Publié le 30 nov 2008Lecture 9 min
Psoriasis du cuir chevelu : un traitement à part ?
D. FARHI Service de Dermatologie, Hôpital Tarnier-Cochin, Paris
Le scalp est le site anatomique le plus souvent atteint initialement et au cours de l’évolution du psoriasis. Selon les séries, 50 à 80 % des patients atteints de psoriasis rapportent une atteinte du scalp. Ainsi, la prévalence du psoriasis du scalp a été estimée à 1,5 à 2 % de la population du Nord-Ouest de l’Europe.
Diagnostic La présentation clinique du psoriasis est extrêmement variable par son intensité et par ses caractéristiques sémiologiques. Les formes minimes sont caractérisées par un érythème peu intense et des squames fines. Les formes les plus importantes peuvent se manifester par des squames épaisses et adhérentes recouvrant l’ensemble du scalp, l’impact socio-professionnel étant alors majeur. Le prurit, classiquement absent, a en fait été rapporté chez 40 % des patients par certains auteurs. La lésion élémentaire typique est une plaque érytémato-squameuse, avec des squames blanchâtres ou argentées, parfois ovoïdes et bien limitées, parfois plus diffuses. L’atteinte peut être entièrement limitée au cuir chevelu ou bien déborder sur le visage et les zones rétro-auriculaire ou occipitale non pileuses. Les formes atypiques, en fait fréquentes, avec lésions mal limitées et squames fines, peuvent être difficiles à distinguer d’une dermite séborrhéique, faisant parfois employer les termes de « sébopsoriasis » ou de « séborrhiasis ». Dans ces formes « frontières », l’examen de l’ensemble du tégument permet souvent de redresser le diagnostic. Les diagnostics différentiels comprennent essentiellement la dermite séborrhéique, l’eczéma et les dermatophyties. Les diagnostics différentiels comprennent essentiellement la dermite séborrhéique, l’eczéma et les dermatophyties. Traitement Les traitements topiques du psoriasis du scalp comprennent essentiellement les dermocorticoïdes, les dérivés de la vitamine D3, les kératolytiques, les rétinoïdes, les dérivés du dioxyanthranol et les antifongiques. La photothérapie peut être proposée dans certaines formes résistantes, mais reste peu pratique dans cette indication. Le traitement se déroule généralement en deux périodes : phase d’attaque puis traitement d’entretien à la dose (ou fréquence d’application) minimale efficace. Le traitement d’entretien peut également reposer sur un second traitement moins puissant mais mieux toléré. Ainsi, on peut par exemple prescrire un traitement d’attaque par dermocorticoïde fort, relayé par un dérivé de la vitamine D3 en entretien. L’arrêt complet du traitement, s’il est tenté, doit être progressif. Traitements topiques La formulation est particulièrement déterminante pour l’efficacité, la tolérance et l’observance des traitements topiques du scalp. Les formulations les plus adaptées sont les shampooings, les lotions alcoolisées, les émulsions et les gels. Les traitements topiques ayant l’efficacité la mieux établie sont les dermocorticoïdes et les dérivés de la vitamine D3. ● Dermocorticoïdes Les dermocorticoïdes constituent le traitement topique de référence du psoriasis du scalp. Cependant, le rationnel est insuffisant pour recommander une hiérarchisation entre les formulations et les molécules disponibles. L’efficacité des dermocorticoïdes dans le psoriasis repose sur une inhibition de la prolifération épidermique et de l’inflammation cutanée. Cette efficacité est généralement rapide, permettant une nette réduction des lésions en 1 à 3 semaines, selon leur intensité initiale. Quels dermocorticoïdes ? Les prescriptions suivantes, à adapter selon l’intensité et l’étendue des plaques, sont proposées à titre indicatif : psoriasis du scalp intense : clobétasol propionate en gel capillaire (flacon de 20 ml), plutôt qu’en crème (tube de 10 g). La forme moussante du clobétasol propionate a fait la preuve de son efficacité et serait d’application plus confortable pour les patients ; psoriasis minime à modéré : bétaméthasone dipropionate lotion (flacon de 30 g), bétaméthasone 17-valérate lotion (flacon de 15 g) ou hydrocortisone 17-butyrate lotion (flacon de 30 g). La fréquence et la durée optimales ne sont pas établies et doivent être adaptées à l’efficacité et à la tolérance. Le schéma suivant peut servir de base de discussion, à adapter à chaque patient : 1 fois par jour, pendant 1 à 4 semaines (phase d’attaque), puis fréquences dégressives sur 3 semaines à 3 mois (phase d’entretien). Les données de la littérature sur l’efficacité et la tolérance à long terme (au-delà de 3 mois de traitement) des dermocorticoïdes dans le psoriasis du scalp sont très nettement insuffisantes. De nombreux auteurs recommandent l’usage des dermocorticoïdes en traitement d’attaque, suivi d’un relais par d’autres traitements topiques, tels que les dérivés de la vitamine D3. Les dermocorticoïdes en traitement d’attaque, suivi d’un relais par d’autres traitements topiques, tels que les dérivés de la vitamine D3, est l’attitude la plus souvent recommandée. ● Associations avec un dermocorticoïde Plusieurs combinaisons thérapeutiques incluant des dermocorticoïdes ont été évaluées dans le psoriasis. Dans un récent essai comparatif, l’adjonction d’un spray de pyrithione zinc à 0,25 % au gel de propionate de clobétasol à 0,05% n’a pas fait la preuve de sa supériorité par rapport au gel de propionate de clobétasol seul(1). À l’inverse, plusieurs études ont montré le bénéfice de l’association topique dermocorticoïdesdérivés de la vitamine D3. Cette association a