Publié le 30 juin 2020Lecture 3 min
Efficacité de l’aprémilast dans les aphtes buccaux de la maladie de Behçet : résultats d’un essai de phase III
François CHASSET, Service de dermatologie, hôpital Tenon, Paris
La maladie de Behçet est une vascularite systémique présentant classiquement une aphtose bipolaire, des lésions de pseudo-folliculites, des thromboses superficielles, une atteinte oculaire avec des uvéites antérieures et postérieures, des atteintes vasculaires et neurologiques.
Les aphtes ont un retentissement important dans cette maladie, ils entraînent des douleurs, des difficultés à s’alimenter et à boire et ont un retentissement important sur la qualité de vie. Le traitement des aphtes repose sur les traitements topiques, en particulier les corticoïdes (Solupred® effervescent en bain de bouche, bétaméthasone à sucer : Buccobet® 0,1 mg 4 à 6/j, propionate de clobétasol en pâte adhésive Orobase® 50 %/50 %), les antiseptiques, les antibiotiques (tétracyclines), les antalgiques, l’acide trichloracétique ou les pansements gastriques. En ce qui concerne les traitements par voie générale, la colchicine est recommandée en première intention. Trois essais contrôlés randomisés de relativement faible ampleur ont évalué son efficacité : une étude négative, une étude positive uniquement chez la femme et une étude positive dans les 2 sexes. L’aprémilast est un inhibiteur de la phosphodiestérase 4 qui prévient la dégradation de l’adénosine cyclique monophosphate et permet une diminution des cytokines proinflammatoire. Ce médicament a l’AMM dans le psoriasis et le rhumatisme psoriasique.
Dans un essai de phase II, l’aprémilast avait montré des résultats prometteurs dans le traitement des aphtes et l’activité de la maladie de Behçet.
Dans cette étude de phase III, des patients avec une maladie de Behçet active sans atteinte d’organe grave ont été randomisés 1 : 1 pour recevoir de l’aprémilast à la dose de 30 mg matin et soir versus un placebo pendant 12 semaines, suivi d’une phase d’extension de 52 semaines. Le critère de jugement principal était la différence d’aire sous la courbe (AUC) du nombre d’aphtes pendant les 12 premières semaines. Les critères de jugement secondaires incluaient le pourcentage de réponse complète, la diminution de l’EVA douleur, l’amélioration de la qualité de vie et la tolérance. Au total, 207 patients ont été randomisés, 104 dans le groupe aprémilast, 103 dans le groupe placebo. L’âge moyen était de 40 ans, avec une légère prédominance féminine (60 %). La moitié des patients avaient déjà eu de la colchicine sans efficacité et 15 % des corticoïdes par voie générale. L’AUC du nombre d’aphtes buccaux était de 129,5 pour le groupe aprémilast versus 222,1 pour le placebo (différence -92,6 [IC95 % : -130,6- -54,6 ; p < 0,0001]. Le pourcentage de réponse complète était de 30 % pour le groupe aprémilast versus 5 % dans le groupe placebo (différence 25 % [IC95 % 16-35]. L’amélioration de l’EVA douleur sur 100 était de 42,7 points dans le groupe aprémilast versus 18,7 dans le groupe placebo (différence -24,1 [IC95 % -32,4- -15,7]). L’amélioration de la qualité de vie était également significativement meilleure avec l’aprémilast qu’avec le placebo. En ce qui concerne les aphtes génitaux, l’amélioration était supérieure mais non significative, réponse complète 71 % pour l’aprémilast versus 41 % avec le placebo (différence 28% [IC95 % -4- -60]). La tolérance de l’aprémilast était globalement similaire à celle observée avec le psoriasis, avec des céphalées dans 10 % des cas et des troubles digestifs dans 10 à 20 % des cas.
Au total, cette étude de phase III confirme l’efficacité de l’aprémilast dans les aphtes de la maladie de Behçet, ce qui renforce l’arsenal thérapeutique dans cette atteinte parfois très invalidante où les dermatologues ont un rôle important. Dans le même numéro du journal, une lettre rapportait également l’efficacité de l’aprémilast dans l’aphtose classique dans une étude rétrospective de 5 patients suggérant son efficacité, mais des études comparatives sont nécessaires.
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