Publié le 27 mar 2020Lecture 5 min
Dermatite atopique : présent et futur des traitements immunomodulateurs ciblés
C. FABER, Paris
Deux ans après l’arrivée de la première biothérapie dans la dermatite atopique et la seule autorisée à ce jour, le dupilumab, de nombreuses thérapies ciblées de type biologiques ou petites molécules sont en développement. Au vu des résultats des essais de phases II et III disponibles, certaines molécules sont très prometteuses ou restent dans la course alors que pour d’autres, on peut vraisemblablement anticiper un arrêt du développement.
Pour mémoire, le dupilumab cible le récepteur alpha de l’interleukine-4 (IL-4) etinhibe les voies de signalisation de l’IL-4 et de l’IL-13, deux cytokines Th2 impliquées dans la physiopathologie de la dermatite atopique (DA). Ce biologique est indiqué dans la DA modérée à sévère de l’adulte nécessitant un traitement systémique, après échec, intolérance ou contre-indication à la ciclosporine. Il dispose également d’une AMM, mais pas encore de remboursement, chez l’adolescent à partir de l’âge de 12 ans.
Le gold standard actuel
Deux études d’extension au long cours ont montré que l’efficacité du dupilumab en association aux dermocorticoïdes (DC) se maintient au cours du temps. Il n’y a pas de différence significative entre la proportion de patients initialement répondeurs qui atteignent le score EASI (Eczema Area and Severity Index) -75 à 16 et à 52 semaines (respectivement 64 % et 69 %) ; même constat pour le score EASI-90 (40 % et 43 %)(1). L’amélioration à 52 semaines se maintient aussi à 76 semaines : 86,9 % et 88,4 % pour l’EASI-75 et 66,6 % et 68,7 % pour l’EASI-90(2). On dispose actuellement de deux études en vie réelle dans la population française. Celle menée par le GREAT (Groupe de Recherche sur l’Eczéma ATopique) sur 241 patients exposés au dupilumab pendant une année retrouve des résultats très encourageants.
Cependant, deux effets indésirables ont été plus fréquents que dans les essais thérapeutiques : les conjonctivites (38,2 %) et l’hyperéosinophilie (34 % dont 30 % > 1 500/mm3)(3). La deuxième étude rapporte des cas d’exacerbation ou d’apparition de novo de DA avec atteinte élective de la tête et du cou (head and neck dermatitis)(4) avec, peut-être, un rôle de la prolifération de Malassezia liée à l’activation de la voie Th17.
Les approches thérapeutiques en développement dans la DA comportent des molécules ciblant les interleukines 13, 31 et 22, les JAK (Janus Kinases), la TLSP (Thymic stromal lymphopoietin) ou la PDE4 (phosphodiestérase 4). Elles vont devoir se comparer au dupilumab, qui est le gold standard actuel en termes d’efficacité. Dans l’analyse des études, il faut souligner l’importance de l’effet placebo, qui est dû à la bonne application des DC.
Un enregistrement proche ?
Pour le tralokinumab, un anti-IL13, et le baricitinib, un anti-JAK, les études de phase III sont achevées et en cours de publication. Un essai de phase II chez 234 patients adultes ayant une DA modérée à sévère insuffisamment contrôlée sous DC, avait donné des résultats positifs du tralokinumab, notamment avec la dose de 300 mg, en association à un DC de classe III. Cet anti-IL-13 est significativement supérieur au placebo en termes d’amélioration des scores EASI-50 (73,5 % versus 51,9 % sous placebo) et EASI-75 (42,5 % versus 15,5 %) et du SCORAD (44,1 % versus 19,5 %) à 12 semaines, avec un profil de tolérance acceptable(5).
