Publié le 04 mai 2011Lecture 3 min
Une lésion pigmentée vulvaire inquiétante
Une femme de 52 ans, diabétique, est adressée pour une lésion pigmentée vulvaire inquiétante de 10 mm environ asymptomatique de découverte fortuite lors d’un contrôle gynécologique (figure 1).
L’ interrogatoire est difficile. La patiente à des antécédents de polype opéré. Son père est décédé à 65 ans d’un cancer du côlon. Son fils et une de ses filles (!) auraient des lésions hyperpigmentées sur la muqueuse génitale. L’examen clinique révèle en outre l’existence de multiples lentigines vulvaires et quelques lentigines buccales associées (figure 2), ainsi que des pigmentations en bandes longitudinales des ongles (figure 3). L’exérèse chirurgicale de la lésion vulvaire est pratiquée et l’examen histologique met en évidence un revêtement malpighien papillomateux, orthokératosique, avec hyperpigmentation de l’assise basale et discrète hyperplasie mélanocytaire, sans critères de malignité. L’exérèse est complète. Figure 1. Lésion pigmentée suspecte ; muqueuse vulvaire. Figure 2. Pigmentations de la muqueuse buccale. Figure 3. Pigmentations unguéales. Quel est votre diagnostic ? Hypothèses diagnostiques Les diagnostics à évoquer sont un mélanome vulvaire, une mélanose et une lentiginose vulvaire. • Le mélanome vulvaire est très rare, de diagnostic tardif. Il a un très mauvais pronostic du fait de sa localisation et de sa diffusion métastatique rapide. Les mélanomes acrolentigineux, qui sont l’apanage de cette localisation seraient plus précoces, avec une phase de développement horizontale lente. Ils doivent être distingués dans leur forme de début d’une mélanose vulvaire. Sur le plan histologique, on observe une hyperplasie mélanocytaire avec atypies cytonucléaires de répartition irrégulière et avec formation de thèques jonctionnelles. • La mélanose vulvaire correspond au plan histologique à des dépôts de mélanine dans les kératinocytes de la basale de l’épithélium. L’évolution est bénigne. On rapproche de ce type de pigmentation le syndrome de Laugier- Hunzicker, qui associe des lésions pigmentées buccales, génitales et unguéales d’apparition tardive mais avec parfois histologiquement une discrète prolifération mélanocytaire de la basale. • La lentiginose vulvaire, cliniquement indiscernable d’une mélanose, se caractérise histologiquement par une prolifération cellulaire sans thèque ni atypie, mais avec un risque de transformation en mélanome lentigineux. L’association à diverses anomalies viscérales a permis l’individualisation de plusieurs syndromes (Peutz-Jegher, Leopard, LAMB). Dans notre cas, on peut évoquer un syndrome de Peutz-Jegher. Commentaire Le syndrome de Peutz-Jegher se transmet sur le mode autosomique dominant. C’est une affection rare qui associe une polypose digestive et une lentiginose périorificielle. Les lentigines brunes de quelques millimètres apparaissent au plus tard dans les premières années de vie et s’estompent avec l’âge dans la région péribuccale, au contraire de celles de la maladie de Laugier qui sont de révélation tardive. La polypose, quand elle est symptomatique, peut donner un syndrome occlusif ou hémorragique. Le potentiel de dégénérescence de ces hamartomes peut atteindre 15 %. D’autres cancers extradigestifs peuvent être associés. Un des gènes responsables est localisé sur le bras court du chromosome 19p et code la sérine thréonine kinase STK11. Ce gène pourrait agir comme un gène de susceptibilité au cancer. Surveillance/ évolution Un avis oncogénétique a été proposé à la patiente et à sa famille. Un prélèvement sanguin avec recherche de la mutation STK11 est en attente. Une fibro-coloscopie tous les 2 ans associée à une surveillance clinique annuelle en particulier cutanéo-muqueuse est conseillée, le devenir des lentigines muqueuses restant mal connu.
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