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Laser et autres techniques

Publié le 25 oct 2023Lecture 6 min

Le détatouage au laser : un geste expert adapté au profil patient

Martin DEHOUCK, Jordan GENDRE, Ray studios, centre de détatouage, Paris

Des progrès récents ont été réalisés dans la pratique du détatouage grâce aux techniques de laser. Nous rapportons dans cet article des données sur la pratique du détatouage dans un centre spécialisé. Le détatouage au laser est un geste expert qui doit être adapté au profil patient. Les grandes lignes de traitements et de bonne pratiques sont données ici.

La pratique du tatouage sur la peau humaine remonte à des milliers d’années. Forme de communication non verbale, le tatouage était utilisé dès Homo sapiens pour montrer son appartenance, affirmer sa puissance, ou comme un ornement sacré. Ötzi, « l’homme des glaces » découvert dans les Dolomites en 1991, mort il y a environ 3 200 ans(1) était tatoué. Son tatouage était probablement destiné à signer son rôle dans sa tribu. Aujourd’hui on assiste à un engouement du tatouage, toujours dans le sens d’une communication non verbale, d’une affirmation de soi. On estime actuellement à 472 millions le nombre de personnes tatouées dans le monde, dont beaucoup se sont fait tatouer assez récemment (après 1990). Cette demande devrait encore s’accroître(2) de même que son corollaire, le détatouage. Lui aussi est en forte augmentation depuis quelques décennies, car le caractère « définitif » du tatouage pose le problème du regret, du changement de vie ou de l’appartenance sociale(3), de l’évolution du goût et de l’esthétique. Ce détatouage consistait autrefois en une abrasion de la peau, pour effacer la marque que l’on ne veut plus. Les premières techniques de détatouage visaient ainsi uniquement à éroder la peau tatouée par abrasion chimique, par différentes sources de chaleur voire par excision chirurgicale de la zone de peau tatouée(4). Bien entendu, ces pratiques entraînent de nombreux effets secondaires cutanés de type cicatrices hypertrophiques, dyschromies, parfois plus gênantes pour les patients que le tatouage d’origine. Des progrès récents ont été réalisés grâce aux techniques de laser qui permettent d’obtenir des résultats satisfaisants lorsque les opérateurs ont l’expertise de cet acte délicat(5-7) et que toutes les précautions sont prises(8-10). À partir des années 1980 et grâce au développement des lasers, on s’est intéressé à cibler les pigments des tatouages à l’aide de lasers émettant des pulses de durée très courte et permettant une photothermolyse respectueuse des tissus environnants des pigments ciblés. Ce sont tout d’abord des lasers Q-switched qui permettent de cibler les pigments avec des longueurs d’onde à ajuster selon la couleur des pigments(6-11). EXEMPLE DE DÉROULEMENT DE CONSULTATION EN CENTRE DE DÉTATOUAGE   Première consultation Lors de la première consultation, dite de « consultation préalable », de nombreux éléments sont vérifiés : l’âge supérieur à 18 ans, les motivations, les différentes couleurs de pigments utilisés, l’origine pro ou artisanale, le phototype, la présence de nævi, de lésions sous-jacentes sur la zone tatouée, la surface cutanée totale, la topographie cutanée et la date de réalisation du tatouage. On vérifie les contre-indications (grossesse, allaitement, diabète). On aborde le risque cicatriciel en vérifiant les antécédents de cicatrices hypertrophiques et de chéloïdes. Ensuite, il est expliqué au patient la méthode envisagée, le nombre prévisible de séances, la durée prévisible de traitement. Un devis est établi ainsi qu’une fiche de consentement éclairé à expliquer et à faire signer au patient. L’accord pour une prise de photos de la zone tatouée avant et après chaque séance de traitement et l'utilisation ultérieure anonyme de leur données et photos est obtenue également par écrit.   Consultants L’âge moyen des patients à ce jour est de 30 ans, dont 38 % entre 20 et 29 ans et 41 % entre 30 et 39 ans. Plus de 70 % des patients sont de sexe féminin. On observe que 6 % des patients de cette étude sont de phototype I, 18 % sont de phototype II, 34 % de phototype III, soit environ 60 % de peau claire et 40 % de peau sombre, ce qui nécessite des précautions particulières quant au risque de séquelles pigmentaires post-traitement. Il est à noter que 33 % des patients tatoués vus en centre sont fumeurs, ce qui pose la question de la qualité de la cicatrisation.   