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Chirurgie

Publié le 03 sep 2006Lecture 11 min

Maladie de Dupuytren : l'aponévrotomie percutanée à l’aiguille

F. Fayad , URAM, Centre Viggo Petersen, Hôpital Lariboisière, Paris, H. Lellouche : Institut de l’Appareil Locomoteur Nollet, Paris
En France, la fréquence de la maladie de Dupuytren est de l’ordre de 2 % des hommes de plus de 40 ans. Son traitement, chirurgical jusqu’au début des années 80, a été bouleversé par l’émergence de l’aponévrotomie à l’aiguille.
  Maladie de Dupuytren Définition La maladie de Dupuytren est une affection fibroproliférative qui touche principalement l’aponévrose palmaire moyenne et le fascia digital. Le fibroblaste du fascia subit une modification structurelle et se transforme en myofibroblaste. Cette cellule est capable de se contracter et d’engendrer des phénomènes de rétraction avec flexion progressive et irréductible d’un ou de plusieurs doigts.     Figure 1.– Maladie de Dupuytren touchant le 5e rayon. Stade I de Tubiana.      Figure 2. Test de la table.   Incidence L’incidence de la maladie de Dupuytren varie fortement entre les différents groupes ethniques. Le caractère héréditaire de la maladie est conforté par sa répartition géographique qui semble suivre l’invasion des Vikings en Europe avec un maximum de fréquence en Islande où près de 20 % de la population masculine est atteinte. De même, toutes les populations scandinaves, celtiques et celles liées à l’émigration en Amérique du Nord et en Australie sont concernées. En France, la fréquence est de l’ordre de 2 % des hommes de plus de 40 ans, avec un sex-ratio homme-femme de 8 à 9 sur 10. En Allemagne, 1,9 millions de personnes souffrent de façon chronique de cette pathologie6. La maladie est exceptionnelle chez les sujets de race noire et seuls quelques cas sont décrits en Asie. Au Japon, en revanche, où la fréquence est proche de celle de l’Europe.     Figure 3.– Aponévro-tomie percutanée à l’aiguille, anesthésie locale.   Étiopathogénie De nombreux facteurs, génétiques, mécaniques, vasculaires, toxiques et métaboliques, semblent entrer en jeu dans l’installation et le développement de la maladie de Dupuytren. Les facteurs génétiques sont au premier plan. La transmission se fait sur le mode autosomique dominant à pénétrance variable, ce qui explique l’incidence plus faible et l’apparition plus tardive de cette maladie au sein de la population féminine. Un traumatisme est souvent cité comme agent causal, mais les résultats des études épidémiologiques sont insuffisants pour étayer cette conclusion dans la plupart des cas. La maladie de Dupuytren est plus fréquemment observée chez les diabétiques et les alcooliques. Certains médicaments comme l’isoniazide, le phénobarbital et le marismat, inhibiteur de la métalloprotéase de la matrice conjonctive, peuvent l’induire. Par ailleurs, la maladie de Dupuytren a fait l’objet d’un rapprochement étroit avec la cigarette et l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine.     Figures 4 et 5.– Aponévrotomie percutanée à l’aiguille chez une patiente de 56 ans. Les points d’entrée de l’aiguille sont montrés par des flèches sur la photo de gauche. La bride est sectionnée par le tranchant de l’aiguille suite à des mouvements de scie imprimés à la seringue. La rupture de la bride est complétée par une extension énergique du 5e doigt qui permet de récupérer une extension quasi complète de l’articulation MP (à droite).   Formes cliniques Les formes cliniques12 sont importantes à préciser pour conduire au mieux le traitement. > Les formes nodulaires pures n’entraînent pas de rétraction des doigts. Elles peuvent rester quiescentes ou évoluer vers une forme avec corde aponévrotique. Les nodules, généralement indolores, siègent à la paume de la main et rarement à la face palmaire de la première phalange. > Les formes avec bride aponévrotique sont plus ou moins adhérentes à la peau et entraînent une flexion irréductible des doigts (figure 1). > Les formes interdigitales empêchent l’écartement des doigts et sont caractérisées par une atteinte du ligament palmant. > Les formes digitales isolées sont rares. Elles entraînent une flexion de l’interphalangienne proximale (IPP) et parfois de l’interphalangienne distale (IPD). Le quatrième ou le cinquième rayon sont habituellement les plus touchés. Les brides du pouce et interdigitales pouce-index, ainsi que les formes touchant tous les rayons, sont plus invalidantes.   Figures 6 et 7.