Publié le 12 fév 2021Lecture 7 min
Dermatologie pédiatrique aquatique
C. ABASQ, Brest
De nombreuses dermatoses aquagéniques peuvent être rencontrées au cours de la période infantile. Elles varient selon l’environnement et on peut distinguer schématiquement les dermatoses induites par le contact avec l’eau, la piscine ou la mer.
L’environnement aquatique est initialement nécessaire au développement de l’embryon puis du fœtus. Il est intéressant de voir que jusqu’à 20 semaines d’aménorrhée (SA), le liquide amniotique se forme à travers la peau fœtale. La kératinisation interrompt ces échanges à 20 SA et sa composition diffère alors totalement du sérum fœtal. À la naissance, la peau du nouveau-né va s’adapter à un environnement gazeux et des processus de maturation cutanée vont se développer.
On peut schématiquement répartir les dermatoses aquatiques de l’enfant en 3 parties : dermatoses induites par l’eau, la piscine et la mer.
DERMATOSES INDUITES PAR L’EAU
La kératodermie palmo plantaire aquagénique (KPPA)
Elle est caractérisée par le signe du seau, qui correspond à l’apparition très rapide (moins de 5 min) d’un œdème, de papules blanchâtres et d’une majoration des plis dermatoglyphiques après immersion dans l’eau des paumes et des plantes. Elle peut s’associer à un prurit, des douleurs et une desquamation (figure 1).
Cet aspect est physiologique s’il survient après immersion prolongée. Elle a été décrite en association aux AINS, à la dermatite atopique, à l’hyperhidrose. Ce signe est surtout observé de façon préférentielle au cours de la mucoviscidose(1).
La KPPA a aussi été décrite chez des patients hétérozygotes dans le gène CFTR (Cystic fibrosis transmembrane regulator gene). Toutefois, chez l’enfant la réalisation d’une analyse génétique à la recherche d’une hétérozygotie dans le gène CFTR soulève des questions éthiques relatives à l’utilisation d’un test génétique chez un mineur asymptomatique(2). La prise en charge de la KPPA est délicate. La ionophorèse, les crèmes à base d’urée, d’acide lactique, voire des injections de toxine botulique ont été rapportées chez l’adulte. L’évolution est aussi parfois spontanément favorable.
Cet aspect de KPPA est à différencier de l’acral peeling syndrome qui est une forme d’épidermolyse bulleuse héréditaire. Les bulles et la desquamation peuvent aussi être favorisées par l’humidité. Cette épidermolyse bulleuse héréditaire se caractérise par un clivage très superficiel sous la couche cornée lié à une mutation de la transglutaminase 5.
L’urticaire aquagénique
C’est une forme rare d’urticaire qu’il conviendra de différencier d’un prurit aquagénique, d’une urticaire au froid, d’une urticaire cholinergique (stress, exercice physique ?), d’une urticaire après contact avec animaux marins (lésions figurées) ou microorganismes aquatiques (sous le maillot !). Elle est souvent micropapuleuse, survenant 10 à 30 min après exposition à l’eau. Elle touche plutôt la femme, à partir de la puberté. Le risque est celui du choc, qu’il conviendra de différentier de l’épilepsie à l’eau chaude chez l’enfant (épilepsie réflexe d’évolution favorable). La prise en charge repose sur les antihistaminiques anticholinergiques et les antileucotriènes. Dans la littérature, la photothérapie, les crèmes barrières et l’omalizumab ont aussi été proposés.
DERMATOSES INDUITES PAR LA PISCINE
Pulpite des piscines ou pool palms (figure 2)
Elle se manifeste par un érythème, parfois des bulles sur la pulpe des doigts et/ou des orteils. Il s’agit d’une dermatose de friction (frottement avec les rebords de la piscine) plus que d’une dermatose aqua génique stricto sensu. Sa guérison est spontanée.
Folliculite à Pseudomonas aeruginosa
Différentes sources de contamination ont été rapportées :
piscine chauffée, bains à remous ou sous pression ;
jouets contaminés dans la baignoire familiale ;
après le port de tenues de plongée sous-marine mal nettoyées et insuffisamment séchées ;
après épilation à la cire ou massages dans des conditions non rigoureuses d’asepsie.
Cette folliculite se manifeste par des grosses papulopustules prurigineuses, folliculaires, douloureuses survenant 24 à 48 h, voire quelques heures après la contamination (figure 3).
La topographie correspond à la zone recouverte par le maillot de bain. L ‘évolution est favorable en 7 à 10 jours.
Hot Foot syndrome(3)
Une épidémie de nodules plantaires douloureux chez 40 enfants âgés de 2 à 15 ans ayant fréquenté la même pataugeoire a été décrite pour la première fois en 2001.
Les enfants présentaient un érythème plantaire diffus, des nodules multiples, très sensibles à la palpation, très proches de l’hidradénite plantaire eccrine. Une folliculite était parfois associée. Une même souche de Pseudomonas aeruginosa était mise en évidence sur un prélèvement de pustule chez un enfant et sur les prélèvements de l’eau de la piscine. L’évolution a été spontanément favorable chez tous les patients. Cette éruption est à distinguer d’une infection à mycobactérie atypique.
Verrues(5)
La transmission reste avant tout intrafamiliale et scolaire. La fréquentation des piscines n’apparaît pas comme un facteur de risque dans une étude de cohorte prospective publiée en 2013 dans le journal Pediatrics. Les auteurs recommandent surtout de lutter contre la transmission intrafamiliale et scolaire.
