Publié le 01 juil 2021Lecture 4 min
L’intelligence artificielle au service du dépistage des mélanomes
Denise CARO, Paris
En Australie, en dépit d’une politique active de prévention des dommages liés au soleil depuis de nombreuses années, l’incidence du mélanome ne cesse de progresser, entraînant une multiplication des examens, de crainte de passer à côté d’un diagnostic.
L'enjeu est sans doute de stopper l’inflation des examens tous azimuts sans perte de chance, en ciblant les groupes à risque et en utilisant les bons outils. L’intelligence artificielle (IA) peut être une aide dans ce domaine(1). En Australie, le mélanome est le cancer le plus fréquent chez les 15-39 ans. L’incidence du mélanome cutané y a même été multipliée par six entre 1975 et 2015, et elle continue de progresser.
UNE AUGMENTATION DES DIAGNOSTICS
Cette progression ne peut pas être attribuée entièrement à une augmentation de l’exposition UV ou à d’autres facteurs de risque connus ; elle s’explique aussi par une augmentation des diagnostics : multiplication des examens cutanés, baisse des seuils cliniques déclenchant une biopsie et des seuils histopathologiques permettant d’étiqueter des modifications morphologiques comme cancer(2). Le nombre de biopsies cutanées a ainsi doublé entre 2004 et 2017. Une réévaluation des biopsies réalisées au cours des décennies précédentes a permis d’identifier des mélanomes passés inaperçus. Enfin, l’incidence des mélanomes in situ est cinquante fois plus élevée qu’en 1975, tandis que le nombre de diagnostics de mélanomes invasifs a diminué(2).
« La crainte de passer à côté d’un diagnostic, pour des raisons médicolégales et du fait de l’anxiété des patients, a conduit les médecins généralistes à adresser de plus en plus facilement les patients à un spécialiste pour avis et les dermatologues à recourir de plus en plus souvent à la biopsie », a déclaré Hans Peter Soyer (Australie).
Différents outils peuvent aider à l’amélioration des diagnostics, notamment en sélectionnant les personnes à risque chez lesquelles les examens sont utiles. Dans ce contexte, l’Australie a mis en place un outil d’évaluation du risque de mélanome online(3), fondé sur le sexe, l’âge, la région de domiciliation, le nombre de moles à l’âge de 10 ans, les antécédents de cancers cutanés autre que le mélanome, l’utilisation de lampes à bronzer, les antécédents familiaux de mélanome (1er degré), etc.
La conjonction d’un score clinique (âge, sexe, couleur de cheveux, yeux et peau, antécédents médicaux, histoire familiale) et d’un score d’imagerie par photographies 3D (dommages UV, nævi, taches de rousseur) permet de déterminer les phénotypes à risque.
De la même façon, un score génétique peut être calculé (gènes familiaux et génotypage des facteurs connus pour modifier le risque de mélanome). L’addition des scores cliniques, d’imagerie et génétiques permet de définir un score de risque global. Parmi les nouveaux outils diagnostiques, la photographie 3D corps entier a fait la preuve de son intérêt pour la détection précoce du mélanome, en particulier chez les patients avec des nævi dysplasiques(4).
L'IA AMÉLIORE LA PRÉCISION DU DIAGNOSTIC
Les progrès de la télémédecine et de l’IA diagnostique conduisent aujourd’hui à intégrer ces outils pour la détection des cancers de la peau et en particulier du mélanome. Selon une publication récente, la prise de décision clinique fondée sur une IA de bonne qualité améliore la précision du diagnostic par rapport à l’IA ou au médecin, seuls. Les cliniciens les moins expérimentés tirent le meilleur parti de l’assistance de l’IA(5). A contrario, une IA défectueuse est susceptible d’induire en erreur tout clinicien, aussi expérimenté soit-il.
Bien que les algorithmes de classification de l’intelligence artificielle aient atteint des performances de niveau expert dans des études contrôlées examinant des images uniques, dans la pratique, les dermatologues fondent leur jugement de manière holistique sur plusieurs lésions d’un même patient. Pour remédier à cette divergence de méthode, des algorithmes ont été développés en utilisant des données du contexte clinique et des données plus générales concernant les patients. De même, les images collectées doivent couvrir de larges champs cutanés. Un identifiant permet de repérer dans la base de données les images appartenant à un même patient. Ainsi, V. Rotemberg a collecté les données de 2056 patients (20,8 % avec au moins un mélanome ; 79,2 % sans aucun mélanome), avec une moyenne de 16 lésions par patient, soit 33 126 images dermoscopiques dont 584 (1,8 %) seulement étaient des mélanomes confirmés en histopathologie. Ce type d’approche est particulièrement utile pour éliminer les faux positifs chez les patients présentant de nombreux nævi atypiques(6).
De même, l’identification des lésions pigmentées suspectes (LPS) facilite le diagnostic précoce de mélanome ; elle améliore son pronostic et réduit drastiquement les coûts de traitement. Dans ce contexte, L.R. Soenksen a développé un système d’analyse à l’aide de réseaux de neurones à convolution profonde (DCNN). Avec 38 283 données collectées auprès de 133 patients et 15244 images prises à l’aide de caméras non thermoscopiques de qualité grand public, le système a permis de distinguer les LPS des lésions non suspectes avec une sensibilité de 90,3 % et une spécificité de 89,9%(7). Ainsi, l’IA peut apporter son aide à la détection des mélanomes à deux niveaux. Avant l’avis du clinicien et après analyse et interprétation des lésions (à partir de photographies corps entier), elle peut opérer un tri automatique des images à présenter au praticien. L’IA peut également fournir un second avis qui aidera le clinicien à confirmer ou à modifier sa première analyse(8).
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