Publié le 14 jan 2008Lecture 6 min
Les « nouveaux » exanthèmes viraux et éruptions paravirales
P. PLANTIN, Centre hospitalier intercommunal de Cornouaille, Quimper
Les nouveaux exanthèmes viraux et les exanthèmes paraviraux sont deux sujets assez proches qui concernent pédiatres, infectiologues et dermatologues. Les progrès de la virologie ont permis d’identifier de nouveaux agents viraux responsables d’exanthèmes dont la spécificité clinique est pauvre(1), mais l’origine virale d’autres exanthèmes reste à l’état de simples hypothèses. Le goût des voyages ou l’importation accidentelle ou souhaitée d’animaux dits exotiques peut aboutir à l’identification de nouveaux exanthèmes jusque-là inconnus, en particulier chez l’enfant.
Nouveaux exanthèmes viraux On regroupe sous ce terme un certain nombre d’exanthèmes récemment individualisés dont la description est souvent ancienne, mais qui ont fait l’objet d’un classement nosologique plus récent. Beaucoup de ces exanthèmes, dont l’étiologie n’est pas uniquement virale, rentrent dans le cadre des éruptions paravirales, que nous aborderons dans un deuxième chapitre. Syndrome « gants-chaussettes » Décrit en 1990, ce syndrome est caractérisé par un érythème purpurique intense touchant préférentiellement les mains, les pieds (figure 1), les zones convexes et les muqueuses. Les lésions sont souvent douloureuses et s’accompagnent de signes généraux : fièvre, arthralgies et anorexie. La guérison est la règle en quelques semaines. Les premiers cas publiés étaient contemporains d’une séroconversion pour le parvovirus B19, d’autres observations ont été rapportées lors de la rougeole, d’infections à EBV, CMV ou HHV-6 en particulier (2). Figure 1. Syndrome « gants-chaussettes » : lésions purpuriques des pieds. Pseudo-angiomatose éruptive Décrite par N. Prose(3) en 1993, elle a été observée chez le nourrisson mais aussi chez l’adulte. L’exanthème est constitué de petites papules angiomateuses (figure 2), bordées d’un halo anémique, qui disparaissent spontanément en moins de 15 jours. La biopsie des lésions montre une dilatation des vaisseaux dermiques sans infiltrat inflammatoire. L’origine virale, qui a été suspectée d’emblée sur la notion de petites épidémies, n’a jamais été prouvée jusqu’à maintenant en dehors de cas rapportés à une infection à entérovirus (séroconversion). Figure 2. Lésions angiomateuses de la région scapulaire au cours d’une pseudo-angiomatose éruptive. L’exanthème unilatéral latéro-thoracique, plus connu sous l’acronyme d’APEC (Asymetric periflexural exanthem of childhood) est une éruption siégeant tout d’abord au niveau d’un creux axillaire qu’elle touche de façon asymétrique (figure 3). L’éruption peut être morbiliforme, scarlatiniforme ou eczématiforme, et elle tend fréquemment à toucher d’autres plis toujours sur un mode asymétrique. L’origine virale de l’APEC a été soupçonnée sur sa saisonnalité et sur l’existence inconstante de prodromes (fébricule, signes respiratoires et adénopathies loco-régionales), mais elle n’a jamais été démontrée (4). Figure 3. Éruption eczématiforme de la région axillaire au cours de l’APEC. Papillite linguale familiale Décrite par J.-P. Lacour, la papillite linguale éruptive est caractérisée par l’apparition brutale de difficultés alimentaires, d’une hypersialorrhée et d’une irritabilité en rapport avec une inflammation linguale caractérisée par une hypertrophie des papilles fongiformes de la pointe et du dos de la langue. La papillite est souvent familiale (transmission à d’autres membres de la fratrie ou aux parents dans plus de 50 % des cas, épidémies en collectivités), s’accompagne fréquemment d’adénopathies cervicales et guérit en moins de 15 jours. La survenue en petites épidémies familiales atteste de sa probable origine virale(5). Exanthème de l’infection par le virus West Nile Cette infection est une arbovirose dont la sévérité tient aux atteintes neurologiques (encéphalites). Un exanthème morbiliforme, constitué