Photodermatologie
Publié le 14 avr 2010Lecture 4 min
La lucite hivernale bénigne
E. MAHÉ, Hôpital Ambroise-Paré, Boulogne-Billancourt
Benjamin, 8 ans, se plaint depuis deux ans d’épisodes d’oedème douloureux des joues et du front se développant lors des sports d’hiver. Ces lésions durent pendant toutes les vacances et régressent en 48-72 heures après le retour sur la banlieue parisienne. Une photographie apportée par les parents permet de voir cet oedème érythémateux, tendu, touchant les deux joues, les paupières et le front. Pendant cette éruption, Benjamin se porte parfaitement bien, n’est pas fébrile. Les parents mettent de la « crème solaire » avant le départ au ski le matin sans la renouveler.
Diagnostic retenu L’apparition d’un oedème en altitude, en période froide, associé à une exposition solaire chez l’enfant est très évocateur de lucite hivernale bénigne (LHB). L’apparition rapide des signes, dès le premier jour d’exposition, le caractère récurrent et la régression rapide au retour de vacances étayent cette hypothèse. L’application inadaptée de crème solaire (1 fois le matin) permet d’expliquer l’absence d’efficacité de celle-ci. Commentaires La lucite hivernale bénigne est une éruption touchant avec prédilection l’enfant. Sa fréquence est probablement sous-évaluée. Pour se développer elle nécessite la conjonction de trois expositions : le froid, l’altitude et le soleil. Elle apparaît en quelques heures après l’exposition et touche les pommettes et le front, voire les lobes des oreilles et les tempes. Elle débute par une sensation de picotement ou de cuisson des zones exposées, puis rapidement l’éruption se constitue : placards oedémateux cuisants pouvant être très inflammatoires, et dans ce cas volontiers vésiculeux. L’éruption disparaît en quelques jours lors de la disparition de ces circonstances photo-climatologiques et réapparaîtra en cas de nouvelle exposition. La LHB peut être associée à une lucite estivale bénigne (cf. infra) et serait associée, de façon non fortuite, à une dermatite atopique. Prise en charge Dans les formes sévères de LHB, une exploration photobiologique peut se justifier. Elle sera négative en l’absence d’exposition aux trois facteurs déclenchants. Dans les autres cas, c’està- dire la majorité, aucun bilan complémentaire n’est nécessaire. Le traitement est avant tout préventif. Une exposition progressive et l’utilisation de produits de protection solaire sont conseillées. Un indice de protection (SPF) de 50 ou plus sera utilisé et les modalités d’application expliquées aux parents : sur toute la peau non couverte par les vêtements, et répétition toutes les 2 heures. Diagnostics différentiels Les principaux diagnostics différentiels portent sur les lésions induites par la lumière, les lucites, et les lésions induites par le froid. Les autres éruptions photoinduites transitoires et récurrentes (chaque année lors de l’exposition aux mêmes facteurs déclenchants) peuvent donc être discutées, mais les facteurs déclenchants diffèrent (tableau). La lucite estivale bénigne (LEB). Elle est rare chez l’enfant et touche préférentiellement la jeune femme. Elle se développe après 2 à 3 jours d’exposition solaire intense. L’éruption est prurigineuse, constituée de petites papules touchant le décolleté et les épaules. Paradoxalement, la LEB respecte le visage. Elle régresse en 1 à 2 semaines sans cicatrices et réapparaîtra lors de nouvelles expositions. La LHB pourrait être une forme particulière de LEB et est fréquemment associée chez la jeune femme. La photodermatose printanière juvénile (PPJ). Elle touche surtout les garçons avant l’adolescence. La PPJ se déclenche après une exposition solaire lors d’un « froid matin printanier ». L’éruption est papulo-vésiculeuse et se développe sur le bord libre de l’hélix des deux oreilles. Elle disparaît spontanément en une quinzaine de jours ; les dermocorticoïdes accélèrent cette guérison. Parmi les éruptions induites par le froid, ce sont principalement les engelures et la panniculite au froid qui peuvent se discuter. L’engelure correspond à une réaction inflammatoire, à une exposition prolongée au froid. Elle touche les extrémités et, sur le visage, le nez et les oreilles. Les symptômes sont aigus. Ils débutent par des papules cuisantes, oedémateuses qui s’infiltrent progressivement pour réaliser des tuméfactions violines, douloureuses. Ces lésions se résorbent en 2-3 semaines. Les panniculites (inflammation hypodermique) au froid se développent sur les joues des enfants exposés de façon prolongée au froid. Elles sont peu symptomatiques au début et apparaissent sous la forme de nodules érythémateux souscutanés, le plus souvent non douloureux. La confluence de plusieurs nodules peut donner des placards infiltrés des joues. Ces lésions régressent spontanément en plusieurs semaines.
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