pour objectifs : 1) d’améliorer l’efficacité du traitement, en combinant deux molécules aux mécanismes d’action différents et 2) d’améliorer la tolérance du traitement, d’une part, en diminuant les irritations fréquemment induites initialement par les dérivés de la vitamines D3, d’autre part, en diminuant la dose totale nécessaire de dermocorticoïdes. Une nouvelle formulation en gel de l’association calcipotriol 50 μg/ml + dipropionate de bétaméthasone 0,5 mg/g a récemment été comparée au dipropionate de bétaméthasone 0,5 mg/g seul dans le même véhicule (gel), une application par jour, dans le psoriasis du cuir chevelu(2). Il s’agissait d’un essai de phase 2, incluant 218 patients, pendant 8 semaines. La proportion de patients présentant un « succès thérapeutique » (défini comme « amélioration marquée », « presque blanchi » ou « blanchi ») était de 92,5 % sous gel combinant calcipotriol et bétaméthasone versus 82,6 % sous bétaméthasone seule (p = 0,04). Cette différence était significative dès la semaine 2 (p = 0,005). L’association de dermocorticoïdes et de dérivés de la vitamine D3 offre actuellement le meilleur rapport bénéfice/risque. ● Dérivés de la vitamine D3 Les dérivés de la vitamine D3 ont été progressivement mis à disponibilité dans le psoriasis depuis 1992 et comprennent le calcipotriol, le tacalcitol et le calcitriol. Leur effet est d’inhiber la prolifération épidermique, de favoriser une différenciation normale des kératinocytes et d’inhiber l’inflammation. À 8 semaines, environ deux tiers des patients traités par calcitriol lotion 2 fois/j présentent un blanchiment complet des lésions. L’efficacité et la tolérance du calcipotriol ont également été démontrées à moyen terme (12 mois). Les principaux événements indésirables pouvant survenir sous dérivés de la vitamine D3 sont l’irritation (érythème, sensation de brûlure), essentiellement en début de traitement. Kératolytiques (acide salicylique, urée) Utilisés le plus souvent à des concentrations allant de 5 à 10 %, ils sont un complément utile aux dermocorticoïdes topiques en traitement d’attaque chez les patients ayant des plaques épaisses. Ils favorisent l’affinement de l’épiderme et permettent une meilleure pénétration des dermocorticoïdes. Leur association avec les dérivés de la vitamine D3 doit être évitée. Rétinoïdes Le gel de tazarotène a fait la preuve de son efficacité dans le psoriasis en plaques. Il est moins puissant que les dermocorticoïdes et les dérivés de la vitamine D3, mais peut être proposé en traitement d’entretien. Dioxy-anthranol L’efficacité du dioxy-anthranol est liée à l’induction de la production de radicaux libres. Cependant, il colore le tégument normal en brun ou noir, et il est difficile à éliminer des cheveux. Il est donc rarement utilisé sur le cuir chevelu ou éventuellement en 3e ligne. Antifongiques La fréquente présence d’espèces fongiques dans les plaques de psoriasis, ainsi que le potentiel effet anti-inflammatoire propre aux azolés a conduit à utiliser les antifongiques dans le psoriasis. Les champignons les plus souvent associés au psoriasis sont du genre Malassezia, dont M. globosa représenterait plus de 50 % des espèces. Cependant, le niveau de preuve de l’efficacité des antifongiques dans le psoriasis est faible. Goudrons Les goudrons ont longtemps été utilisés dans le psoriasis sous forme de pommade, de gel ou de shampooing. Ils sont relativement efficaces mais devenus désuets du fait de leur cosmétique déplaisante, de leur forte odeur et de leur pouvoir mutagène. Photothérapie La photothérapie (PUVA ou UVB à spectre étroit) a largement fait la preuve de son efficacité dans le psoriasis en plaques, notamment dans les formes résistantes au traitement topique. Leur utilisation pour les plaques du cuir chevelu reste cependant moins aisée que pour la peau glabre. Une étude incluant 44 patients atteints de psoriasis du cuir chevelu n’a pas montré de différence significative à 3 semaines entre la photothérapie UVB et une solution à base de valérate de bétaméthasone(3). Globalement, là encore, le niveau de preuve est faible et des essais contrôlés randomisés en double aveugle de bonne qualité manquent. Points forts Le cuir chevelu est une localisation fréquente et affichante du psoriasis, pouvant considérablement altérer la qualité de vie des patients. La compliance est essentielle dans la prise en charge du psoriasis du cuir chevelu. Le temps d’application et l’aspect cosmétique constituent fréquemment les motifs majeurs de l’échec d’un traitement dans cette localisation. Une récente étude évaluait les principales doléances des patients atteints de psoriasis du cuir chevelu. Parmi 1 023 patients inclus, les facteurs les plus importants du choix d’un traitement était l’efficacité (34 %), la tolérance (21 %), la facilité d’application (17 %) et la texture non grasse (13 %)(4). L’arsenal thérapeutique s’est progressivement étoffé au cours de la dernière décennie, mais le niveau de preuve reste faible concernant l’efficacité des traitements de seconde ligne (rétinoïdes topiques, dioxyanthranol, antifongique, photothérapie) et de leur place optimal dans la stratégie thérapeutique. Actuellement, le meilleur rapport bénéfice/risque semble être obtenu avec l’association (simultanée ou séquentielle) de dermocorticoïdes et de dérivés de la vitamine D3.
Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.
pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.
Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :
Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :