Publié le 13 sep 2022Lecture 4 min
Cancers cutanés : les dernières données épidémiologiques
Hélène JOUBERT, Paris - 18e congrès de l’EADO, Séville, 21-23 avril 2022
Si le nombre de nouveaux cas de cancers cutanés ne cesse de croître depuis les années 1940, la prévention est payante, et les prévisions tablent sur un recul possible de l’incidence du mélanome… mais à long terme en Europe ! Épidémiologie, facteurs de risque ou prophylaxie médicamenteuse, la session Epidemiology and prevention of skin cancer d’avril dernier a permis de faire le point(1).
Les connaissances sur l’épidémiologie des cancers cutanés ont fait un grand pas avec la publication en 2021 d’une étude d’envergure (États-Unis, Danemark, Nouvelle- Zélande, Allemagne, Angleterre)(2). Selon son auteur principal, le Pr Claus Garbe (université Eberhard-Karls, Tübingen, Allemagne), tous les pays ont accusé une augmentation de l’incidence des cancers cutanés (mélanome, et carcinome épidermoïde principalement) depuis 1940, mais surtout au cours des dernières décennies. Au Danemark, entre 1943 et 2016, l’incidence du mélanome ajustée sur l’âge (/100 000 personnes par année [p.a]) a bondi de 1,1 à 46,5 chez les hommes et de 1 à 48,5 chez les femmes ; elle est estimée à 60 chez les hommes et 73,1 chez les femmes d’ici à 2036. Quant à la mortalité par mélanome (1951-2016), celle-ci a progressé de 1,4 à 6,7 % p.a (hommes) et de 1,2 à 3,7 p.a (femmes).
En Nouvelle-Zélande, entre 1948 et 2016, l’incidence du mélanome ajustée sur l’âge s’est elle aussi envolée de 2,7 à 81 (hommes) et de 3,8 à 54,7 (femmes). De légères baisses sont estimées d’ici à 2036 pour les deux sexes. La mortalité par mélanome a, elle, été multipliée par six chez les hommes néo-zélandais entre 1950 et 2016 ; des augmentations plus faibles ont été observées chez les femmes.
Aux États-Unis, l’incidence chez les personnes de type caucasien devrait atteindre 56,1 et 36,2 chez les hommes et les femmes en 2036. La mortalité par mélanome a également augmenté entre 1970 et 2017 chez les hommes, mais est restée stable chez les femmes. Des tendances similaires sont observées pour le carcinome épidermoïde.
Sans surprise, ces chiffres illustrent le rôle délétère, dans l’enfance, de l’exposition aux ultraviolets (UV) liée au mode de vie, d’où une élévation du nombre de cancers chez les personnes de plus de 65 ans. Néanmoins, « rien n’est irréversible », rassure le Pr Claus Garbe. « En Océanie, où les incidences sont bien supérieures à celles constatées en Europe et aux États-Unis, les politiques de prévention commencent à porter leurs fruits : les taux d’incidence régressent depuis 2010. Par ailleurs, d’après les projections, la courbe d’incidence du mélanome devrait se stabiliser et même décroître à partir de 2030 aux États-Unis et 2050 en Europe. »
Les UV, responsables de 95 % des cancers cutanés
Les facteurs de risque de cancers cutanés sont soit extrinsèques soit intrinsèques. Les études récentes confirment que, quelle que soit la région du monde, les UV sont responsables de 95 % des cancers cutanés ; l’exposition intense (coups de soleil) expose plutôt au risque de carcinome baso-cellulaire alors qu’une exposition cumulative importante, à celui de carcinome spino-cellulaire (épidermoïde). À ce titre, « l’usage de crème de protection solaire ne doit pas encourager à augmenter la durée d’exposition solaire », rappelle le Pr Marit Veierød (université d’Oslo, Norvège).
Parmi les autres facteurs extrinsèques avérés, on retrouve les photosensibilisants comme l’antifongique triazolé voriconazole, mais aussi les diurétiques thiazidiques « alors que le rôle de la metformine et celui de l’hormonothérapie œstrogénique n’ont en revanche pas été confirmés, indique le Pr Véronique del Marmol (Université libre de Bruxelles, Belgique). Le diabète serait un facteur de risque alors que les statines semblent plutôt jouer un rôle protecteur. Côté alimentation, la caféine et les oméga 3 seraient protecteurs, à l’inverse de l’alcool et de la consommation d’agrumes ». Cependant, « occulter les facteurs de risque intrinsèques serait une erreur », rappelle la spécialiste. « À l’instar de la peau claire, des cheveux roux, des yeux bleus (pour les cancers hors mélanome) ainsi que de la mutation du récepteur MC1R, d’ailleurs corrélée au phénotype "peau claire". »
La prévention médicamenteuse des cancers cutanés
Chez les personnes greffées, groupe à risque de cancers cutanés du fait de l’immunodépression, le changement de traitement immunosuppresseur est efficace pour réduire le risque de cancer, expose le Pr Ana-Maria Forsea (université de médecine et de pharmacie Carol-Davila, Bucarest, Roumanie). « En remplaçant par exemple les inhibiteurs de calcineurine (ciclosporine, tacrolimus) par les inhibiteurs mTOR (évérolimus, sirolimus). Dans cette population particulière, il a aussi été démontré que l’utilisation de rétinoïdes comme l’analogue aromatique de synthèse de l’acide rétinoïque acitrétine(3) ou de nicotinamide diminuait l’incidence des cancers cutanés(5). » Des résultats similaires ont été rapportés dans un autre groupe de patients à risque, ceux ayant un antécédent de cancer cutané(5) : les anti-inflammatoires non stéroïdiens (mais pas l’aspirine) réduisent le risque de deuxième cancer chez ces patients. Dans une étude randomisée, l’application d’une pom made de 5-fluoro-uracile durant 2 à 4 semaines par an s’est avérée efficace pour réduire le risque de carcinome épidermoïde (spino-cellulaire) nécessitant une prise en charge chirurgicale chez les patients à risque(6). Enfin, des données très préliminaires suggèrent un effet favorable du vaccin quadrivalent contre le papillomavirus(7), le virus étant suspecté induire ou favoriser le carcinome épidermoïde chez les personnes immunodéprimées. Une hypothèse à confirmer.
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