de macules rosées du tronc, peut être observé au cours de l’infection chez l’adulte comme chez l’enfant(6,7). Infection à monkeypox Cette maladie endémique sévit en Afrique(8). Elle touche surtout les enfants de la zone tropicale africaine, se traduisant par une éruption assez proche de la variole associée à une atteinte respiratoire, un syndrome grippal et des adénopathies cervicales plus marquées qu’au cours de la variole. Le virus monkeypox est transmis par des rongeurs infectés. Les cas observés aux États-Unis sont liés à la transmission du virus par de petits rongeurs (« chiens des prairies ») contaminés par les rongeurs importés d’Afrique comme animaux de compagnie. En Afrique, la mortalité de l’infection est d’environ 11 %, liée à la dénutrition, aux surinfections bactériennes et à des co-infections virales comme la varicelle. La vaccination contre la variole prévient l’infection à monkeypox virus et cette protection est probablement liée à la parenté ontogénique de ces virus. D’autres infections associées à des poxvirus ont été rapportées le plus souvent au contact accidentel avec le virus véhiculé par un animal : infection à tanapoxvirus transmise par des chimpanzés d’Afrique(9), responsable d’une éruption papuleuse pouvant faire évoquer un anthrax ou une mycobactériose s’accompagnant de signes généraux : céphalées, fièvre… Éruptions paravirales « Para » vient du grec qui signifie « à côté de » et c’est sous ce préfixe que J.H. Saurat et D. Lipsker(10) ont regroupé certaines dermatoses, dont les étiologies sont multiples. Ce concept, qui s’applique surtout à des exanthèmes récemment individualisés, peut aussi concerner des entités connues de longue date, dont l’étiologie infectieuse reste hypothétique. • Les dermatoses d’origine virale dont les agents déclenchant sont multiples rentrent dans ce cadre. Ainsi, le syndrome de Gianotti-Crosti (figure 4) ou le syndrome « gants-chaussettes » correspondent à des dermatoses paravirales par opposition à certaines maladies virales pour lesquelles il n’existe qu’un agent responsable (la varicelle, par exemple). Figure 4. Syndrome de Gianotti-Crosti. • Ce concept peut également s’appliquer à des entités dont l’étiologie virale est très probable, bien que jamais démontrée jusqu’alors. C’est le cas de l’APEC ou de la pseudo-angiomatose éruptive. • L’étiologie infecteuse n’est pas la plus fréquente. Un certain nombre de dermatoses qui peuvent relever d’une étiologie infectieuse, même si celle-ci n’est pas la plus fréquente, peuvent correspondre à des infections paravirales : c’est le cas de dermatoses aussi différentes que l’érythème polymorphe, l’urticaire, le lichen striatus, la pustulose aiguë exanthématique ou le pityriasis lichénoïde, pour lequel la responsabilité de Toxoplasma gondii, de l’EBV ou de l’herpes virus a été évoquée(11). À ce titre, le pityriasis rosé de Gibert (PRG) est exemplaire, car son étiologie virale est évoquée depuis longtemps (taux élevés d’interféron a et g chez les malades, taux augmentés des lymphocytes D) et le rôle de virus du groupe herpes a été suspecté dans sa survenue : HHV-7(12), tandis que des toxidermies à type de PRG illustrent d’autres causes de cette dermatose. Conclusion Les progrès du diagnostic en virologie ont permis de démontrer que le même exanthème pouvait être dû à des agents viraux différents, tandis que de nouveaux exanthèmes ont été individualisés, dont l’origine pouvait être infectieuse ou non : ceux-ci constituent le cadre des éruptions paravirales. Ainsi, le syndrome « gants-chaussettes » illustre la pluralité des étiologies virales d’un même exanthème, tandis que des entités aussi anciennement individualisées que le pityriasis rosé de Gibert illustrent le concept d’exanthème paravirale dans la mesure où il peut être d’étiologie virale (HHV-7), mais aussi s’observer dans d’autres circonstances (toxidermies médicamenteuses à « type » de PRG).
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