Publié le 31 jan 2016Lecture 4 min
La dysplasie ectodermique anhidrotique : une cause rare d’hyperthermie majeure du nourrisson
Z. DOUHI, S. GALLOUJ, M. MEZIANE, FZ. MERNISSI, CHU Hassan II de Fès, Maroc
La dysplasie ectodermique anhidrotique est une génodermatose héréditaire, rare, le plus souvent récessive liée au chromosome X. Elle associe une atteinte des phanères, de l’épiderme et des glandes du derme, en particulier les glandes sudoripares. C’est une cause rare d’hyperthermie majeure du nourrisson. Elle est responsable d’un préjudice esthétique, fonctionnel et même vital. Nous rapportons le cas d’un nourrisson présentant une dysplasie ectodermique anhidrotique révélée par des épisodes répétitifs de fièvre prolongée.
La dysplasie ectodermique anhidrotique (appelée aussi dysplasie ectodermique hypohidrotique ou syndrome de Christ-Siemens-Touraine) fait partie du groupe hétérogène des dysplasies ectodermiques qui sont des maladies génétiques. Elles sont liées à des anomalies du développement de l’ectoderme. Son incidence est de 1/100 000 naissances avec une nette prédominance masculine(1). Observation Il s’agissait d’un nourrisson âgé de 1 an et 8 mois, enfant unique, issu d’un mariage consanguin au premier degré, né par césarienne suite à une dystocie mécanique avec une bonne adaptation à la vie extra-utérine. • Les antécédents familiaux : sept personnes de la fratrie du père sont décédées en période néonatale (2 tantes et 5 oncles) après un syndrome fébrile inexpliqué. Le début de la symptomatologie remontait au 2e jour de vie avec l’apparition d’une fièvre prolongée cédant de façon transitoire aux antipyrétiques et aux moyens physiques. L’évolution a été marquée par la récurrence des épisodes fébriles résistant aux traitements antipyrétiques et sans explication infectieuse : clinique, biologique ou immunologique. Par ailleurs, la maman a constaté une anhidrose en période estivale et une desquamation généralisée plus accentuée au visage et aux membres inférieurs. L’examen clinique a montré un nourrisson agité, assoiffé, fébrile à 39 °C, sans dysmorphie, de phototype II selon la classification de Fitzpatrick : les yeux étaient clairs, les cheveux blonds et fins avec une sécheresse cutanée diffuse, des squames pytiriasiformes au niveau du tronc et une accentuation des stries palmoplantaires (figures 1 et 2). Le reste de l’examen somatique trouvait une ectopie testiculaire droite. Figure 1. Cheveux fins et blonds. Figure 2. Accentuation des striations plantaires. Discussion La dysplasie ectodermique anhidrotique est une génodermatose rare(1) ; un seul cas a été colligé dans notre service sur une période de 5 ans. Deux types de transmission sont possibles : soit une transmission récessive liée au chromosome X, soit une transmission autosomique récessive liée au chromosome 1 ou 2. Il n’existe pas de différence phénotypique chez les malades selon les deux modes de transmission héréditaire(2). Le mode de transmission n’a pu être déterminé chez notre patient puisqu’il y a atteinte des deux sexes dans la famille. Elle se caractérise par une anhidrose, une hypodontie, une hypotrichose avec des cheveux fins, épars et blonds, des anomalies des dermatoglyphes et une dysmorphie crâniofaciale(2,3). Notre patient présentait trois anomalies des symptômes sus décrits. Le diagnostic peut être difficile au début ou pour les formes paucisymptomatiques et discrètes. L’analyse de l’arbre généalogique, confrontée à l’examen clinique et au test révélant le déficit de sécrétion sudorale, doit permettre d’établir le diagnostic, d’éclairer le mode de transmission, le statut du sujet atteint et la détection des porteurs sains de la tare(3). D’autres glandes peuvent être atteintes, notamment les glandes mammaires, les glandes salivaires et les glandes lacrymales. L’absence de larmes provoque des gênes à la lumière, des conjonctivites, voire des kératites. Si les complications sont fréquentes, il faut penser à surveiller la vision(3). La sécheresse des voies aériennes, par diminution, voire absence des glandes des muqueuses du pharynx, du larynx et des bronches, peut provoquer des infections pulmonaires, surtout chez l’enfant(1). La prise en charge est palliative pour éviter les complications, car l’absence de sudation entraîne un inconfort avec une intolérance à la chaleur qui provoque des hyperthermies incontrôlables en particulier en climat chaud, ce qui peut conduire au décès (30 % dans les pays chauds). Il est judicieux de recommander aux professionnels de santé de donner aux parents des conseils sur les moyens physiques de lutte contre l’hyperthermie chez l’enfant(4). • Le traitement consiste en un mode de vie favorable (éviter l’effort, les bains chauds, l’exposition à la chaleur ou au soleil, l’air conditionné est conseillé à domicile, sur le lieu de travail et éventuellement à l’école), mise en place de prothèse dentaire ou chirurgie réparatrice, l’hydratation cutanée et la prévention des infections(5). Conclusion La dysplasie ectodermique anhidrotique est une maladie rare. Elle est responsable d’un préjudice esthétique, fonctionnel, voire vital par l’hyperthermie majeure, d’où l’intérêt d’un diagnostic anténatal et du conseil génétique.
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