Publié le 09 fév 2011Lecture 6 min
À propos d’une onycho-ostéodysplasie
M.A. DENDANE, A. AMRANI, H. GOURINDA, Service d’orthopédie pédiatrique, Hôpital d’enfants, Rabat, Maroc
L’onycho-ostéodysplasie héréditaire ou syndrome Nail-Patella est un trouble autosomique dominant rare chez l’enfant, associant dysplasie des ongles, dysplasie osseuse et atteinte rénale. À travers une observation clinique et une revue de la littérature, les auteurs discutent le diagnostic de la maladie et la nécessité d’une prise en charge précoce de la néphropathie.
Le syndrome Nail-Patella ou onycho-ostéodysplasie héréditaire devrait être reconnu dès la petite enfance par le dermatologue, notamment grâce aux lésions des ongles. La néphropathie, inconstante, est recherchée systématiquement par le pédiatre. Les lésions des genoux et des coudes seront traitées par l’orthopédiste pédiatre en fonction de leur sévérité. Nous rapportons un cas inhabituel de ce syndrome, caractérisé par l’atteinte diffuse des doigts et des orteils. Observation Nissrine, âgée de 7 ans, consulte pour un trouble de la marche évoluant depuis 18 mois, mais également pour une gêne esthétique constatée depuis la naissance au niveau des doigts et des orteils. Le père présente des lésions similaires au niveau des mains. À l’examen clinique, on note, des deux côtés, un déficit de l’extension complète des genoux, avec des rotules haut situées et instables (figure 1), une discrète limitation de la prono-supination des avant-bras. Il existe des lésions diffuses de tous les ongles des doigts et des orteils sous forme d’une paronychie, des ongles cassants et concaves, des orteils boudinés et une clinodactylie du 3e orteil (figures 2 et 3). Le reste de l’examen clinique est normal. Des radiographies des genoux, des mains et des pieds sont réalisées (figures 4, 5 et 6). Figure 1. Subluxation haute de la rotule. Trois questions se posent : - quelle entité regroupe ces lésions cutanées et osseuses ? - Existe-t-il des lésions asymptomatiques associées ? - Que proposer à la patiente ? Discussion Figure 2. Ongles cassants et concaves avec paronychie. La radiographie du genou fléchi à 30° de profil confirme la situation haute de la rotule. Celle-ci est de petite taille et refoule les parties molles adjacentes. On devine l’aspect étiré du tendon rotulien (figure 5). Il s’agit d’une subluxation de la rotule puisque cet os garde des rapports assez proches avec les condyles fémoraux. L’absence de notion de traumatisme élimine cette étiologie. La normalité de l’examen neurologique et le développement psychomoteur normal de l’enfant éliminent toute neuropathie centrale ou périphérique. La présence d’un syndrome cutané congénital associé et le caractère bilatéral et symétrique des lésions plaident en faveur du syndrome d’onycho-ostéodysplasie héréditaire. Les radiographies des mains et des pieds montrent la dysplasie phalangienne associée représentée par l’élargissement exagéré des têtes des phalanges distales des doigts (figure 6) et l’aspect en delta de la phalange distale des gros orteils (figure 7). La recherche des localisations rénale et oculaire a été négative. La dysplasie rotulienne entraînait une gêne fonctionnelle et une attitude vicieuse des genoux, un traitement chirurgical a donc été instauré et a consisté en un abaissement rotulien associé à un allongement du tendon quadricipital et une plicature du tendon rotulien. L’onycho-ostéodysplasie héréditaire ou le syndrome Nail-Patella est un trouble autosomique dominant rare à expression variable, dû à des mutations du gène LMX 1B localisé sur le chromosome 9. Ce gène est un facteur de transcription de l’homéodomaine LIM (1). L’incidence de la maladie est estimée à 4,1/million (2) et l’anomalie a été décrite dans toutes les populations. Actuellement, le diagnostic prénatal est possible. Son intérêt est la recherche de l’atteinte rénale parfois associée et sa prise en charge précoce (3). Sur la plan du diagnostic, l’existence de deux des quatre signes suivants est suffisante pour reconnaître la maladie : dysplasie unguéale, dysplasie des coudes, hypoplasie ou aplasie des rotules et présence d’exostoses iliaques (4). Figure 3. Atteinte des ongles des orteils associée à une clinodactylie du 3e orteil. Cette expression variable du syndrome suggère une anomalie primaire du tissu conjonctif (5). L’atteinte cutanée domine le syndrome. Présente 9 fois sur 10, l’anomalie des ongles est constatée dès la naissance et atteint de façon symétrique le pouce et l’index, alors que les autres doigts et les orteils sont rarement touchés. Typiquement, on retrouve l’absence totale de l’ongle du pouce ou son hypoplasie associée à celle de l’index ainsi que la présence de lunules triangulaires (4). L’atteinte généralisée à tous les doigts et orteils, comme chez notre patiente, est exceptionnelle (6). Figure 4. Radiographie du genou de profil confirmant la situation haute d’une rotule hypoplasique. La dysplasie rotulienne varie de l’hypoplasie modérée à l’absence totale de la rotule. Le retentissement fonctionnel est souvent faible. Parfois, l’anomalie cause troubles de la marche, attitude vicieuse du genou, subluxation et instabilité de la rotule. Cela s’explique par un contexte dysplasique locorégional représenté par une hypoplasie du tendon rotulien, notée chez notre patiente en per-opératoire, et des lésions inconstantes telles une incongruence fémoropatellaire, une atrophie des condyles fémoraux et des anomalies méniscales (7). La dysplasie du coude est bilatérale et se voit dans 50 % des cas. Elle est causée par une hypoplasie des surfaces articulaires du coude et aboutit souvent à une subluxation postérieure de la tête radiale et une instabilité du coude. Le résultat clinique est une limitation de la pronosupination (8). La présence d’exostose de l’aile iliaque (30 à 70 % des cas) est un signe radiologique pathognomonique du syndrome Nail-Patella. Les excroissances naissent de la crête iliaque, sont parfois palpables, mais le plus souvent asymptomatiques (2). De nombreuses anomalités osseuses ont également été décrites (scoliose, pied bot, clinodactylie) (4). La dysplasie du squelette phalangien sous forme notamment de la phalange delta, observée chez notre patiente, est exceptionnelle (9). L’atteinte rénale détermine le pronostic de la maladie. Chez l’enfant, la reconnaissance précoce du syndrome est importante afin d’assurer la surveillance de la fonction rénale, une néphropathie grave pouvant se développer au décours de l’affection. Figure 5. Radiographie de la main, noter l’élargissement de la tête des phalanges distales. Il s’agit d’une glomérulonéphrite dont les symptômes, observés chez la moitié des patients environ, sont une protéinurie et une hématurie intermittente(10). L’atteinte rénale peut se déclarer in utero, et le tiers des patients évoluent vers l’insuffisance rénale terminale, souvent à l’âge adulte (10,11). Les lésions rénales correspondent en immunohistochimie à une localisation mésangiocapillaire irrégulière du collagène de type III et une distribution anormale du collagène de type IV (12). L’atteinte rénale évolue de façon très variable, ce qui suppose que des facteurs non génétiques peuvent être responsables de l’altération de la fonction rénale chez certains patients. Ainsi, une néphropathie surajoutée, telle une glomérulonéphrite extramembraneuse, une néphropathie à IgA ou une vascularite nécrosante ont été décrites chez des patients atteints de la maladie (12). Enfin, l’atteinte oculaire, inconstante, réalise une hyperpigmentation de la pupille en marge de l’iris. L’association du syndrome avec un glaucome à angle ouvert ou une microcornée a été rapportée (13). Figure 6. Radiographie des deux pieds ; noter l’aspect de phalange delta de la phalange distale du gros orteil.
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