Mycoses des pieds et piscine(6)
Les mycoses des pieds sont moins fréquentes chez l’enfant. Comme chez l’adulte, l’agent le plus souvent responsable est T. Rubrum. Il existe un lien établi entre fréquentation des piscines et mycoses des pieds. Ces dernières sont transmises par les squames infectées. La prévention de la transmission repose sur l’éducation des personnes infectées. Les dermatophytes anthropophiles peuvent survivre 123 jours dans l’eau chlorée d’une piscine entre 28 et 31 °C (Fisher, 1982).
DERMATOSES INDUITES PAR LA MER
Phytophotodermatose (figure 4)
Elle se présente sous la forme d’un placard érythémateux inflammatoire, de lésions vésiculobulleuses douloureuses à la palpation d’aspect linéaire, strié, dessinant l’architecture des algues marines. Anemonia veridis (figure 5) est une anémone souvent prise pour une algue par les baigneurs : la partie visible se compose de longs bras souples et mous, de couleur verdâtre avec la pointe plus ou moins visiblement violacée. Au contact de la peau, ses tentacules se révèlent extrêmement collants et sont urticants sur les peaux fines (bras, ventre, visage, etc.).
Dermite des cnidaires ou seabather’s eruption
Il s’agit d’une dermatite de contact provoquée par les « bourgeons » de cnidaires : méduses notamment Linuche unguiculata et Mnemiopsis leidyi ou encore coraux et anénomes, notamment Edwardsiella lineata. La période printanière est la période de « ponte » (reproduction par bourgeonnement) et segmentation (« larves » de 0,5 mm de diamètre invisibles pouvant passer à travers les tissus).
Elle est décrite dans les Caraïbes, golfe du Mexique, Floride, côtes du Brésil mais les cnidaires sont aussi présents sur d’autres côtes.
Urticaire aquagénique à l’eau de mer(7)
Il s’agit d’une urticaire touchant surtout les femmes jeunes au niveau du cou, parties inférieures du visage, épaules sur venant quelques minutes après la baignade en eau de mer uniquement. Un lien avec le degré de salinité de l’eau a été proposé. Sa prévalence est probablement sous-estimée.
Méduses
Les méduses les plus fréquemment rencontrées en France sont :
elagia noctiluca, de couleur violette ;
urelia aurita ;
les espèces du genre Cyanea.
Elles ne sont pas connues pour entraîner des envenimations menaçant le pronostic vital. Les symptômes sont dominés par la sensation de brûlures immédiate avec apparition d’une dermatose figurée papuleuse en regard des tentacules. L’évolution peut être bulleuse ou purpurique, des cicatrices pigmentées peuvent être observées.
Un des objectifs de la prise en charge de piqûres de méduse est d’enlever les tentacules invisibles collés à la peau qui n’ont pas encore largué la totalité du venin. Pour ce faire, il faut empêcher la victime de se frotter, bien rincer la zone impliquée à l’eau de mer, saupoudrer de sable sec qui, en contact avec la peau humide, va former un placard piégeant les tentacules, le placard de sable est ensuite ôté grâce à un morceau de carton rigide ou le dos d’une carte de crédit.
Physalies ou galères portugaises (figure 6)
Ces animaux vivent dans les régions tropicales et sous tropicales, notamment dans l’Atlantique au large des îles de Floride. Des envenimations ont été rapportées sur les plages des Landes de 2008 à 2014, sans provoquer de décès. Elles appartiennent à l’ordre des siphonophores : organismes coloniaux et planctoniques apparentés aux méduses, coraux et anémones. Leur forme est très caractéristique : sac gonflé d’air, mesurant 15 à 20 cm, d’aspect rosé ou bleuté, flottant hors de l’eau avec des tentacules sous forme de longs filaments de 15 à 40 m. Les tentacules sont extrêmement urticants, fragiles et se rompent facilement : ils dérivent au gré des vagues, loin du flotteur. La piqûre est très douloureuse avec décharges électriques. S’y associent de façon variable : urticaire, bulles, signes généraux, complications sévères avec hospitalisation dans 10 % des cas. La physalie peut rester venimeuse deux mois après sa mort.
Vives (figure 7)
L’envenimation par des vives est fréquente en France. La vive est un poisson côtier qui s’échoue volontiers à marée basse sur les grèves de l’Atlantique, de la mer du Nord, de la Baltique et de la Méditerranée. Ce poisson de 10-15 cm est enfoui dans le sable. Le contact avec ses épines dorsales entraîne la libération de venin hémolytique et neurotoxique. Il déclenche une douleur très vive, avec irradiation, érythème, rarement un œdème blanc pouvant être suivi d’une nécrose.
Chez le jeune enfant, des sueurs, nausées, lipothymie, syncope, prostration peuvent être observées. Sans traitement, douleur et œdème ne s’atténuent qu’après plusieurs heures, et disparaissent au bout de 24 à 48 heures, voire plusieurs jours. Les complications éventuelles sont la surinfection et l’inclusion d’épine. Plus rarement, une douleur séquellaire avec œdème et hyperesthésie, quelquefois responsable d’algodystrophie a été décrite et exceptionnellement un syndrome de Raynaud. Du fait de la thermolabilité du venin à 57 °C, une exposition pendant 2 minutes à une cigarette ou à de l’eau chaude est préconisée. Les antalgiques et une désinfection de la plaie est ensuite préconisée. Le port de sandales est proposé en préventif.
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