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Congrès

Publié le 01 juin 2021Lecture 6 min

Dermatoses bulleuses auto-immunes, du diagnostic au traitement

Denise CARO, Boulogne-Billancourt
Dermatoses bulleuses auto-immunes, du diagnostic au traitement

Les dermatoses bulleuses auto-immunes sont un modèle de maladies par auto-anticorps. Les anticorps se fixent sur des protéines d’adhésion, soit au niveau de la jonction dermo-épidermique concernant les pemphigoïdes, soit sur des protéines desmosomales pour les pemphigus. Les principaux auto-anticorps impliqués sont les AC anti-DSG dans le pemphigus, les AC anti-BP180 dans la pemphigoïde bulleuse et les AC anti-coll-7 dans l’épidermolyse bulleuse acquise. Le plus souvent, leur diagnostic est établi sur des éléments simples et en particulier sur les lésions cliniques. Mais il existe des formes atypiques non bulleuses plus délicates à repérer. Conduite à tenir face à ces cas difficiles.

Une pemphigoïde bulleuse peut prendre la forme d’un eczéma, d’un prurigo, d’une dyshidrose ou d’un érythème annulaire centrifuge. Une pemphigoïde de Brunsting-Perry peut être confondue avec un lupus chronique. Un pemphigus à IgA peut apparaître comme une pustulose intra-épidermique ou une dermatose neutrophilique intra-épidermique, tableaux cliniques que l’on ne pense pas à rattacher à un pemphigus. Un pemphigus sur une zone irradiée ressemble à un zona. Les lésions urticariennes d’un pemphigus herpétiforme n’évoquent pas un pemphigus classique. Enfin, les formes « Lyellisées » de dermatose à IgA linéaire sont différentes des formes classiques avec la présence de rosettes dans la région périgénitale. LE DIAGNOSTIC PAR IMMUNOFLUORESCENCE DIRECTE Face à ces formes atypiques, la clinique ne suffit pas à poser le diagnostic qui s’appuie principalement sur l’immunofluorescence directe dont il existe deux variantes : l’immunofluorescence sur peau clivée et la caractérisation de l’aspect « n » ou « u » serrated. Dans l’immuno-fluorescence sur peau clivée, le NaCl clive la jonction dermo-épidermique au niveau de la lamina. On peut ainsi distinguer les pemphigoïdes bulleuses, qui reconnaissent le toit du décollement, des épidermolyses bulleuses acquises, qui reconnaissent le plancher. En revanche, cet examen est peu performant pour le diagnostic de pemphigoïde cicatricielle. Dans la caractérisation de l’aspect « n » ou « u » serrated, l’aspect « n » (fluorescence épidermique) correspond aux pemphigoïdes, et l’aspect « u » (fluorescence dermique) indique que l’on a à faire à une épidermolyse bulleuse acquise(1). Au niveau sérologique, une immunofluorescence indirecte sur peau clivée et un test ELISA contre les antigènes BP180, BP230, collagène-7, envoplakine sont utiles non seulement pour le diagnostic mais aussi pour le suivi des patients (notamment pour décider quand arrêter un traitement). Malheureusement, ils sont onéreux (en dehors de l’hôpital) et non remboursés. L’immunoblot réalisé sur des extraits épidermiques ou dermiques a moins d'indications actuellement. UN ÉCART DE PERCEPTION ENTRE PATIENT ET MÉDECIN Malgré ces examens, le délai diagnostic des maladies bulleuses auto-immunes est long : cinq mois en moyenne pour un pemphigus, deux mois pour une pemphigoïde bulleuse et huit mois pour une pemphigoïde cicatricielle. L’errance diagnostique laisse place chez certains patients à un ressentiment durable vis-à-vis des médecins(2). En outre, l’annonce de la maladie est souvent vécue par le patient beaucoup plus douloureusement que le médecin ne le suppose. Cet écart de perception apparaît clairement lors des séances d’éducation thérapeutique. Au cours de la pemphigoïde bulleuse, les patients, qui sont âgés, sont effrayés par l’ampleur de l’éruption ; ils sont épuisés en raison du prurit et des troubles du sommeil. Au cours du pemphigus, les patients sont anxieux et ont du mal à faire la part entre les symptômes liés à la maladie et ceux liés au traitement. Dans la pemphigoïde des muqueuses, les patients sont déçus par le manque d’efficacité du traitement, la chronicité et le retentissement de leur maladie dans la vie quotidienne. Ils ont souvent de fausses croyances sur des aliments qu’ils imaginent allergisants. D’une façon générale, les patients se sentent isolés. Le ressenti, différent entre patient et médecin, persiste au-delà de l’annonce du diagnostic, notamment en ce qui concerne la sévérité de la dermatose au cours de son évolution. Nombreux sont les patients en rémission qui continuent d’estimer leur état comme sévère. Les scores de qualité de vie diminuent deux fois moins que les scores de sévérité objectifs. Cette divergence de points de vue perturbe la relation de confiance. D’une façon générale, les patients ont un sentiment d’incurabilité de la maladie et une incompréhension de ses causes. QUEL TRAITEMENT POUR LA PEMPHIGOÏDE BULLEUSE Le concept de safety first s’est progressivement imposé dans le traitement de la pemphigoïde bulleuse, qui touche prioritairement les personnes âgées et fragiles. La corticothérapie générale est de moins en moins utilisée, remplacée quand cela est possible par la corticothérapie locale mieux tolérée et responsable d’une moindre mortalité. Le méthotrexate est efficace mais a de nombreuses contre-indications chez le sujet âgé. À neuf mois, les patients recevant 12,5 mg/ semaine de méthotrexate ont un taux de rechute de 25 % vs 42 % avec les dermocorticoïdes(3). L’intérêt des tétracyclines associées aux dermocorticoïdes recueille des avis divergents. Les Britanniques les utilisent alors qu’ils sont peu employés en France. Selon une étude de 2017, 200 mg/j de doxycycline associés à 30 g/sem. de corticoïdes locaux sont aussi efficaces et mieux tolérés que 0,5 mg/kg/j de prednisone, avec 41 % de patients contrôlés à un an(4). Il est possible de proposer une biothérapie dans les formes sévères pour lesquelles les corticoïdes sont inefficaces, mal tolérés ou contre-indiqués. Le rituximab (anticorps anti-CD20) a été évalué dans une étude rétrospective avec des résultats encourageants qui devront être confirmés par une étude prospective(5). Une revue de la littérature qui comparait le rituximab à l’omalizumab (anticorps anti-IgE) a montré une tolérance similaire des deux traitements, mais une meilleure efficacité du rituximab avec un taux plus bas de rechutes et un temps de récurrence plus long(6). L’anticorps anti-IgE pourrait être intéressant dans les pemphigoïdes bulleuses urticariennes avec des taux d’IgE élevés. À noter que de nombreuses autres biothérapies sont en cours d’évaluation dans la pemphigoïde bulleuse ; par exemple, le dupilumab (anti-IL4), le benralizumab (anti-IL5-R) et le bertilimumab (anti-eotaxine). LE TRAITEMENT DU PEMPHIGUS La prise en charge thérapeutique du pemphigus s’est simplifiée ces dernières années et est devenue plus consensuelle. La supériorité du rituximab sur la corticothérapie générale est bien démontrée. Un traitement associant 2 g de rituximab à une corticothérapie courte (0,5 à 1 mg/kg/j de prednisone à dose décroissante sur 3 à 6 mois), permet 89 % de rémissions complètes à deux ans (vs 34 % avec la corticothérapie seule), avec trois fois moins de corticoïdes(7). Les modalités du traitement d’entretien avec le rituximab méritent d’être mieux définies. Le nombre de perfusions, l’intervalle entre celles-ci, la possibilité d’un traitement à la demande en fonction de l’évolution des biomarqueurs sont à évaluer et à comparer au traitement des rechutes. Une étude randomisée initiée par le groupe Bulle devra répondre à ces questions. D’autres biothérapies sont en développement. Parmi elles, le rilzabrutinib, un inhibiteur de la typrosine kinase de Bruton (BTK), a fait l’objet d’un essai ouvert de phase 2 chez des patients souffrant d’une forme légère de pemphigus. Ce travail a mis en évidence 52 % de maladies contrôlées à un mois, 22 % de rémissions complètes à trois mois et 30 % à cinq mois. LES CENTRES EXPERTS AU SERVICE DES DERMATOLOGUES La difficulté de prise en charge des maladies bulleuses auto-immunes tient à plusieurs facteurs : l’existence de formes atypiques qui retardent le diagnostic, l’âge avancé des patients atteints de pemphigoïde bulleuse, le manque d’efficacité thérapeutique dans certaines formes de maladies bulleuses comme la pemphigoïde muqueuse, l’arrivée de nouveaux médicaments dont la place doit encore être précisée. Face à cette complexité, les dermatologues peuvent trouver de l’aide auprès des centres de référence MALIBUL et de la filière FIMARAD, qui proposent des recommandations de traitement (largement reprises dans les guidelines européennes), des avis par téléconsultation pour les cas déli-cats, des réunions de RCP nationales. Les sérums complexes sont centralisés et analysés par les laboratoires du Centre de référence des maladies rares (CRMR). Des programmes d’éducation thérapeutique et des sessions de formation pour les patients relais sont organisés. De nombreux documents d’information à destination des patients, des infirmières ou des généralistes sont disponibles. Récemment, la filière FIMARAD a lancé des appels d’offres de recherche pour explorer le fardeau de la maladie et mieux appréhender qui sont les patients en errance diagnostique ou thérapeutique.

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