L’anti-JAK, qui est une petite molécule, a lui aussi fait l’objet d’un essai de phaseII concluant(n=124patients) dans lequel la proportion de patients atteignant un score EASI50 à 16 semaines était de 61 % dans le bras baricitinib à la dose la plus élevée (4 mg) versus 37 % sous placebo(6). Comme avec tous les anti-JAK, des effets indésirables de type modifications de l’hémogramme et augmentation du cholestérol et des CPK (créatine phosphokinase) ont été observés. On attend les résultats de phase III de ces deux molécules qui, s’ils sont positifs, permettraient d’envisager une arrivée sur le marché.
En cours de développement de phase III
Des études de phase III sont en cours avec le deuxième anti-IL-13 en développement dans la DA, le lebrikizumab, ainsi qu’avec le nemolizumab, un anti-IL-31. Ces deux molécules ont été testées avec succès dans des essais de phase II. Dans une étude qui a inclus 209 patients, ceux traités par lebrikizumab à la dose de 125 mg toutes les 4 semaines ont présenté une amélioration significative de l’EASI-50 à 12 semaines (82,5 % versus 62,3 % sous placebo)(7). En outre, la courbe des résultats montre que le plateau est loin d’être atteint. On pourrait donc probablement obtenir de meilleurs résultats avec cette dose. Quant au nemolizumab, un essai de phase II sur 216 patients avait donné de très bons résultats à 12 semaines en termes de prurit, mais pas de scores EASI et de SCORAD(8). Les trois doses testées (0,1 mg, 0,5 mg et 2 mg, SC toutes les 4 semaines) ont entraîné une diminution rapide et significative de ce symptôme.
En revanche, il n’y avait pas de différence majeure des scores inflammatoires entre les groupes traitement actif et placebo, et des effets indésirables de type œdèmes périphériques et exacerbations de la DA avaient été mis en exergue. Les deux études suivantes ont été plus favorables. Dans une étude de recherche de doses similaire à la précédente, outre une diminution extrêmementrapide etimportante du prurit jusqu’à 64 semaines, on a observé une amélioration du score EASI au cours du temps assez proche de celle obtenue avec le dupilumab(9). Les résultats d’une autre étude de phase II versus placebo avec trois doses fixes (10 mg, 30 mg et 90 mg) vont dans le même sens, avec une diminution du score EASI plus lente(10). Les deux effets indésirables signalés initialement n’ont pas été retrouvés. Un événement devra toutefois être suivi, à savoir le développement de crises d’asthme plus fréquent chez les patients traités par nemolizumab.
Un arrêt du développement ?
Du fait des résultats non concluants des essais de phase II, aucune étude de phase III n’est annoncée pour le fezakinumab, un anti-IL-22, le tezepelumab, un anti-TLSP, et l’aprémilast, une petite molécule anti-PDE4. Il n’y a pas eu de modification significative du SCORAD à 12 semaines chez les patients traités par fezakinumab versus placebo(11). Une étude ancillaire de cette étude a néanmoins montré qu’il est plus efficace chez les patients qui ont un taux tissulaire d’IL-22 de base plus élevé(12), ouvrant ainsi la voie à une médecine de précision.
Les résultats de phase II avec le tezepelumab, testé à une seule dose (280 mg SC toutes les 2 semaines) en association avec des DC de classe III, sont également décevants(13). L’objectif principal, l’EASI-50 à 12 semaines, n’est pas atteint. Avec le même critère de jugement primaire, l’aprémilast 30 mg x 2/jour par voie orale n’a pas fait mieux que le placebo à la dose de 30 mg x 2/jour par voie orale(14). La dose de 40 mg a donné des résultats significatifs, mais des cas de cellulite des membres inférieurs sont apparus en cours de traitement. Un comité de sécurité indépendant a donc fait arrêter ce bras.
Conclusion
Globalement, même s’il n’y a pas encore de comparaisons directes, on a l’impression que ces différentes molécules ont une efficacité inférieure à celle du dupilumab. On se pose la question de l’intérêt potentiel d’associations dans le futur au prix, peut-être, d’une augmentation du coût et des effets indésirables. En attendant, les DC, le méthotrexate et la ciclosporine gardent toute leur place dans la DA.
Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.
pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.
Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :
Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :