Publié le 07 avr 2008Lecture 5 min
Psoriasis et rhumatisme psoriasique : une même maladie ?
M. BAGOT, Service de dermatologie, Hôpital Henri Mondor, Créteil
Le rhumatisme psoriasique (RP) est identifié depuis de nombreuses années, mais sa fréquence semble avoir été jusqu’à présent sous-estimée. Un des problèmes majeurs du RP est qu’il n’existe pas actuellement de consensus sur les critères diagnostiques et sur les critères de classification de cette pathologie rhumatologique.
Le RP avait été initialement défini selon les critères de Moll et Wright (1) comme un psoriasis associé à une arthrite inflammatoire, y compris rachidienne, habituellement séronégative pour le facteur rhumatoïde. Cette définition avait secondairement conduit à la distinction de cinq sous-types de RP : – les atteintes prédominantes des interphalangiennes distales ; – les arthrites mutilantes ; – les polyarthrites séronégatives symétriques ; – les mono- ou oligoarthrites asymétriques ; – et les atteintes axiales. Les critères de Moll et Wright ne font pas l’unanimité, mais sont les plus utilisés. Plus récemment, de nouveaux critères ont été proposés par différents auteurs. C’est ainsi que les rhumatologues distinguent les critères proposés par Bennett (2), les critères de Gladman (3), les critères de Vasey et Spinosa (4), les critères de l’European Spondylarthropathy Study Group (ESSG)(5), les critères de McGonagle(6) et les critères de Fournie (7). Il a été montré qu’il existe une grande hétérogénéité dans le diagnostic de RP en pratique rhumatologique (8). Les critères de Moll et Wright ne font pas l’unanimité, mais sont les plus utilisés. Une entité mal définie L’une des nouveautés apparaissant dans ces nouveaux critères diagnostiques est que l’existence de signes cutanés peut être facultative, remplacée par des antécédents de psoriasis ou une histoire familiale de psoriasis. L’autre nouveauté est l’importance devenue majeure de l’atteinte des enthèses évaluée cliniquement et radiologiquement (tableau 1). Tableau 1. Critères diagnostiques du rhumatisme psoriasique (RP). Critères de Mc Gonagle Psoriasis ou histoire familiale de psoriasis et au moins un des éléments suivants : – Enthésopathie clinique inflammatoire – Enthésite radiographique – Atteinte des interphalangiennes distales – Sacroiléite ou inflammation rachidienne – Arthropathie atypique (SAPHO, spondylodiscite, arthrite mutilante, onycho- pachydermo-périostite, ostéomyélitechronique multifocale récurrente) – Dactylite – Monoarthrite – Oligoarthrite Critères de Fournié : au moins 11 points pour le diagnostic de rhumatisme psoriasique. – Psoriasis précédant ou concomitant des symptômes articulaires: 6 – Histoire familiale de psoriasis ou psoriasis apparaissant après l’atteinte articulaire : 3 – Arthrite d’une interphalangienne distale : 3 – Mono- ou oligo-arthrite asymétrique : 1 – Fessalgie, talalgie, douleur spontanée de la cage thoracique antérieure ou douleur enthésopathique diffuse : 2 – Critères radiographiques : érosion d’une interphalangienne distale, ostéolyse, ankylose, périostite juxta-articulaire, résorption phalangienne en cupule: 5 – HLA-B16 (38, 39) ou B17 : 6 – Facteur rhumatoïde négatif : 4 Le psoriasis au sens dermatologique et le RP sont-ils une seule maladie ou des entités associées ? Il n’existe pas actuellement de consensus sur ce point, même si la deuxième hypothèse est actuellement favorisée. De même, la place du RP au sein des spondylarthropathies reste à définir précisément. Enfin, le RP est-il une entité unique ou doit-on en individualiser différents sous-types ? En effet, on peut clairement distinguer des formes axiales, des formes périphériques et des formes enthésopathiques. La fréquence de l’antigène HLA B27 est de 50 à 70 % dans les formes centrales, alors qu’elle n’est que de 10 à 20 % dans les formes périphériques. La stratégie diagnostique et la prise en charge thérapeutique des formes périphériques est proche de celle de la polyarthrite rhumatoïde, alors que celle des formes axiales est à rapprocher de celle des formes axiales de spondylarthropathies. La fréquence de l’antigène HLA B27 est de 50 à 70 % dans les formes centrales et de 10 à 20 % dans les formes périphériques. Critères CASPAR Cette variabilité dans la définition du RP rend la réalisation de protocoles de recherche clinique et thérapeutique difficile, en raison de la possible hétérogénéité des malades inclus. Les incertitudes actuelles sur la nosologie et la classification du RP ont justifié la réalisation d’une étude internationale prospective faite par le groupe CASPAR (Classification criteria for psoriatic arthritis) et dont les résultats viennent d’être publiés (9). Ce groupe propose de nouveaux critères de classification du RP (tableau 2). Tableau 2. Critères CASPAR (Classification criteria for psoriatic arthritis). Rhumatisme inflammatoire (axial, périphérique ou enthésopathique) avec au moins 3 points, parmi les 5 items suivants : 1. Psoriasis, histoire personnelle ou familiale de psoriasis : – psoriasis cutané diagnostiqué par un rhumatologue ou un dermatologue – histoire personnelle de psoriasis aux dires du patient lui-même, de son médecin traitant, d’un dermatologue, d’un rhumatologue ou d’un autre professionnel de santé – histoire familiale de psoriasis rapportée par le patient chez un apparenté du premier ou deuxième degré 2pts 1 pt 1 pt 2. Onychopathie psoriasique avec onycholyse, ponctuations unguéales et hyperkératose 1 pt 3. Facteur rhumatoïde négatif (de préférence par ELISA ou néphélométrie) 1 pt 4. Dactylite (gonflement d’un doigt) ou histoire de dactylite rapportée par un rhumatologue 1 pt 5. Présence de néo-ossifications juxta-articulaires (excluant les ostéophytes) sur les radiographies des mains ou des pieds 1 pt Ces critères sont d’utilisation facile, ils ont une spécificité de 98,7 % et une sensibilité de 91,4 %. À titre de comparaison, les critères de Mc Gonagle ont sur la même série de patients une spécificité de 91 % et une sensibilité de 98 %. Il est important de souligner que les critères CASPAR ont été établis dans des services de rhumatologie, sur des malades ayant une pathologie évoluant depuis plusieurs années, et qu’ils ont pour but la classification de malades pour les études de recherche clinique. Dans cet objectif, il est préférable de privilégier la spécificité à la sensibilité. Le dermatologue prenant en charge des malades psoriasiques a, au contraire, besoin de critères diagnostiques utiles à l’échelle individuelle, permettant de faire le diagnostic de lésions au stade précoce, pour lesquels la sensibilité doit être privilégiée.
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