Publié le 07 mar 2022Lecture 4 min
La dermatite atopique à l’ère de l’arrivée des anti-JAK
Muriel GEVREY, Paris
La dermatite atopique a un impact majeur sur la qualité de vie au long cours. L’arrivée de nouvelles thérapies systémiques permet d’infléchir la trajectoire de l’évolution. Parmi les nouveautés, les anti-JAK s’appuient sur sa physiopathologie faisant intervenir les Janus kinases.
Les traitements systémiques de la dermatite atopique (DA) deviennent une voie importante dans un paysage où la ciclosporine a été longtemps la seule ressource disponible avec de nombreux effets indésirables. Le dupilumab, un anti-corps monoclonal anti IL4/IL13 a changé la donne lors des quatre dernières années. Cet anti-IL4/IL13 est indiqué dans les DA sévères, après échec, intolérance ou contre-indication à la ciclosporine. Les inhibiteurs de JAK (JAKi) appartenant à une nouvelle classe thérapeutique sont testés dans cette indication où le baricitinib a eu le premier son AMM dans les formes modérées à sévères de l’adulte (le 19 octobre 2020). L’upadacitinib bénéficie d’une autorisation temporaire d’utilisation (ATU), et l’abrocitinib est en bonne voie d’approbation (AMM européenne, le 9 décembre 2021). Cette classe thérapeutique agit sur les Janus kinases impliquées dans de nombreux mécanismes intracellulaires. Quand l’IL4 ou l’IL13 se combinent aux récepteurs cellulaires, une protéine JAK1, 2 ou 3 ou une tyrosine kinase 2 (TYK2) est phosphorylée et activée(1). L’activation de JAK conduit à une cascade de phosphorylation aboutissant à la stimulation des facteurs de transduction (STAT3, STAT6). L’activation de STAT6 augmente l’expression d’une protéine pro-inflammatoire qui stimule la production de TLSP par les kératinocytes. D’autres protéines essentielles à l’intégrité de la barrière cutanée sont diminuées par l’IL4 et l’IL13. D’autre part, les lymphocytes TH2 expriment l’IL31 qui agit sur les kératinocytes et leur production d’IL24 qui concourt aussi à un affaiblissement de la barrière cutanée impliquée dans les symptômes de la DA.
De nombreux essais de phase 3
Les anti-JAK n’ont pas tous les mêmes propriétés. Alors que le baricitinib agit sur JAK1 et 2, l’abrocitinib et l’upadacitinib sont des inhibiteurs sélectifs de JAK1(2). Le baricitinib a été évalué dans le programme BREEZE(3). Dans l’essai BREEZE-AD7, le bariticinib ou le placebo étaient associés à un dermocorticoïde, ce qui correspond à la pratique courante d’utilisation des topiques dans la DA. À 16 semaines, près de la moitié des patients (48 %) du groupe baricitinib 4 mg ont atteint l’EASI75 (Eczema Area and Severity Index 75) contre 23 % des patients ayant reçu un placebo, soit une différence statistiquement significative. Côté tolérance, on a observé des rhinopharyngites, des infections des voies aériennes supérieures, une élévation des CPK et des céphalées.
Autre anti-JAK, l’upadacitinib (15 mg ou 30 mg) a été évalué contre placebo dans les études Measure 1 et 2.80 % des patients ont atteint un EASI75 versus 26 % dans le groupe placebo(4). Côté tolérance, on signale une augmentation d’infections virales et de pseudo-acné, une élévation des CPK et du cholestérol sans conséquence aiguë. L’upadacitinib s’est confronté au dupilumab(5). L’obtention d’un EASI75 est rapide avec l’upadacitinib : à 2 semaines, 43,7 % des patients l’atteignent sous upadacitinib vs 17,4 % sous dupilumab (p < 0,001). À 16 semaines, 71 % des patients ont un index de sévérité EASI75 vs 61,1 % des patients recevant le dupilumab (p = 0,006). Avec un critère de jugement plus rigoureux, l’EASI100 ou blanchiment total est atteint par 29,7 % des patients sous upadacitinib comparativement à 7,6 % des patients sous dupilumab (p < 0,001). Le profil de tolérance est dominé par l’augmentation des infections, du zona et des anomalies des examens biologiques sans conséquence notable.
Quant à l’abrocitinib, il a été évalué dans plusieurs essais de phase 3. Dans JADE MONO-1(6) ,à l’issue de la douzième semaine, 63 % des patients sous abrocitinib 200 mg ont obtenu un EASI75 (vs 12 % sous placebo). La tolérance était conforme à ce qu’il avait déjà été décrit dans les études précédentes.
L’étude JADE MONO-2 a confirmé ces résultats de phase 3 avec l’abrocitinib (100 ou 200 mg) chez des patients de plus de 12 ans souffrant de DA modérée à sévère(7). Dès la deuxième semaine, des bénéfices se dessinent en faveur de l’anti-JAK. À 12 semaines, 61 % des patients sous abrocitinib 200 mg avaient une EASI75 contre 44,5 % sous 100 mg vs 10,4 % sous placebo. Les effets indésirables concernent la sphère infectieuse, une diminution des plaquettes et la pseudo-acné. Les formes touchant la tête et le cou qui s’aggravent sous dupilumab sont de bons candidats aux anti-JAK. Le suivi n’est pas encore protocolisé, mais il est conseillé de demander une NFS, un ionogramme, un bilan hépatique, des sérologies d’hépatites virales, un bilan lipidique (triglycérides, cholestérol) et un Quantiféron pour éliminer une infection tuberculeuse latente.
Un objectif commun
En pratique, les patients souffrant de DA se sentent isolés et mal compris dans ce qu’ils estiment « un parcours du combattant ». Les patients sont souvent lassés d’appliquer les topiques, les corticoïdes, les émollients ou de prendre de l’hydroxyzine pour traiter les démangeaisons. Ils demandent aux médecins d’être plus réactifs dans la dynamique de prise en charge de la DA. Les associations de patients comme l’Association française de l’eczéma(8) apportent une aide importante pour informer les patients et leur conseiller des mesures pratiques. Côté médical, il faut repenser le traitement de maintenance centré patient et trouver la juste mesure entre un traitement minimal efficace et ce que le patient considère acceptable en qualité de vie.
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