Publié le 31 mar 2008Lecture 6 min
Teigne bénigne ou agressive : à propos de deux cas
G.HICKMAN, E.MAHE, Hôpital Ambroise Paré, Boulogne Billancourt
Observation 1 Fatou, 6 ans, consulte 2 semaines après son retour du Mali, pour l’apparition de petites plaques du cuir chevelu, centimétriques, grises, au sein desquelles émergent des cheveux fragiles, souvent cassés à leur base (figure 1). Figure 1. Petites plaques alopéciques multiples coalescentes avec cheveux coupés courts. Teigne à Trichophyton soudanese. L’examen sous la lumière de Wood est négatif (pas de fluorescence sous la lampe à UV). L’examen microscopique d’un cheveu cassé montre des spores strictement intrapilaires. Leur culture permet d’identifier un Trichophyton soudanense. L’enquête familiale retrou- vait deux autres cas : une grande sœur (multiples petites plaques alopéciques) et la maman (état squameux en plaques sans alopécie), confirmés par le prélèvement mycologique. Observation 2 Elias, 8 ans, consulte avec son frère jumeau, car leur mère a remarqué chez chacun « un grand trou sans cheveu » depuis qu’ils sont revenus des vacances, à la campagne chez leurs grands-parents. Lors de l’examen clinique, on observe chez chacun des enfants une plaque érythémato-squameuse de 4 à 6 cm, au sein de laquelle tous les cheveux sont cassés à quelques millimètres de leur émergence (figure 2). Figure 2. Grande plaque alopécique isolée avec cheveux coupés courts. Teigne à Microsporum canis. Cette plaque émet une fluorescence verte sous la lampe de Wood. L’examen microscopique réalisé à Elias et son frère montre un cheveu infiltré de quelques fila- ments et entouré de spores. La culture identifie un Microsporum canis. Diagnostic retenu L’apparition de plaques alopéciques circonscrites, non cicatricielles, avec persistance de cheveux coupés ras dans un contexte épidémique (voyage au Mali et alopécie identique chez un frère), faisaient suspecter le diagnostic de teigne. L’examen mycologique confirmait le diagnostic de teigne trichophytique à T. soudanense dans le premier cas et de teigne microsporique à M. canis dans le second cas. Tous les enfants atteints et la maman du premier cas étaient traités par un traitement antifongique systémique, la griséofulvine 20 à 25 mg/kg, associé à un antifongique local imidazolé en lotion (kétoconazole) pendant 12 semaines. Dans les 2 cas, la guérison clinique et mycologique était rapidement constatée. Commentaire Les teignes du cuir chevelu sont des infections à dermatophytes. Elles se transmettent surtout entre enfants d’âge scolaire, parfois par petites épidémies. Selon le champignon en cause, elles peuvent avoir une origine humaine (transmission anthropophile) ou animale (transmission zoophile). Qu’elles soient microsporiques ou trychophytiques, les teignes se manifestent par des plaques alopéciques acquises, circonscrites du cuir chevelu. Formes classiques Diagnostic mycologique. L’origine trychophytique est suspectée cliniquement devant la multiplicité de petites plaques, centimétriques, de couleur grise, au sein desquelles persistent des cheveux fragiles, cassés, mais également quelques cheveux sains (observation 1). On suspecte une teigne microsporique devant une plus grande plaque le plus souvent unique, érythémato-squameuse, au sein de laquelle tous les cheveux sont cassés à quelques millimètres de leur émergence (observation 2). La fluorescence verte sous lampe de Wood oriente plus encore vers l’origine microsporique. Mais c’est l’examen direct au microscope et l’identifi-cation à la culture qui apportent la certitude diagnostique, indispensable à l’initiation d’un traitement. L’identification d’un Microsporum canis doit faire rechercher chez le sujet et dans son entourage une dermatophytose circinée de la peau glabre. Traitement. L’association d’un traitement local quotidien par imidazolé et général par griséofulvine (20 à 25 mg/kg/j) ou kétoconazole (8 mg/kg/j), 6 à 12 semaines selon l’évolution, permet une guérison sans séquelle, notamment alopécique. Pour la griséofulvine, la numération formule sanguine sera contrôlée en cas de traitement supérieur à 2 mois. En cas d’utilisation du kétoconazole, le bilan hépatique sera contrôlé avant traitement, au bout de 15 jours, puis mensuellement jusqu’à la fin du traitement. Prévention des récidives. Le dépistage et le traitement en cas d’infection de tous les membres de la famille ou du foyer, y compris les parents, ainsi que celui des animaux domestiques ou de la ferme (dermatophyte antropophile) permet d’éviter une nouvelle contamination. Certains auteurs proposent le traitement systématique des casquettes, bonnets et cagoules avec un antifongique en poudre. L’éviction scolaire était recommandée jusqu’à guérison, attestée par la négativation des prélèvements mycologiques. Si elle peut se discuter en cas de teigne anthropophile, elle n’est pas logique en cas de forme zoophile. Elle doit en pratique être discutée au cas par cas. Formes rares À côté de ces formes classiques, deux formes plus rares sont décrites. La teigne suppurée ou kérion, de présentation plus inflammatoire avec pertuis de pus, au niveau d’une plaque souvent isolée, occipitale. L’état général peut être altéré avec fièvre, céphalées, arthromyalgie. L’agent responsable, zoophile, est en général T. mentagrophytes. Il faut absolument reconnaître cette dermatophytie, qui se traite par antifongique, afin d’éviter des mises à plat chirurgicales inutiles et délétères d’un point de vue cicatriciel. Le favus, dû à T. schönleini, touche l’enfant venant d’Afrique du Nord. Il se présente sous forme de petites cupules centimétriques du cuir chevelu, jaune souffre, parfois confluentes, au sein desquelles les cheveux se cassent à quelques centimètres de leur émergence. L’évolution chronique aboutit à une alopécie cicatricielle. Diagnostics différentiels Un enfant se présentant avec des plaques acquises d’alopécie doit faire discuter deux autres diagnostics. La pelade est une maladie auto-immune au cours de la-quelle certains antigènes du folli-cule pilaire sont la cible d’une agression lymphocytaire. Elle peut se présenter chez l’enfant par des plaques alopéciques de taille variable. Il n’existe pas de cheveux coupés courts et le cuir chevelu, non cicatriciel, n’est pas squameux. Les prélèvements mycologiques, réalisés en cas de doute diagnostique, sont négatifs. La pseudo-teigne amiantacée est une entité clinique aux étiologies multiples (psoriasis, dermite séborrhéique, dermo-épidermite streptococcique). Elle touche l’enfant d’âge scolaire et peut se présenter sous forme de plaques, constituées de squames épaisses, agglutinant et collant les cheveux au cuir chevelu. C’est le grattage et l’arrachement de ces plaques qui peut donner l’aspect de teigne tondante. L’examen à la lampe de Wood et la négativité des prélèvements mycologiques redressent le diagnostic.
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