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Maladie de système, Médecine interne

Publié le 30 aoû 2006Lecture 6 min

Intoxication mercurielle et manifestations cutanées

I. MERMET, hôpital Saint-Jacques, Besançon
La toxicité du mercure est en principe très différente selon sa présentation chimique et le type d’exposition aiguë ou chronique. Ses manifestations cutanées doivent être connues du dermatologue.
Connu depuis l’Antiquité, le mercure (Hg) est un métal dense, liquide et volatile à température ambiante. Il peut se présenter sous trois formes toxiques : – mercure élémentaire ou métal : il est utilisé en dentisterie pour l’obturation des dents (amalgames) et en bijouterie ou horlogerie pour la fabrication d’instruments de mesure (thermomètre, baromètre), de piles, d’accumulateurs et de lampes ; – sels de mercure : ce sont des catalyseurs en synthèse organique, des constituants de bains photographiques, des pigments pour cires, peintures et matières plastiques. Ils sont également utilisés pour le traitement des peaux, la fabrication de chapeaux de feutres et la fixation de tissus vivants ; – mercure organique : le méthyle-mercure (le plus fréquent des dérivés organiques) est un biocide utilisé comme fongicide et antiseptique.   Toxicité aiguë du mercure Les composés inorganiques du mercure (fulminate de mercure) et le chlorure mercurique en plus de leur potentiel allergisant peuvent provoquer une dermite d’irritation avec œdème, érythème, prurit intense, papules, pustules et ulcères. La projection cutanéomuqueuse d’une solution concentrée provoque des brûlures chimiques.   Par inhalation   L’inhalation de mercure métallique peut être responsable de rash mobiliforme et urticarien. L’inhalation de vapeurs ou de fumées mercurielles peut provoquer des lésions cutanéomuqueuses retardées : stomatite, éruption érythémato-papuleuse en nappes, parfois prurigineuse.     Par voie parentérale L’administration de mercure métallique par voie parentérale peut entraîner une sensibilité cutanée au mercure confirmée par des tests épicutanés. Allergie au mercure Le métal lui-même est allergénique. Cette allergie a notamment été observée chez des sujets porteurs d’amalgames et des étudiants en dentisterie. Des cas de dermatite étendue ou même des éruptions généralisées par l’exposition au mercure (soit par pénétration sous-cutanée des particules de mercure, soit par inhalation) lors des traitements dentaires ou lors de bris de thermomètre ont été également rapportés. Certains patients pourraient développer un lichen plan oral ou des réactions lichénoïdes à proximité des amalgames dentaires. L’érythème mercuriel est considéré comme une dermite de contact systémique après exposition à des vapeurs de mercure chez des sujets préalablement sensibilisés aux dérivés mercuriels. Il réalise un érythème de coloration rouge vermillon, prédominant aux grands plis, aux faces latérales du cou, à la région péri-ombilicale, aux faces internes des cuisses et pouvant être associé à un semis de pustulettes sur les placards érythémateux. Il existe une forme vésiculobulleuse d’érythème mercuriel après exposition suite au bris de thermomètre. Le diagnostic reste essentiellement clinique. La recherche de l’exposition nécessite parfois une enquête anamnestique détaillée. Généralement, les tests épicutanés confirment la sensibilisation au mercure. Celle-ci est relativement fréquente dans la population consultant pour un eczéma de contact car les dérivés mercuriels sont retrouvés dans de nombreuses préparations cosmétiques et pharmaceutiques. Le diagnostic est confirmé par le dosage sanguin du mercure (le taux normal est inférieur à 5 mg/l). L’intoxication aiguë s’accompagne d’un taux supérieur à 100 mg/l. À noter que les signes neurologiques apparaissent au-dessus de 200 mg/l. Le traitement repose sur des mesures symptomatiques et l’administration d’un chélateur (DMSA = Succicaptal®) dont la posologie est de 30 mg/kg/j en trois prises pendant 5 à 10 jours. Forme pédiatrique : l’acrodynie L’acrodynie est la forme pédiatrique de l’encéphalopathie mercurielle ; autrefois iatrogène, elle résulte le plus souvent du bris de thermomètre en milieu domestique, sans décontamination satisfaisante des locaux. Deux à 4 semaines après l’absorption du toxique et le développement des premiers troubles neurologiques (état confusionnel, faiblesse des membres pouvant évoluer vers l’encéphalopathie convulsante) s’ajoute une érythromélalgie (pink disease) avec œdème et un érythème des pieds et des mains. Paradoxalement, ces extrémités sont froides. L’enfant, très algique, a alors tendance à s’automutiler. Sur le plan pathogénique, il existe une vasodilatation des vaisseaux cutanés superficiels qui explique l’aspect des téguments alors que simultanément s’installe une vasoconstriction des troncs artériels profonds, vasoconstriction qui rend compte de la baisse de la température acrale. Une desquamation, une hyperhidrose, des ulcérations et des nécroses des extrémités, ainsi qu’une hypertension artérielle avec catécholamines urinaires élevées, simulant un phéochromocytome peuvent également être associés. Il n’y a le plus souvent pas de corrélation entre l’intensité des troubles et le taux urinaire de mercure. La maladie de Kawasaki et la maladie de Fabry constituent les deux principaux diagnostics différentiels. Toxicité chronique au mercure Une toxicité chronique au mercure peut être responsable d’une transpiration abondante mais également d’une érythrodermie, d’une dermatose bulleuse, d’un purpura et d’un urticaire. Les crèmes et les pommades à base de mercure utilisées pour dépigmenter peuvent avoir, lors d’un usage prolongé, un effet paradoxal d’hyperpigmentation surtout au niveau des plis. Réactions allergiques retardées Le contact prolongé ou répété avec le mercure ou ses dérivés peut provoquer des dermatoses eczématiformes. Le mercure et ses composés peuvent provoquer des réactions allergiques retardées comme l’eczéma de contact. Il existe des réactions croisées entre mercure métallique et sels organiques ou inorganiques. Cela est important à connaître dans la mesure où des composés mercuriels sont encore employés aujourd’hui comme antiseptiques, dans divers produits – pommades, crèmes, collyres et gouttes nasales ou otologiques. En dehors des formes eczématiformes, le mercure provoque aussi des dermites granulomateuses. Le dosage urinaire du mercure est le reflet de l’exposition des 3 à 4 mois précédents. Le taux normal est inférieur à 5 mg/l. Un dosage sanguin est également possible ; il reflète l’exposition de la semaine précédente et peut être utilisé en cas d’exposition fluctuante. En cas de dosages sanguins ou urinaires peu significatifs, l’imprégnation excessive de l’organisme peut être confirmée par une mercuriurie provoquée sous chélateur. Le traitement chélateur est rarement justifié en pratique ; il s’adresse aux sujets symptomatiques (tremblements, atteinte rénale). Le traitement chélateur de choix est le DMSA. Sa posologie est identique à celle administrée en cas d’intoxication aiguë ; la durée du traitement est mal codifiée. Une alternative est la D-pénicillamine (Trolovol® : 250 à 350 mg per os 4 fois par jour pendant 10 jours) en association avec de la vitamine B6.

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