– Résultat immédiat de l’aponévrotomie percutanée à l’aiguille chez une patiente de 56 ans. A gauche, vue de la main de face avant le traitement. A droite, vue de la main de face après le traitement. Un pansement sec, tenu en place par une bande adhésive élastique est gardé trois jours pendant lesquels la patiente doit éviter de le salir ou de le mouiller.   La classification de Tubiana21 est actuellement la plus utilisée pour mesurer l’importance de la rétraction globale des doigts. Pour les doigts longs, on distingue cinq stades : – Stade 0 : atteinte nodulaire sans perte de l’extension ; – Stade I : flexum global entre 0° et 45° ; – Stade II : flexum global entre 45° et 90° , – Stade III : flexum global entre 90° et 135° ; – Stade IV : flexum global de plus de 135° . On ajoute la lettre P pour l’atteinte palmaire, la lettre D pour l’atteinte digitale et les lettres P et D pour les deux. Pour le pouce, on mesure l’angle d’écartement. Pour coter une main, il faut additionner le score de chaque doigt. En outre, il est préférable de compléter cette classification par une mesure de l’angle de flexion de chaque articulation, la flexion de l’IPP posant plus de problèmes thérapeutiques. « Le test de la table » (figure 2) permet de guider le choix thérapeutique. Il consiste à essayer de décoller les doigts de la main posée paume sur la table à l’aide de la main opposée. Ce test est positif, dès qu’il y a une perte de l’extension physiologique. Si ce test est négatif, il ne faut traiter que les rares nodules douloureux ou prurigineux par l’application d’un dermocorticoïde ou par infiltration d’acétate de prednisolone.     Figure 8.– Résultat immédiat de l’aponévrotomie. Vue de profil chez la même patiente. Affections associées La Maladie de Dupuytren peut être parfois associée à la maladie de La Peyronie, à la maladie de Ledderhose et/ou aux coussinets des phalanges. Le dépôt de plaques fibreuses sur le dos de la verge, dans le cas de la maladie de La Peyronie, provoque une déviation douloureuse du pénis lors de l’érection. Le fascia plantaire fait l’objet d’une fibromatose plantaire, similaire à celle, observée dans l’aponévrose palmaire. La rétraction des orteils en flexion survient très rarement7, mais des nodules peuvent apparaître dans le fascia. Les coussinets des phalanges se présentent sous la forme d’un épaississement nodulaire à la face dorsale des IPP. Cette affection peut être douloureuse, mais n’entraîne aucune rétraction et peut se résorber spontanément. Évolution naturelle L’évolution de la maladie de Dupuytren est imprévisible. Elle est discontinue et se fait par poussées successives, qui aggravent progressivement les déficits. Tous les intermédiaires peuvent se voir entre une maladie qui ne se traduira définitivement que par une simple induration de la paume, et une maladie rapidement évolutive qui conduira en quelques mois ou années à une flexion quasi complète des doigts atteints dans la paume. Traitement de la maladie de Dupuytren La chirurgie était, jusqu’au début des années 80, le seul traitement de la maladie de Dupuytren. Elle consiste à rétablir l’extension des doigts atteints. L’intervention n’est donc justifiée que lorsqu’il existe un déficit d’extension d’un (ou des) doigt(s). Plusieurs techniques chirurgicales sont disponibles. La fasciectomie régionale est le type le plus couramment pratiqué. Elle consiste en une exérèse totale de l’aponévrose pathologique de la paume et des doigts. La fasciectomie radicale est réservée aux patients souffrant d’une maladie extensive. La dermo-fasciectomie est proposée aux malades souffrant d’une diathèse agressive et d’une atteinte de la peau. Le fascia atteint et la peau sus-jacente sont excisés et une greffe de peau d’épaisseur totale est réalisée. La chirurgie reste un traitement invasif. Elle nécessite habituellement un arrêt de travail et une rééducation de longue durée. La maladie de Dupuytren a vu ces dernières années sa prise en charge bouleversée par l’émergence de l’aponévrotomie percutanée à l’aiguille. Cette technique a été proposée il y a une plus de vingt ans par les rhumatologues de l’hôpital Lariboisière (Paris) sous l’impulsion du Dr J.