Cas cliniques
Publié le 03 jan 2016Lecture 4 min
Le henné : d’un tatouage symbolique à une vraie dermatose
B. GUERROUJ, F.Z. LAMCHAHAB, B. HASSAM, L. BENZEKRI, CHU Ibn Sina, Rabat, Maroc
Le tatouage au henné est très anciennement utilisé à des fins rituelles et sociales (par exemple, lors des mariages). Actuellement, il est très utilisé par les jeunes et les touristes occidentaux comme tatouage éphémère. Depuis, de nombreuses réactions allergiques ont été décrites, non directement liées au henné pur mais surtout à l’adjonction d’autres colorants tels que la paraphénylènediamine. Nous rapportons l’observation d’une patiente de 13 ans qui a présenté une dermite irritative associée à un eczéma aéroporté suite à l’application d’un tatouage au henné.
Observation Une fillette de 13 ans, sans antécédents particuliers, a présenté 48 heures après l’application d’un tatouage au henné noir, une éruption papulo-vésiculeuse prurigineuse reproduisant le dessin, avec l’apparition des plaques maculo-papuleuses intéressant les deux joues et le menton, surmontées de quelques vésiculeuses suintantes avec, à la palpation, un aspect granité. La patiente ne rapportait pas l’application d’un produit cosmétique ou autre au niveau du visage et signalait l’application des tatouages au henné pur avant cet épisode (figure). Le diagnostic retenu a été un eczéma de contact au henné associé à un eczéma aéroporté ; l’évolution a été favorable sous dermocorticoïdes de classe II pendant 3 semaines avec une dégression progressive. Les patch-tests n’ont pas été réalisés. Discussion Le henné ou Lawsonia inermis est un arbrisseau de la famille des lythracées. Les feuilles sont broyées et mélangées avec de l’eau, et la pâte ainsi obtenue doit sécher pendant 6 à 12 heures dans une atmosphère chaude et humide. La croûte enlevée, un tatouage orangé persiste 2 à 3 semaines. De nombreux produits naturels tels que le thé, le café, le citron, l’eau de rose ainsi que des produits industriels, comme la paraphénylènediamine (PPD) sont utilisés en adjonction au henné. Malgré une utilisation du henné pendant des décennies comme teinture capillaire, colorant des mains et des pieds et à des fins thérapeutiques, de rares réactions allergiques ont été décrites à type de dermite de contact et de réaction d’hypersensibilité immédiate, principalement liées à la substance active, le lawsone. Cette pratique ancienne très bien tolérée est devenue soudainement responsable d’un grand nombre de dermites de contact, et ceci est dû aux différents produits mélangés au henné pour accélérer le séchage, noircir la teinte et prolonger la fixation du tatouage, le plus incriminé étant la PPD. La PPD, encore appelé « henné noir » (black henna tattoo) est un puissant sensibilisant du groupe des paraaminobenzènes, essentiellement utilisé dans les teintures capillaires, les colorants textiles, les procédés de photographie. C’est un monomère qui va polymériser en dimère, en trimère puis en polymère fortement coloré. Il est responsable de nombreuses réactions allergiques, parfois graves ; la plus fréquente est la dermatite de contact qui se caractérise le plus souvent par une éruption cutanée papulo-vésiculeuse, prurigineuse, parfois douloureuse et invalidante, strictement localisée au site du tatouage. Divers aspects cliniques de sévérité variable ont été également rapportés : érythème, papules, vésicules, pustules, bulles. Dans de rares cas, l’éruption peut s’étendre au-delà du tatouage et se généraliser et, très rarement, des signes généraux, voire une mise en jeu du pronostic vital ont été rapportés à côté de l’asthme et du choc anaphylactique. Le délai de survenue de la réaction est de 7 à 15 jours lors d’un premier contact et se réduit à 48 heures quand le sujet a déjà eu un contact préalable avec la PPD ; l’éruption peut persister plusieurs semaines, même sous traitement. Le traitement repose sur des antihistaminiques associés à la corticothérapie locale parfois générale, ce qui n’évitera pas, dans certains cas, la survenue des cicatrices hypertrophiques ou des troubles pigmentaires. Étant donné la fréquence de ces réactions allergiques, il est impératif de réaliser un test allergique en tatouant un point du mélange sur la face antérieure du poignet 48 h avant la pose du tatouage ; le test positif impose la réalisation des patch-tests cutanés afin d’imputer avec certitude le produit allergisant, ainsi que la recherche d’un antécédent d’exposition professionnelle à la PPD, à des teintures capillaires, la réalisation antérieure d’un tatouage au henné ou l’application sur la peau d’un allergène croisé. Ainsi, une meilleure législation sur la pratique du tatouage temporaire et le contrôle des préparations sont indispensables ainsi qu’une information régulière annuelle du grand public. Conclusion L’utilisation de plus en plus fréquente des tatouages labiles expose à un risque important de sensibilisation vis-à-vis de la PPD et de réactions croisées avec d’autres dérivés amines aromatiques. Il importe d’informer, surtout les jeunes, sur les graves risques d’un tatouage labile.
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