Zones cutanées concernées Les zones cutanées concernées sont : – le visage (20,5 %), essentiellement représenté par les tatouages des sourcils ; – les membres supérieurs (42 %) ; – les membres inférieurs (10,5 %) ; – le thorax, l’abdomen, le bassin et le périnée (25 % au total). Dans notre expérience, les tatouages de sourcils représentent 14 % des demandes de détatouage. Origine des tatouages Pour ce qui concerne l’origine des tatouages, il s’agit le plus souvent, de tatouages réalisés par des tatoueurs professionnels (74,2 %), et par des esthéticiennes (12,8 %). Il est rassurant de constater que moins de 14 % sont des tatouages amateurs. Si 76 % des tatouages ont été faits sur le territoire français, l’origine en dehors de la France est très variée (figure 1). Figure 1. Répartition de l’origine des tatouages.   Types de tatouages Le nombre de tatouages par personne, leur taille et leurs couleurs sont représentés dans les figures 2,3,4. La plupart des tatouages sont de couleur noire (77 %), seulement 17 % sont polychromes (figure 2). Figure 2. Nombre de tatouages par personne. Figure 3. Taille de tatouage et Figure 4. Couleur de tatouage.   Motivations au détatouage La majeure partie des patients (78 %) n’a jamais eu de détatouage. On peut noter que pour 19,5 % des patients, une procédure de détatouage avait déjà été entreprise sur le même tatouage, dont 5,4 % par des lasers non médicaux et 30 % des topiques de type acide lactique ou autres. Les motivations du détatouage concernent en grande majorité des raisons esthétiques. On note cependant que le changement de vie, de statut professionnel ou de confession sont aussi un motif de demande de détatouage.   Protocole thérapeutique proposé Les grandes étapes des protocoles de détatouage au laser s’organisent selon différents gestes. • Évaluation clinique (à jour 1) Un médecin expert évalue le tatouage pour déterminer la faisabilité du détatouage. Il tient compte de facteurs tels que la couleur de l’encre, la profondeur du tatouage, la taille, l’emplacement sur le corps et le type de peau. • Préparation de la peau Avant la séance de détatouage, la peau est nettoyée et dégraissée pour éliminer les produits topiques, les huiles ou les lotions. • Protection des yeux Le patient et le praticien portent des lunettes de protection spéciales pour protéger des rayonnements laser. • Anesthésie On pratique une anesthésie locale par lidocaïne en crème appliquée 2 heures avant la séance de laser. Pour minimiser encore plus l’inconfort pendant le traitement, on peut l’associer à une cryothérapie. • Séance de détatouage On utilise un laser picoseconde dont les impulsions ciblent sélectivement les pigments d’encre du tatouage. Les impulsions laser entraînent une réaction photo-acoustique qui fragmente les particules d’encre sans phénomène thermique. • Soins post-traitement laser Après la séance de dé tatouage, un pansement et une crème grasse sont appliqués pour protéger la zone traitée. Le détatouage au laser nécessite souvent plusieurs séances pour obtenir les meilleurs résultats. Ces séances seront espacées de 2 mois pour permettre au corps d’éliminer les particules d’encre fractionnées via les macrophages. Quelques exemples de détatouage en cours de traitement sont représentés dans les figures 5 à 10. Tous ces traitements ont été effectués avec un laser picoseconde de marque PicoWay (Candela Medical, laser approuvé par la Food and Drug Administration et disposant du marquage CE médical). Figure 5. Photo avant et après une séance de laser. Figure 6. Photo initiale (A), après 2 séances (B) et après 4 séances (C) de laser. Figure 7. Avant et après 7 séances de laser. Sur la photo initiale, on note la vasoconstriction induite par la crème anesthésique. Figure 8. Avant et après 6 séances de laser. Figure 9. Avant et après 7 séances de laser. Figure 10. Photo avant séance (A), post-séance immédiate (B) et après 2 séances (C) de laser.   CONCLUSION   Le traitement laser de détatouage est un geste expert qui doit tenir compte de multiples paramètres propres au patient, à la localisation, à la couleur de la peau et au type de tatouage : sa taille, le nombre de couleurs, la profondeur des pigments, l’origine artisanale ou professionnelle. Grâce aux techniques laser et aux procédures de pratiques optimisées, on peut espérer aujourd’hui une disparition des tatouages avec un risque minimal de cicatrices. La multitude de longueurs d’onde proposées par le laser et les différents types de pièces à main permettent d’obtenir des résultats très satisfaisants même sur des tatouages multicolores. Ce plateau technique permet aussi des détatouages sur les peaux mates et foncées. Les freins au passage à l’acte pour le détatouage sont le nombre de séances et le coût inhérent à ces multiples séances. En effet, si se faire tatouer peut-être réalisé rapidement et à un coût modéré, se faire détatouer est un processus long qui requiert une bonne compréhension entre le patient et son médecin pour obtenir un résultat satisfaisant.

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