-L. Lermusiaux. Elle s’est progressivement imposée comme traitement de première intention des stades I à IV de cette maladie, aussi bien pour les formes palmaires que digito-palmaires. L’aponévrotomie percutanée à l’aiguille est actuellement la seule alternative à la chirurgie, les traitements médicamenteux étant utilisés depuis plusieurs années sans preuve d’efficacité. Cependant, il y a toujours une place pour la chirurgie, notamment pour le traitement des formes multirécidivantes ou des formes sévères étendues du Dupuytren ainsi qu’en cas d’échec de l’aponévrotomie. Définition et description de l’aponévrotomie à l’aiguille L’aponévrotomie à l’aiguille12 est un traitement ambulatoire pratiqué sous anesthésie locale au cabinet du praticien avec les conditions d’asepsie identiques à celles de l’infiltration ou des ponctions (figure 3). La pratique de cette technique nécessite une bonne expérience. Elle consiste à réaliser une ou plusieurs sections percutanées des cordes aponévrotiques à l’aide du biseau de l’aiguille (16-5/10e) utilisée pour l’injection de l’anesthésique local. La section est obtenue par des mouvements de scie imprimés à la seringue. Le tranchant de l’aiguille coupe et perfore transversalement la corde dont la rupture est complétée si nécessaire par une extension énergique du doigt (figures 4 et 5). Un pansement sec, tenu en place par une bande adhésive élastique (figure 7) est gardé trois jours pendant lesquels le patient doit éviter de le salir ou de le mouiller. Dès la fin de la séance, qui dure une quinzaine de minutes, le patient peut se servir de sa main pour les actes de la vie courante, mais ne doit pas faire d’efforts intenses pendant une dizaine de jours. Ce traitement ne nécessite ni rééducation, ni soins infirmiers. Les arrêts de travail sont rares. Les fasciotomies se font toujours de palmaire proximal en distal, jusqu’à la 1ère ou la 2e phalange si nécessaire. Quel que soit le stade de la maladie, la récupération de l’extension de l’articulation métacarpo-phalangienne (MP) est pratiquement toujours obtenue (figures 6 à 10), ce qui est plus incertain pour l’IPP dans les stades III et IV (>90°). Dans ces derniers cas, le port nocturne d’une orthèse d’extension est nécessaire pour réduire la rétraction capsulaire. La très grande majorité des patients sont traités en moins de trois séances.     Figures 9 et 10.– Résultat de l’aponévrotomie percutanée à l’aiguille chez un patient de 48 ans ayant une maladie de Dupuytren touchant le 5e rayon avec un stade II de Tubiana. Vue de profil de la main droite avant (gauche) et après (droite) le traitement. Résultats de l’aponévrotomie à l’aiguille Une étude portant sur 123 mains, publiée en 19931 montre que les résultats immédiats sont tout à fait comparables à ceux de la chirurgie. Le taux de récidives à cinq ans est élevé (environ 50 %) mais très proche des résultats chirurgicaux, tout en gardant la possibilité de retraiter les patients dès que la flexion du doigt dépasse 30°. Le jeune âge de début, l’hérédité, le diabète, la prise d’alcool ou de phénobarbital sont des facteurs aggravants et favorisent les récidives12. Seules les greffes cutanées, qui sont des interventions lourdes, diminuent le taux de récidives. Une autre étude publiée en 19972, portant sur 992 mains (799 patients) confirme les pourcentages de bons résultats immédiats (93 % pour le stade I, 78 % pour le stade II, 71 % pour le stade III et 57 % pour le stade IV), ce qui incite à traiter rapidement les patients avant une flexion trop avancée. Ces résultats ont été également retrouvés dans une étude publiée en 1995 par des chirurgiens de la main. Complications de l’aponévrotomie à l’aiguille Les accidents de cette technique sont très rares. Depuis plus de 30 ans que cette technique est utilisée, seulement cinq ruptures de tendons sur plus de 60 000 aponévrotomies ont été recensés (soit environ 1 pour 2 000 mains traitées). La section d’un nerf collatéral est aussi rare que la rupture tendineuse. De même, aucune algodystrophie globale n’a été observée, seulement deux algodystrophies focales d’évolution bénigne ont été notées. Les incidents liés à l’aponévrotomie à l’aiguille sont donc mineurs : récidives précoces, fissures et déchirures cutanées (2 %), dysesthésies transitoires (0,8 %), et plus rarement encore douleur traînante, infections superficielles bénignes, malaises vagaux, réactions inflammatoires et hématome12. En revanche, les séries chirurgicales font état d’accidents sérieux : sections nerveuses (5,2 %), nécroses profondes (2,1 %), sections artérielles (1,8 %) et algodystrophies (1,8 %). Pour la pratique, on retiendra >  La maladie de Dupuytren atteint 2 % des hommes de plus de 40 ans avec un sex-ratio homme/femme de 8 à 9 sur 10. >  La chirurgie a été progressivement supplantée par l’aponévrotomie à l’aiguille pour traitement de première intention des stades I à IV de la maladie. >  Les résultats immédiats de l’aponévrotomie à l’aiguille et le taux de récidive sont comparables à ceux de la chirurgie. >  La pratique de la technique nécessite une bonne expérience, mais une fois maîtrisée, ses complications sont très rares.

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