentée dans les plaques de psoriasis s’il y a une douleur cutanée(4) . Par ailleurs, un magnifique travail publié dans Nature montre que les nocicepteurs cutanés activés dans la douleur cutanée au cours du psoriasis induisent la production d’interleukine 23 par les cellules dendritiques dermiques, puis celle d’interleukines 17 et 22 par les lymphocytes T, et ainsi le développement des plaques de psoriasis(7). Quand on sait que les plaques de psoriasis peuvent régresser après dénervation(8), on voit à quel point les cellules immunitaires et les terminaisons inter-agissent, et on peut imaginer que les plaques douloureuses pourraient annoncer une aggravation du psoriasis. Que faire en pratique ? La douleur cutanée est très rarement évaluée dans les essais cliniques, et il est nécessaire de l’inclure dans les fameux PRO (patient-related outcomes, résultats liés aux patients). Le score PPSD (Psoriasis Symptoms and Signs Diary) est un nouveau score, prenant en compte 11 symptômes cutanés du psoriasis, dont la douleur cutanée(9), promis à un bel avenir. Pour une douleur cutanée dont l’intensité est de près de 6 sur 10, les antalgiques (incluant la gabapentine et la prégabaline) peuvent être justifiés en complément d’un traitement efficace du psoriasis. Ce traitement peut être local puisqu’une étude (non comparative) a montré que l’intensité de la douleur cutanée diminuait de 7,6 à 1,3 sur 10 après quatre semaines d’application quotidienne d’une mousse contenant du calcipotriol et du dipropionate de bétaméthasone(10). Du côté des biothérapies, des essais cliniques ont montré des effets intéressants sur la douleur cutanée de la part des anti-IL17(11,12) ou des anti-IL23(13,14). Conclusion En pratique, on retiendra que les douleurs cutanées au cours du psoriasis ne doivent pas être négligées parce qu’elles sont fréquentes, assez intenses, retentissantes sur la qualité de vie et peuvent être annonciatrices d’une aggravation du psoriasis.

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