Publié le 08 juin 2023Lecture 3 min
Acanthosis nigricans
Carla HAJJ, Emmanuel MAHÉ - Service de dermatologie et médecine vasculaire, Centre hospitalier Victor Dupouy, Argenteuil
Observation 1 - Un garçon de 8 ans est adressé en consultation pour avis sur des plaques pigmentées cervicales découvertes il y a plusieurs mois. Ces lésions ne disparaissent pas au nettoyage au savon.
À l’examen, on note une pigmentation régulière légèrement papillomateuse cervicale (figure 1). On retrouve le même aspect au niveau axillaire (figure 2), bien que moins prononcé.
Figure 1. Pigmentation légèrement papillomateuse cervicale.
Figure 2. Même aspect, plus discret, axillaire bilatéral.
Observation 2 - Une adolescente de 14 ans sans antécédents médicaux connus est adressée pour avis sur des plaques papillomateuses, de teinte brunâtre et de texture veloutée évoluant depuis plusieurs semaines au niveau cervical (figure 3).
L’examen ne met aucune autre anomalie en évidence. Un test à la compresse humide n’élimine pas cette pigmentation.
Figure 3. Pigmentation papillomateuse, veloutée, cervicale antérieure.
Diagnostic
Le diagnostic retenu pour ces deux enfants est celui d’acanthosis nigricans.
Le diagnostic d’acanthosis nigricans est clinique. Il s’agit d’une dermatose caractérisée par des plaques papillomateuses, mal limitées, de texture veloutée, de teinte brunâtre avec prédominance d’atteinte des plis cervicaux, mais aussi des plis axillaires et inguinaux.
Il est important de distinguer un acanthosis nigricans d’étiologies bénignes ou malignes.
Il constitue un marqueur cutané d’éventuelles pathologies sous-jacentes. L’insuline stimule la synthèse d’ADN et la prolifération des kératinocytes en agissant sur les récepteurs à l’IGF-1 qui sont sensibles à l’hormone de croissance (GH). Ces dernières ayant une structure semblable à l’insuline, elles peuvent interagir avec les récepteurs à l’IGF-1 et déclencher l’épaississement épidermique en cas de résistance périphérique à l’insuline.
Six différents types d’acanthosis nigricans peuvent être distingués :
– héréditaire bénin (autosomique dominant sans endocrinopathie associée) ;
– bénin (insulinorésistance, obésité, syndrome d’hyperandrogénisme, résistance à l’insuline et acanthosis nigricans touchant les femmes) ;
– pseudo-acanthosis nigricans (sujets à peau pigmentée avec complication d’obésité) ;
– induit par les médicaments (acide fusidique et nicotinique, contraception œstroprogestative, stilboestrol et triazinate (antagoniste de l’acide folique) ;
– malin (pathologie maligne sous- jacente) ;
– nævoïde (rare, de topographie unilatérale et localisée sans maladie endocrinienne sous-jacente).
Diagnostic différentiel
Le principal diagnostic différentiel est la pigmentation post-inflammatoire, notamment de la dermatite atopique (figure 4). Le contexte, le prurit, l’association fréquente à ses lésions actives d’eczéma permettent de dresser le diagnostic. Il y a un aspect plus papuleux (lichénification) que papillomateux et velouté. Cette hyperpigmentation s’observe essentiellement sur des phototypes IV à VI. Le contrôle de la dermatose sous-jacente permet d’éviter l’aggravation.
L’autre diagnostic à éliminer est la dermatose « saponiprive » ou dermatose en « terre sèche », soit plus simplement la crasse par défaut d’hygiène (figure 5 et 6). L’aspect n’est pas papillomateux ni papuleux. Les lésions sont sèches, non systématisées, les localisations peuvent être plus atypiques (sternum, par exemple). Le simple nettoyage de la peau permet de redresser le diagnostic (compresse avec de l’eau ou avec une solution alcoolisée).
Figure 4. Pigmentation post-inflammatoire d’une dermatite atopique, cervicale et axillaire.
Noter l’aspect plus papuleux et sec que papillomateux.
Figure 5. Dermatose « en terre sèche » cervicale. Disparition des lésions au nettoyage.
Figure 6. Dermatose « en terre sèche » sternale.
Prise en charge thérapeutique
La stratégie est liée à la prise en charge de la maladie sous-jacente. Le traitement d’une tumeur maligne ne permet pas toujours de faire disparaître l’acanthosis nigricans. Parfois, la chimiothérapie peut améliorer l’hyperplasie épidermique dans les acanthosis nigricans paranéoplasiques. Le contrôle d’une endocrinopathie sous-jacente permet son amélioration. Dans les cas d’acanthosis nigricans lié à une insulino-résistance périphérique, la réduction de la surcharge pondérale (exercice physique et régime hypocalorique) peut le réduire. L’hyperkératose peut être réduite par l’application de rétinoïdes locaux, vaseline salicylée ou calcipotriol, de rétinoïdes systémiques en cas de résistance.
L’application de kétoconazole ou d’antagonistes des opiacés dans des cas sévères d’étiologie maligne a été également notée. L’utilisation de laser erbium enfin peut aussi être envisagée.
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